Un point d'étape dans la démocratie délégative au PP

Les démocraties, quelles que soient leur forme, liquides, participatives ou représentatives, sont soumises à deux impératifs contradictoires : d’un côté elles doivent prendre des décisions qui conviennent à la majorité, mais d’un autre côté elles doivent aussi défendre les minorités. Pour prendre un exemple très caricatural : nos démocraties ont décidé d’imposer les citoyens les plus riches, minoritaires, pour financer des biens communs, justice, hôpitaux, écoles, par exemple. Mais dans le même temps, elles décident de financer des aménagements pour les handicapés, minoritaires aussi, parce qu’il est impératif que tout le monde ait accès aux bâtiments publics.

Or, le problème des minorités, c’est qu’elle n’ont pas la majorité, Captain Obvious. Il faut donc de temps en temps prendre des décisions à destination de la majorité, et de temps en temps prendre des décisions pour une minorité. Sans cela, on tombe dans ce que Alexis de Tocqueville appelait « la tyrannie de la majorité », ou qu’on appelle aussi « abus de majorité » dans les assemblées de copropriétaires. Je ne suis pas un fan de Tocqueville, penseur plutôt libéral, mais il faut reconnaitre que sur ce point il a vu juste.

Dans les démocraties représentatives, la défense des minorités marche (plus ou moins c’est vrai) parce que les candidats à une élection, en fonction de leur analyse et de leur vision des choses, font un programme qui contient à la fois des décisions pour défendre les minorités et à la fois des éléments consensuels. Les citoyens choisissent un candidat et son programme dans sa totalité, et les minorités sont de ce fait défendues dans la plupart des cas.

Dans une démocratie participative ou liquide, chaque décision est prise à la majorité. La tyrannie de la majorité devient donc un risque majeur. Cette façon de fonctionner peut satisfaire ceux qui sont proches de la pensée dominante, ce qui peut donner l’illusion que ce système marche. Mais dans les faits tous ceux qui sur un point ou un autre sont dans une minorité se retrouvent dans une impasse. Ils sont face à ce qui est ressenti comme une dictature et leur seule solution est la fuite. C’est très clairement ce qu’on constate au Parti Pirate. Je ne compte plus ceux qui sont partis du parti en claquant la porte. Si, tiens, on va les compter :

Plus la mienne, et j’en ai probablement oublié.

Je sais que critiquer est facile, proposer des solutions est plus compliqué. Il y a quelques propositions de bon sens qu’il serait urgent de prendre au PP.

Une des solution proposée par Tocqueville pour contrer la dictature de la majorité est l’instauration de contre-pouvoirs. De mon point de vue c’est ce qui manque le plus cruellement au PP.

Le premier contre-pouvoir est la liberté d’expression. Liberté totale (dans le respect de la loi, bien sûr). Les gazettes municipales ont toutes leur « tribune de l’opposition ». Notre pays a le Canard Enchaîné et Charlie Hebdo. Le Parti Pirate devrait avoir un espace où s’exprimer librement, sans que la modération, même élue à la majorité, ne puisse intervenir.

Ensuite, sur des points de programme très clivants comme l’écologie ou le nucléaire, par exemple, il n’est pas logique que des décisions puissent être prises à une courte majorité. L’opposition devrait avoir un « droit de véto » pour les quelques décisions qui lui semblent rédhibitoires. Il faut bien sûr limiter les abus dans les deux sens, limiter le nombre de droits de véto (tant par an, ou en pourcentage de décisions prises) pour en éviter trop et un bloquage, et la possibilité de « déplacer » un droit de véto sur une autre décision plus importante, pour éviter que la majorité ne puisse faire passer en vitesse toutes les décisions litigieuses lorsque les droits de véto sont épuisés.

Enfin, il y aurait aussi une nécessaire prise de conscience du « Premier Cercle », qui se sent aujourd’hui la légitimité totale parce qu’il a été élu majoritairement, mais qui devrait se rendre compte que les choses sont plus complexes que ça. Les effectifs du PP, stagnant aux alentours de 500 adhérents depuis des années, devrait ouvrir les yeux aux plus anciens et ils devraient se rendre à l’évidence : le parti tel qu’il est actuellement est encore très imparfait. Si rien ne change, dans 10 ans vous en serez au même point.

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