Ainsi un chercheur est parmi nous! Je vais surveiller davantage mes propos qui privilégient parfois les bons mots ou le sens de la formule au détriment de a rigueur intellectuelle ;-). Dans quel domaine cherches-tu précisément? Je reprends des études avec l’objectif d’aller jusqu’au doctorat, en sciences politiques si l’on m’autorise à m’y réorienter, sinon en économie, mon domaine de formation initial. Tu confirmes ce que j’avais déjà bien compris au sujet de la recherche: On en fait pas pour devenir riche… Compte-tenu de l’importance stratégique de la recherche dans “l’économie du savoir”, et compte-tenu de ce qu’il s’agisse du plus haut niveau de professions intellectuelles, les conditions de travail n’ont pas l’air à la hauteur de l’engagement et l’importance que cela suppose… J’envisage le doctorat par anticipation pour faire l’expérience stimulante de la recherche et rejoindre un milieu d’intellectuels, mais je le vois aussi comme un moyen de me constituer un champ d’expertise valorisable par la suite à des postes plus lucratifs (postes à responsabilités dans le champ de l’action publique par exemple).
Au sujet de notre propos sur la propriété intellectuelle, je butte aussi sur ma méconnaissance du droit relatif à celle-ci. Gageons que les textes y afférant soient touffus et quelque peu abscons… Cela nous empêche de caractériser la propriété intellectuelle de façon précise. L’analyse de la législation en vigueur permettrait peut être d’estimer les points d’impact des lobbys dans l’élaboration et le vote des lois sur la propriété intellectuelle, il faudrait pour cela identifier des aberrations législatives créant des situations préférentielles à la faveur d’un secteur ou d’un produit particulier. L’étude de la législation comparée aux principes présidant à la propriété intellectuelle révélerait peut être quelques incohérences notables entre les principes et l’application de ces principes.
La connaissance de ces principes cadres nous permettraient déjà d’aborder la question de la propriété intellectuelle sur un plan philosophique, je vais profiter de ce que je commence à apprendre le droit pour y regarder de plus près, mais pas sûr que cette lecture t’intéresse… . En possession de ces informations on pourrait situer les différents types de licences logiciels par rapport à l’esprit des lois en cherchant par exemple quels principes permettent l’existence de rentes par le biais de licences propriétaires, droits d’usage limité valant même pour les programmes indispensables à l’usage de l’ordinateur. Quand on a payé plus de 1000€ pour sa machine, on ne se privera pas du logiciel de traitement de texte vendu 70€ en pack, son coût marginal est faible, surtout quand on le rapporte à son utilité. Mais au regard du taux de rentabilité de Word, ou du coût d’une mise à jour de ce logiciel (qui doit mobiliser un graphiste stagiaire au moins 20 bonne minutes!..), son prix est purement scandaleux et n’obéit qu’à une logique commerciale sans aucune justification économique. Rappelons Il a fallut que la plus haute cour de Justice américaine décrète la présence obligatoire d’un membre du comité anti-trust à chacun des conseils d’administration de Microsoft pour éviter l’hégémonie monopolistique mondiale qu’elle aurait obtenu sur la lancée de sa stratégie de prédation concurrentielle. 85% des propriétaires d’ordinateurs fonctionnent avec Windows, et doivent donc obligatoirement s’acquitter du prix des licences d’un antivirus, d’un pare-feu, d’adobe reader etc… C’est ce qui me fait dire que le terme de “système d’exploitation” est une traduction qui convient particulièrement bien au produit phare de Microsoft, qui ne livre pas les logiciels indispensables au fonctionnement attendu d’un ordinateur dès l’achat de celui-ci… Pré-installé et gratuit depuis peu, la plateforme d’exploitation et toute prête à drainer les ressources financières du client captif sans doute hypnotisé par la saturation visuelle des écrans pour ne pas même songer à essayer Linux. Après avoir exploité les brevets des concurrents (ou les avoir mis à la poubelle bien souvent), après avoir exploité les ressources physiques des machines de par la charge que représente Windows en RAM, Microsoft ne se prive pas d’exploiter les porte-feuilles des clients… Notons que ce système d’exploitation commerciale a pour conséquence de plonger une large proportion d’utilisateurs de WIndows dans l’illégalité, en rendant très attractifs les logiciels piratés gratuits. Indirectement, le système de marchandisation à outrance des fonctionnalités d’un ordinateur fait courir d’énormes risques à ses clients (peines de prisons+énormes amendes). Les éditeurs de logiciels et Microsoft sont tout de même particulièrement choyés par les législateurs qui fait d’une large part de sa population des criminels, au moins dans les textes tant qu’il n’y a pas d’autorité de contrôle. Les clients n’ont que le droit que payer sans jamais accéder à la propriété de l’objet de la transaction, ce qui a peu d’équivalent dans l’histoire des économies de marché.
Je suis aussi des 3% de “happy fews” qui tournent sous distributions Linux avec des licences libres. Je suis admiratif et tout acquis par la noblesse et l’ambition de cette éthique du partage de productions intellectuelles, de la défense du droit d’y accéder et d’y contribuer. ce qui rentre bien dans le champ des libertés. Comme tu le dis bien, le modèle économique est néanmoins bien fragile, mais l’ensemble du projet Linux associé aux milliers de logiciels sous licences libres constitue tout de même un contre-exemple remarquables de certaines “lois économiques fondamentales” issues de l’idéologie libérale. Le projet Linux en tant que création nn rémunerée d’une technologie de pointe gratuite plus performante que la version payante. Pas d’incitation pécuniaire, pas de système hiérarchique ni d’encadrement des conditions de “travail” qui n’en est plus vraiment, de quoi faire friser les neurones des économistes orthodoxes! Des microéconomistes n’accepteraient probablement pas la plausibilité de la réussite d’un projet tel que Linux. Pourtant, la figure chimérique de l’homo oeconomicus, qui agit uniquement dans son intérêt, est parfaitement renvoyé par la preuve au bestiaire des créatures fictives où l’égérie néoclassique antipathique rejoint Spider-man, le Yeti et le Pére Noël. On peut concevoir une forme d’intérêts non pécunier qui motive la réalisation (satisfaction de contribuer à un projet international pionnier motivé par des valeurs universalistes), mais ce qui ne se quantifie pas est exclu des théories et des modèles de ce type. Ça me fait penser à un économiste du FMI qui commente l’échec, dans des pays pauvres, de l’application de modèles de développement économique imposés par cette institution au bulldozer, il conclue, face caméra et très à l’aise que ces échecs s’expliquent par le fait que “Les habitants des pays pauvres ne sont pas rationnels.” (!!!) Caricature du théoricien intégriste qui conclut de la preuve de l’inopérabilité de sa théorie que c’est l’expérience qui a tort, pas sa théorie… Et surtout, de là à dire que les pauvres sont trop cons pour se développer, il n’y a vraiment qu’un tout petit pas…
Je me rends compte que j’ai beaucoup écris pour ne rien apporter à ta réflexion… Je cesse mes digressions… Le droit à la propriété est un Master dédié parmi les cursus en droit, tu t’attaques donc bien à un sujet d’expertise… Quel est précisément ton sujet de recherche a propos de la propriété intellectuelle?