Même si j’utilise des services de GAFAM, à mesure j’en réduis les utilisations « directes » en passant sur des services auto-hébergés (je m’amuse à faire de l’adminsys depuis plusieurs années).
Si je le fais, c’est avant tout pour moi, pour contrôler ce que je stocke. Concernant le transit des informations, c’est une cause noble mais vaine. On ne peut pas raisonnablement refuser d’envoyer des emails par exemple à telle personne car elle a sa connexion chez tel opérateur qui aurait la fâcheuse tendance à faire de la DPI.
Si je le fais, c’est aussi pour (m’)offrir des alternatives. Ayant un téléphone Android, cela me permet donc de répartir mes utilisations sur différents services (GAFAM et non GAFAM).
Au final, je ne pense pas qu’il faille « dynamiter » les GAFAM. Nous ne devons avoir ni le pouvoir ni la prétention de mettre une muselière à ces entreprises parce que nous, libristes, pirates, pensons que personne ne devrait utiliser leurs services. En revanche, je vois ici deux problématiques :
- le (quasi) monopole sur certains marchés,
- le (faux) consentement des utilisateurs.
Se rendre indispensable
De telles entreprises, ayant su être là « au bon endroit et au bon moment », ont à mon sens cette capacité commune à se rendre indispensables auprès des utilisateurs et même de l’infrastructure en créant l’offre et la demande. En prenant l’exemple de Google, pour l’utilisateur il est très commode d’avoir ce « compte magique » qui lui permet d’accéder à tout un tas de services divers et variés à partir de n’importe quel appareil avec un unique identifiant. Emails, stockage, vidéos, traitement de texte, travail collaboratif… la liste est longue et il faut avouer que c’est pratique. Cependant, tout cela demande un appui « dans les coulisses » assez solide. Alors on fait des CDN (décentralisé ≠ distribué ), on pousse des technos arrangeantes, quitte à les inventer et pour cela, quoi de mieux que de rédiger des dizaines voire centaines de RFC. Bref, on se rend indispensable à tous les niveaux.
Le problème ici, selon moi, est le fait de modeler si bien les habitudes des utilisateurs que les infrastructures et architectures protocolaires de l’Internet, bien commun, pour servir des intérêts privés. En revanche, pour le monopole c’est tout bénèf’ ! On peut imager cela par l’occupation de la voiture dans l’espace public, bien commun lui aussi. Confère cette célèbre illustration d’une ville où on peut y voir un quartier dont les routes ont été remplacées par des gouffres… il ne reste pas grand chose !
Boarf, les données toussa, c’est pas « si pire »
Le côté pratique de ces services centralisés et aux mains de quelques entreprises privées de la sorte, c’est le confort. C’est assez naturel chez l’Homo Sapiens de nos jours que de tendre vers le confort, surtout si on lui sert sur un plateau. De plus, avec quelques arguments de type « poudre aux yeux », le tour est joué ! Tout le monde n’ayant pas les compétences techniques suffisantes, il est difficile d’avoir le sens critique nécessaire pour se rendre compte du problème que posent les « services gratuits » de ce genre. Même si les précédents en matière de fuite de données et utilisations poussives de celles-ci (ici ou là) créent une émulation dans les médias et dans la société, les enjeux et problèmes que cela cause restent flous pour bon nombre d’entre nous.
Personnellement, j’y vois alors un axe intéressant : en touchant les utilisateurs sur la confidentialité, il est éventuellement possible de contre balancer le côté si pratique des services proposés par les GAFAM. Mais c’est aussi une question de mode de vie. Il ne faut pas oublier que certaines personnes même très au fait n’ont aucun soucis à voir leurs données semées un peu partout et monétisées. Qu’en penser ? Sont-ils fous ? Sont-ils inconscients au fond ? N’ont-ils pas vraiment saisis les enjeux ? Ou faut-il s’en résigner ?
Et donc ?
Pour en revenir aux problématiques que j’identifie concernant les GAFAM, suite à la lecture de ce post, la croisade contre les GAFAM n’est, à mon humble avis, autant une bonne solution qu’une mauvaise solution. Il ne faut pas se radicaliser en jouant la carte de la peur chez les gens pour espérer que tout cela change. Il ne faut pas non plus laisser les choses se faire, nos libertés individuelles sont sans aucun doute en jeu !
Concrètement, je proposerais :
- d’éduquer et d’informer les générations actuelles et futures aux enjeux des libertés individuelles à travers notamment le prisme des communications numériques et du monde de l’Internet, comme en diffuser ses vraies origines, son rôle dans la société en tant que technologie voire de place publique ou non à part entière telle une extension virtuelle de la société,
- d’avertir des risques liés au commerce des données, de clarifier le rôle et les buts des entreprises telles les GAFAM (la régulation, bien pensée n’est pas hors jeu cependant).
Le monde du Logiciel Libre est évidemment une porte d’entrée intéressante à ce titre, proposer des alternatives aussi et leur assurer auprès du grand public une égalité face aux GAFAM en termes d’accès (cela peut-être d’arrêter de modeler l’Internet comme bon leur semble).
En bref, une proposition pour les alternatives me paraît plus pertinente qu’une proposition contre les GAFAM. Nul besoin de les diaboliser, elles savent le faire elles-mêmes, il suffit d’avoir la capacité de le voir. Cela permet ainsi de concentrer les efforts et l’énergie sur les alternatives afin d’avoir une vraie réponse solide face aux GAFAM, confère ce billet de blog Framasoft.