Merci @dadourlou pour ce débat.
Sujet super intéressant, important et super compliqué… j’ai lu un peu tout ce qui a été dit, plein d’arguments.
Mon point de vue (de détail) sur les systèmes à points etc : le débat n’est pas vraiment que les points puissent être dévalués. En pratique, la nécessité de dévaluation est intrinsèque à notre système par répartition joint à la démographie défavorable.
Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, retour sur un principe de base qui me semble souvent oublié ou méconnu : le système par répartition veut qu’à un moment donné les cotisations récoltées sont réparties entre les pensionnés. S’il y a déséquilibre, il faut rééquilibrer. C’est l’objet principal d’à peu près toutes les réformes des retraites depuis les années 90. Elles ont été rendues nécessaires par l’évolution défavorable du nombre de cotisants par rapport aux retraités.
Les régimes dits aujourd’hui “bien gérés” (avocats p.ex.) sont plus exactement excédentaires à cause de la démographie propre au métier. Le régime des avocats a 4,22 cotisants pour 1 retraité. Le régime SNCF a 0,55 cotisant pour 1 retraité (source : l’article des Décodeurs envoyé par @Florie). Forcément, le second a un peu plus de mal à être excédentaire que le premier. Le nombre d’avocats a cru depuis des années, le nombre de cheminots a fortement décru (et de plus ils partent en retraite plus jeunes). Donc il me semble juste que les régimes excédentaires et déficitaires soient fusionnés pour réduire les écarts démographiques qui au niveau “moyen” national ne sont déjà pas super favorables. De toute façon sans réforme le régime des avocats finira fatalement par avoir lui aussi des problèmes lorsque le nombre d’avocats cessera de croître.
Sur le fond, quand on parle de garanties, en fait rien n’est vraiment garanti dans l’absolu, dans ce système par répartition. Les “droits” qu’on a, ce sont juste des droits à avoir une part d’un gâteau de taille non garantie.
Les points donnent effectivement une manière plus souple de rééquilibrer le système en les dévaluant sans avoir à faire de grosses réformes à chaque fois. Sur le fond (nécessité de rééquilibrer), ça ne change pas grand chose.
Les thèses voulant qu’il soit possible de faire sans réforme parce qu’en fait, tout va bien, me semblent assez naïves. Le COR (je crois que c’était dans les années 2000, période Jospin) avait sorti un rapport disant que si on avait 3 % de croissance / an sur 30 ans, pas de problème de financement des retraites. Ils disaient que c’était une évaluation pessimiste (la suite, on a connaît : croissance atone, on serait aujourd’hui bien contents d’avoir ces petits 3 % ne serait-ce qu’1 an). Et je ne parle même pas de l’idée actuelle d’avoir de la décroissance, qui va encore rendre bien plus difficile tout ça. Idem pour les “il suffit de retrouver le plein emploi” : optimiste (euphémisme, on a un peu essayé depuis 40+ ans).
Taxer les robots ? Déjà, c’est qu’on sort d’un système par répartition, on en admet donc la faillite. C’est peut-être une voie mais il y a un risque certain de peser sur l’industrie donc sur l’emploi humain également (délocalisations…), ça peut vite être contre-productif, et bien au delà de la seule question des retraites (je n’ai pas d’opinion très tranchée là dessus, je précise, mais je me méfie des solutions qui ont l’air un peu trop faciles et séduisantes au premier abord).
Donc au final, je pense qu’il faudra évidemment une réforme des retraites, que ça ne sera sans doute pas la dernière, et il serait bien qu’elle soit la plus juste possible sans laisser personne sur le carreau. Qu’on fusionne les régimes spéciaux me semble être en fait à l’avantage de ceux-ci (si on compense la pénibilité et les sujétions liées à certains métiers, horaires irréguliers ou décalés, jours fériés, pénibilité éventuellement etc) puisqu’ils sont déficitaires (ce qui par contrecoup, en les libérant de ce déficit, peut redonner de l’oxygène à certaines administrations ou services comme la SNCF).
Je pense que le gouvernement s’y prend comme un pied ; il me semble clair qu’il veut au passage nous fourguer un maximum de capitalisation, bien qu’il prétende le contraire ; c’est ce genre de non dit énorme que je trouve détestable dans la façon française de conduire des réformes, et qui n’engendre pas de la confiance.
Voilà… et une fois tout cela posé, je n’ai pas vraiment de solution miracle moi non plus.