Je commencerai, avant d’attaquer l’argumentation, par poser plusieurs définitions (Larousse) :
- Ethique : Ensemble des principes moraux qui sont à la base de la conduite de quelqu’un.
- Morale : Qui concerne les règles de conduite pratiquées dans une société, en particulier par rapport aux concepts de bien et de mal
- Domination : Action de dominer, d’exercer son autorité ou son influence sur le plan politique, moral, etc. ; autorité, empire
- Techniques : Manière de faire pour obtenir un résultat / Ensemble de procédés et de moyens pratiques propres à une activité
Maintenant le fond :
Existe-t-il un rapport de domination au sein du Parti Pirate ?
Oui, fatalement à partir du moment où l’on confie à un groupe d’individus un ensemble de prérogative, ils ont une autorité à exercer dans ce domaine.
Est-ce que ce rapport est brutal ?
Tout dépend du ressenti de chacun et affirmer positivement qu’il l’est, comme un constat général et objectif, est un sophisme.
Est-ce qu’on assiste à un glissement des fins vers les moyens ?
Non, car l’un de va pas s’en l’autre. Nos fins en tant que parti politique sont assez identifiables et identifiées : concourir aux élections, réformer la structure politique et sociale. Les moyens sont également visibles : émettre des propositions de réformes.
Est-ce que nous parlons uniquement de techniques ?
Non et affirmer le contraire est mensonger. Sur Discourse ? Peut-être, mais uniquement parce que certains lancent le sujet et donc s’il y a quelqu’un à blâmer ce sont les Pirates qui dans leur autonomie souhaite aborder le sujet.
Les techniques sont-ils un outils de l’exercice du pouvoir ?
Non, un outil est factuellement neutre. C’est son interaction avec l’individu qui va le transformer en un outil de pouvoirs. Donc, il appartient aux individus de se saisir des outils et des techniques pour s’opposer à l’autorité qu’ils estiment subir.
Est-ce qu’ils existent, au PP, un rapport de subordination entre les détenteurs de compétences extraordinaires et le reste des adhérents ?
Oui mais ce rapport n’est pas celui que l’on croit. En effet, les détenteurs de pouvoirs extraordinaires sont au service des adhérents. Donc, ils acceptent, en rentrant dans un Conseil, une équipe de se soumettre à l’Assemblée permanente. En échange de cette subordination, ils bénéficient de compétences supplémentaires pour servir leurs maîtres, si vous me permettez la figure de style.
Existe-t-il des contre-pouvoirs au Parti Pirate ?
Oui et oui. Ces contre pouvoirs sont de deux natures :
- Le recours en conformité, un grand classique du check and balance du monde anglo-saxons : toutes les décisions prises par un Conseil ou autre peuvent être contestée au regard des normes mises en place par la collectivité.
- La révocation, un autre classique du check and balance : la personne qui n’est pas respectueuse du cadre de son mandat est débarquée manu militari par une décision collective.
Mais, ce qu’il faut comprendre c’est que ces contre-pouvoirs sont par essence des rapports de domination. Ils sont brutaux comme la révocation. Le rapport est à double tranchant car, selon le résultat, il s’exercera dans un sens où dans l’autre. Néanmoins, l’acceptation du mécanisme comme garde fou implique une acceptation de ce rapport de domination : la personne révoquée accepte la domination de la majorité contre lui, les personnes qui échouent à convaincre acceptent la domination de la majorité contre eux. Le refus d’accepter cet état de fait, revient à refuser d’accepter le cadre collectif qui a été posée par la majorité (encore un rapport de force).
Les statuts sont-ils une solution aux problèmes présents et à venir ?
Non et ce n’est pas leur rôle car les conflits sont la conséquence des relations interpersonnelles des acteurs qui évoluent dans le cadre de la structure statutaire. La philosophie utilitariste dirait que pour purger les tensions internes, il faut purger les individus qui en sont la source (sans distinction).
Faut-il une éthique de la non puissance ?
Pour moi la réponse est non, car cela est hypocrite en politique. Par son action même, la politique est un rapport de force. Après, il appartient à chacun de faire en sorte qu’il soit le plus égalitaire possible. Mais, in fine, la puissance s’exprimera au travers de la prise de décision par vote : la majorité exercera sa puissance contre la minorité. Cet situation entraînera forcement une la mise en place d’une conduite, d’un manipulation ou d’une transformation sur autrui. La décision prise s’imposera à lui même s’il n’y est pas favorable.
Or, renoncer à l’acceptation de ce rapport de force revient à accepter une liberté de choix sur la décision collective qui n’est pas compatible avec la vie sociale.
Par exemple, est-ce moral que je refuse la sanction du vol qui protège la propriété individuelle d’autrui, qui est protégé car la majorité l’a décidé ainsi, car je ne crois pas au principe de propriété individuelle et que je le considère comme une oppression contre ma personne ? Est-ce morale qu’une entreprise ne se soumette pas à la loi décidée par la majorité, car celle-ci freine ses activités ?
Quelle éthique pour le Parti Pirate ?
L’éthique qui est doit continuée à être développée au Parti Pirate est celle de l’égalité réelle dans les relations primaires. J’entends par là, qu’à l’état primaire, le Pirate ne vaut pas plus qu’un autre pirate. Les transformations de son état capacitaire, c’est à dire de pouvoir qu’il détient réellement, est le fruit uniquement de la décision d’une autre pirate pleinement capacitaire de son pouvoir au moment du transfert de pouvoirs.
Cette éthique de l’égalité réelle permet à tous les pirates de recevoir des délégations, de faire une délégation, de candidater, de s’inscrire dans un équipage… Cette égalité réelle demeure toujours, le pouvoir supplémentaire qui crée le déséquilibre n’étant qu’un vêtement qui peut être enlevé.
Il faut également considérer que la minorité dispose toujours de la possibilité d’une contestation active de la majorité (check and balance). Il n’appartient qu’à elle de se saisir de l’appareil pour faire entendre sa voix (je pense, par exemple, au mouvement des droits civiques aux Etats-Unis).