Je vous livre ici ma réflexion sur Stratcom. Si je sais l’engagement de ses membres, nous sommes nombreux à estimer que cette organisation n’a pas bien fonctionné pendant la séquence des législatives.
Mon opinion est que Stratcom a complètement dérivé suite à une série de glissements sémantiques auxquels personne n’a tout à fait prêté attention.
A l’origine, Stratcom est une liste de discussion sur laquelle les adhérents discutent de la stratégie de communication du Parti Pirate. Le forum était déjà moribond et discourse pas encore opérationnel. Aussi, Stratcom, faute de mieux, était l’endroit où les pirates échangent sur la vie et les opérations du parti, sans plus de structure que ça.
Les porte paroles, par exemple, y faisaient relire les CPs. Mais comme toutes les mailings lists, elle se dispersait régulièrement et avait une efficacité opérationnelle très limitée : les sujets qui correspondaient à de vrais besoins dérivaient régulièrement, les discussions de fond n’aboutissaient pas. Et quand on ajoute une pincée de trolls… bref.
Fin 2016, plusieurs évolutions : discourse remplace avantageusement le forum et les mailing list. Et des pirates décident de transformer Stratcom en une section de travail. L’initiative est globalement bien accueillie, nous verrons qu’en fait elle partait sur de mauvaises bases.
Charte Graphique et Stratégie de Communication
Stratcom souhaitait pouvoir travailler en équipe réduite, sans soumettre le travail réalisé aux avis de Pierre, Paul et Jacques, ceci dans un souci de plus grande efficacité et d’amélioration de la qualité. Pour quiconque a connu l’enfer de la co-création participative avec des dizaines d’inspecteurs des travaux finis, la requête a fait sens. Et puis il a paru assez raisonnable que des gens qui veulent travailler puisse le faire de la façon qu’ils veulent.
A la base, Stratcom se définissait comme une fabrique, le lieu où s’élaborerait la communication visuelle du Parti Pirate et les différents documents dont le Parti Pirate avait besoin. A la fin de l’année 2016, une charte graphique a été mise en place et quelques visuels, assez séduisants, ont été produits.
Mais le premier piège lexical était là : une charte graphique ne fait pas une stratégie de communication. Elle en est un élément parmi d’autres.
Du coup, pendant que Stratcom produisait, à son rythme, des éléments de communication visuelle, aucune réflexion sur la stratégie de communication n’avait plus lieu au Parti Pirate. Inconsciemment, nous nous attendions à ce que Stratcom pilote quelque chose… mais non, rien. A l’échelle nationale, aucune campagne de communication n’a été pensée. Les documents du R39 n’ont pas été créé au format imprimeur.
Les pirates ont réagi tardivement, dans le stress et en commettant un certain nombre d’erreurs : à ce prix affiches, bulletins et profession de foi ont été produits. Et comme il n’y avait pas de pilote dans l’avion, des initiatives locales ont vu le jour : des visuels sur les réseaux sociaux, le clip parallèle (qui avait vocation à être officiel) et le roman photo.
Stratcom a réagi en refusant à ces initiatives le droit d’être relayées sur le réseau national. Elle l’a fait en invoquant un deuxième mot piège : celui du “professionnalisme”.
Le piège du professionnalisme
La communication du Parti Pirate se devait, d’après Stratcom, d’être “professionnelle”. Rien de plus piégé que ce mot là : les pirates n’avaient certainement pas voté pour que les valeurs de l’entreprise s’imposent à celles du parti.
C’était d’autant plus stérile que comparés aux équipes de communication réellement professionnelles des grands partis politique, les pirates n’avaient absolument pas les moyens de relever le gant. Et voilà qu’il valait mieux ne rien faire que de faire des choses qui ne seraient pas professionnelles !
L’exigence de qualité de Stratcom est devenue castratrice. Et le mot “professionnel” a coupé court aux débats. Impossible de discuter des fondements d’une campagne avec quelqu’un qui se déclare professionnel alors que nous on ne l’est pas. Et s’il est une chose certaine, c’est que les pirates n’avaient pas voté pour que l’équipe Stratcom commande et qu’eux obéissent sans discuter.
Car le “professionnalisme” est porteur d’une illusion dangereuse : celle d’une prétendue neutralité politique. Or, quand on lit quelque chose comme ça :
“Axes: Positivisme, Ecarter les critiques/attaques directes des autres partis ou personnes.”
on est dans le cadre d’une décision politique. On est pas dans de la simple recommandation technique et neutre. Et cet axe de “positivisme” n’a jamais été débattu au Parti Pirate : Stratcom n’avait pas mandat pour l’imposer.
L’absence de stratégie de communication
Concrètement, il n’y a eu aucune stratégie de communication au Parti Pirate pour les élections de 2017. Rassurons nous : avec la meilleure des stratégies, on aurait certainement pas gagné. Mais le fait est que pour les législatives, on a même pas essayé.
Il y a eu une stratégie d’alliance, plutôt bien menée, avec Caisse Claire. Il y a eu une stratégie programmatique avec le vote de la Déclaration de Politique Générale et tout le travail sur le programme. Mais à l’échelle nationale, il n’y a pas eu de stratégie de communication ni pour recruter de candidates et des candidats, ni pour lever des fonds, ni pour s’adresser aux électeurs et aux médias. Il y a eu au mieux quelques opérations éparses sans aucune vision d’ensemble.
Il n’y a pas eu non plus de stratégie de production des éléments constitutifs de la communication du PP pour les législatives : les professions de foi n’étaient pas au format imprimeur et énormément d’outils de communication basique n’ont pas été pensé par Stratcom. Stratcom n’avait pas pour responsabilité de produire tous ces éléments mais elle aurait dû à minima les lister et tenter d’organiser leur production. Ca n’a pas été le cas.
Là encore, le piège des mots : l’ équipe de Stratcom a travaillé autant qu’elle a pu, ceci n’est pas douteux. Mais du fait même de son nom, on attendait d’elle beaucoup plus que ce qu’elle avait les moyens de faire.
Que faire avec Stratcom ?
Stratcom est composée d’un certain nombre de pirates qui aiment travailler ensemble et qui produisent des visuels de qualité. Cela est précieux et doit être conservé. Mais il faut :
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Changer le nom de Stratcom et surtout préciser son périmètre : que ça s’appelle l’atelier graphique ou autre… La Stratégie de communication du Parti Pirate est une problématique éminement politique : elle ne peut pas être déléguée à une équipe fermée.
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Une vraie réflexion démocratique doit être ouverte sur ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas dans le cadre de la communication officielle du Parti Pirate, sans le faux argument du “professionnalisme”.
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La stratégie de communication du Parti Pirate doit faire l’objet d’un débat permanent sur discourse et ses grandes orientations doivent être décidées en AG. Du point de vue opérationnelle, elle doit être agile et réactive : le meilleur texte, la meilleure image qui arrive trop tard ne sert à rien.