[PROJET DE MOTION] De la politique de lutte contre les discriminations

Aujourd’hui, le Défenseur des droits a publié un rapport intitulé Discriminations et origines : l’urgence d’agir.
Ce rapport met en lumière un certain nombre de choses comme les types de discriminations, les endroits de leur expression, les cibles de leur expression, ainsi que leur caractère systémique.

C’est un rapport que je trouve précieux, et sur lequel je vous propose de nous appuyer pour construire une motion sur ce thème.

SYNTHÈSE DU RAPPORT

Le rapport orfficiel nous dit plusieurs choses.
Elle commence par relever le point initiateur de sa recherche : le racisme anti-asiatique relevé au début et pendant l’arrivée de la crise du Covid sur le territoire français :

La crise sanitaire inédite que la France traverse a révélé les fortes inégalités sociales et territoriales de notre société. Elle a aussi suscité des actes particulièrement préoccupants de stigmatisation à l’encontre de certains groupes perçus comme responsables ou vecteurs de la pandémie.

Élargissant son questionnement, le rapport définit ensuite la nature générale de ces discriminations, basée sur l’essentialisation d’un “nous” et d’un “eux” (ce qui renvoie à de l’assignation de force, en l’occurrence la racisation) :

Concrètement, la discrimination fondée sur l’origine vise des individus non pour ce qu’ils font mais pour ce qu’ils sont ou sont supposés être. Elle repose sur la mise en œuvre de stéréotypes associés aux individus en fonction de signes extérieurs sur lesquels ils n’ont pas de prise (couleur de peau, traits du visage, texture des cheveux, patronyme, prénom, accent) ou de caractéristiques socio-culturelles (religion, lieu de résidence), qui laissent supposer une origine étrangère.

Le rapport précise ensuite qu’il y a des degrés d’exposition à ces discriminations (faisant appel à la théorie des préjudices et des privilèges).

Le degré d’exposition aux discriminations n’est pas tant lié à la nationalité étrangère, actuelle ou passée, de la personne, mais à ces différents « signes » qui constituent les vecteurs des stéréotypes et des discriminations raciales. Elles concernent donc aussi bien des étrangers que des Français qui ne sont pas pleinement reconnus comme tels.

Ensuite, le rapport revient sur la distinction de traitement juridique entre le racisme et les discriminations, et leur traitement par la loi.
Et poursuit en signifiant que la France a la plus grande population en UE pouvant potentiellement être la cible des ces discriminations. le rapport pose alors la question (en deux paragraphes) la très puissante question qui suit :

Alors même que les champs de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations LGBT connaissent depuis quelques années des dynamiques encourageantes […] Comment est-il possible, alors qu’elles sont aujourd’hui pleinement identifiées grâce aux études existantes, que ces discriminations soient rendues à ce point invisibles dans le débat public et qu’il n’existe plus aucune véritable politique publique dédiée à la lutte contre les discriminations raciales ?

Dans la synthèse du rapport elle-même, la dimension systémique du phénomène est immédiatement mise en lumière…

Les données officielles et de nombreux rapports publics confirment l’ampleur de ces discriminations dans la société française et leur dimension systémique. Les résultats des études statistiques sont sans appel. […] Les discriminations liées à l’origine constituent souvent pour les individus concernés une expérience quotidienne, durable et généralisée, dans l’emploi mais également le logement ou l’accès aux biens et services. La part des institutions dans la production de ces discriminations est loin d’être négligeable.

… ainsi que l’intersectionnalité de ce phénomène avec d’autres types de discriminations :

Certaines personnes se trouvant au croisement de différentes formes de discrimination sont particulièrement exposées aux processus de stigmatisation et d’exclusion.

Nous trouvons également dans les deux documents (rapport et synthèse) un déroulé de tout ce que ce phénomène systémique engendre comme conséquences dans la vie des discriminé.e.s, avec, entre autres :

  • perte de bien être
  • perte de chance
  • efforts décuplés à trouver un emploi, un logement, …
  • difficulté d’accès aux carrières et aux opportunités, aux lieux de vie choisis
  • temps de transports augmentés
  • fatigue, dépression, colère, troubles psychologiques et de santé
  • autocensure (milieu pro, familial)
  • perte de confiance en l’institutionnel
  • perte de repères sur la place qu’on a dans la société
  • manque de reconnaissance

DE LA RESPONSABILITÉ DES POLITIQUES PASSÉES

La synthèse du rapport poursuit en pointant l’absence de lutte politique contre les discriminations malgré l’adoption d’une directive européenne en ce sens, en 2000.
Elle remonte même le temps, pour désigner responsable les politiques des années 90 et 2000 (gauche caviar, SOS Racisme, etc), qui ont fait basculé la lutte contres les discriminations vers un nouveau paradigme, celui de la promotion de la diversité :

Après une mise à l’agenda tardive, à la fin des années 1990, la politique de lutte contre les discriminations liées à l’origine a rapidement fait face à un déclin. La concurrence d’autres paradigmes, particulièrement celui de la promotion de la diversité, est venue freiner l’émergence d’une véritable politique de lutte contre les discriminations fondées sur l’origine, rapidement reléguée aux territoires de la politique de la ville.

Puis le retour de la droite (et de la gauche de Valls), provoquant le basculement de la promotion de la diversité à un paradigme autour de la sécurité, de la laïcité et d’antiracisme.
Le Défenseur des Droits regrette donc que depuis les années 90, le problème n’ait jamais été traité avec pragmatisme, avec la mise en place de solutions et de politiques d’État fortes. Il regrette également que le droit soit le seul recours possible, pour deux raisons :

En s’appuyant essentiellement sur la mobilisation du droit comme outil conceptuel et moyen d’action, les actions publiques de lutte de contre les discriminations ne se sont pas attaquées à la dimension systémique des discriminations fondées sur l’origine et peinent à construire des registres d’action adaptés.

et

Toutefois, le recours à la justice reste une démarche lourde et douloureuse pour les victimes qui ne peuvent porter seules le poids de la lutte contre les discriminations. C’est pourquoi, malgré la prévalence des discriminations fondées sur l’origine, le taux de non-recours reste très élevé : parmi les personnes ayant rapporté avoir vécu une discrimination en raison de leur origine dans l’emploi, seules 12% environ ont entamé une démarche judiciaire. […] Les rares victoires restent donc symboliques et n’ont pas d’effet dissuasif, ni d’impact transformateur.

RECOMMANDATIONS DU DÉFENSEUR DES DROITS

La synthèse du rapport revient sur les propositions / recommandations du Défenseur des Droits. Elles relèvent de trois axes : celui des outils de connaissance et de mesure de la problématique, celui des politiques publiques de lutte, et enfin celui des sanctions judiciaires.

OUTILS DE CONNAISSANCE ET DE MESURE

  • Développement de la statistique publique sur les discriminations fondées sur l’origine et de l’utiliser comme un véritable instrument de pilotage et d’action pour la promotion de politiques d’égalité
  • De mettre en place des campagnes nationales de testing régulières, visant le champ de l’accès à l’emploi comme celui du logement ou d’autres biens et services.
  • De doter la politique de lutte contre les discriminations d’un système de veille statistique. (clairement, il s’agit de statistiques ethniques, mais présentées avec de meilleurs mots)
  • De réaliser des diagnostics sur les risques discriminatoires fondés sur l’origine au sein des organisations, notamment publiques, dans le cadre d’audits
  • De compléter les obligations légales des entreprises sur la publication des indicateurs non-financiers et statistiques
  • De mettre en place un nouveau groupe de travail, associant le Défenseur des droits et la plateforme nationale RSE (responsabilité sociale des entreprises), pour faire converger les différentes obligations réglementaires

POLITIQUE PUBLIQUE DE LUTTE

POUR L’EMPLOI

  • Formalisation de l’engagement de la haute direction de l’organisation en matière de lutte contre les discriminations fondées sur l’origine
  • Réalisation de diagnostics réguliers sur les risques discriminatoires liés à l’origine par le biais d’audits et par la mise en place d’indicateurs adaptés à cet effet. (avec obligation légale)
  • Sensibilisation et formation du personnel sur le racisme, les discriminations fondées sur l’origine et les obligations de l’employeur, à l’instar de ce qui est fait en matière de harcèlement sexuel
  • Mise en place de procédures de sélection fondées des principes d’objectivité, de transparence et de traçabilité
  • Mise en place au sein des entreprises comme des administrations des dispositifs obligatoires pour faciliter le recueil et le traitement rapide des signalements de discrimination ou de harcèlement, protéger les victimes, enquêter et sanctionner l’auteur lorsque les faits sont avérés
  • Renforcement des obligations pour assurer la sanction effective des discriminations fondées sur l’origine au niveau des organisations

CONTRÔLE D’IDENTITÉ

  • Assurer la traçabilité des contrôles d’identité
  • Modification de l’article 78-2 du code de procédure pénale pour y indiquer explicitement que les contrôles d’identité ne sauraient être fondés sur des critères légaux de discrimination

LOGEMENT

  • Modification de l’article L.441 du Code de la construction et de l’habitation, qui définit les orientations de la politique d’attribution, que le droit au logement doit être mis en œuvre sans discrimination

SANCTIONS JUDICIAIRES

  • Améliorer le traitement des discriminations par le juge pénal, en amendant les articles 225-1 et suivants du code pénal
  • Rendre plus effective l’action de groupe contre les discriminations (détails dans la synthèse du rapport)
  • D’appliquer des sanctions judiciaires proportionnées et réellement dissuasives contre les auteurs de discriminations fondées sur l’origine (détails dans la synthèse du rapport)

PROJET DE MOTION

A titre individuel et en ma qualité de pirate, je suis très heureux de voir ce rapport surgir du discours politique complètement sclérosé sur cette problématique depuis des lustres. Satisfait également de voir qu’il aborde le sujet frontalement, en désignant l’aspect systémique, l’incapacité du droit seul à résoudre le problème, et les responsabilités distribuées et croisées des différents gouvernements qui se sont substitués depuis la fin des années 80, et qui ont, d’un changement de paradigme à l’autre, dilué le débat jusqu’à ce qu’il n’existe plus, et que sa réalité soit invisibilisée.

L’actualité de la lutte antiraciste, très intense et très dure ces derniers mois, par sa corrélation au sujet épineux des violences policières, ne devrait pas à mon sens rester réduite à des sujets connexes : la politique de la ville, les violences policières, les associations… Elle doit faire l’objet d’un positionnement politique en tant que tel. Le rapport du Défenseur des Droits allant dans ce sens, et l’intérêt de certains pirates pour ces sujets depuis quelques semaines et les discussions, articles et sujets proposés sur Discord ou Discourse, je vous propose donc de réfléchir collectivement sur la motion suivante.

TITRE

POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS RACIALES

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis 40ans, la lutte contre les discriminations sur la base des origines ou des signes perçus comme tels, n’a eu de cesse d’être diluée dans d’autres sujets (la sécurité, la laïcité, la diversité, …) par nos gouvernements successifs, de droite comme de gauche.
Dans le même temps, et en l’absence de politique audacieuse et constructive, ces discriminations ont vu leur ancrage systémique se renforcer, et leur influence sur les personnes ciblées et la cohésion de la société s’intensifier. L’assignation d’individus à des races sociales sur la base de leurs origines ou des signes perçus comme tels scindent notre société entre un “nous” et un “eux”, avec le cortège de privilèges et de préjudices induits par une telle segmentation, à l’encontre de l’idéal universaliste français.

Les effets sur les cibles de ces discriminations sont nombreux, et forts.
Manque de repères, auto-censure en milieu professionnel ou familial, exclusion et ségrégation, accès freinés sinon impossibles aux carrières choisies, aux logements choisis, incapacité à trouver sa place, à s’accepter, perte de confiance dans les institutions et la Justice, et bien d’autres. Des effets si nombreux et si intenses qu’ils exacerbent les risques de troubles de la santé mentale et physique des personnes touchées par ces discriminations.

Les effets sur notre société n’en sont pas moindre : cassure de notre modèle égalitariste, libertés individuelles bafouées ou à la carte, perpétuation de privilèges et de préjudices, déni généralisé, …

Si notre Constitution promeut des idéaux universalistes, la réalité sociale française témoigne d’une situation dystopique, où les recours judiciaires existants sont trop lourds, trop lents, et trop symboliques pour résoudre le problème dans sa dimension systémique. 2020 porte un constat amer pour celles et ceux qui découvrent avec stupeur que la solution trouvée par les populations cibles des discriminations raciales est l’organisation en communauté de lutte.
Et alors que ce communautarisme choque la sphère politique, du gouvernement à l’opposition, posons nous la question de ce qui a mené à ce recours.

De la même façon que les employés de l’industrie se sont organisés en syndicats, de la même façon que les LGBTQI+ ou encore les femmes s’organisent en associations ou en groupes d’action, les populations cibles de discriminations sur la base des origines ou des signes perçus comme tels, ayant perdu toute confiance en l’institutionnel, s’organisent en communauté. Ce signe fort doit nous alerter et non nous repousser. Car l’objectif est le même que les autres cibles de discrimination : faire valoir leurs droits et en finir une bonne fois pour toute avec le racisme systémique et les discriminations raciales.

Nous, Pirates, souhaitons que la réalité de la France soit fidèle à l’article 1 de sa Constitution.

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion.

Devant le constat que nous dressons aujourd’hui, nous comprenons que ce n’est clairement pas le cas.
C’est à ce titre, et conformément aux points VI, VIII, et IX de notre Code des Pirates, que nous souhaitons engager une réforme pragmatique et incisive de la lutte contre les discriminations raciales.

CONTENU DE LA PROPOSITION

1/ CRÉATION ET DÉVELOPPEMENT DE LA STATISTIQUE PUBLIQUE SUR LES DISCRIMINATIONS RACIALES :

Le Parti Pirate propose que l’État se dote d’un outil de collecte et d’analyse de statistiques sur les discriminations sur la base des origines ou des signes perçus comme tels. Cet organisme public aurait pour objectifs :

  • la collecte de ce qui est appelé communément les statistiques ethniques
  • le pilotage des besoins en matière de statistiques de ce type
  • la mise à disposition en open-data de ces statistiques

Pour qu’un tel dispositif puisse voir le jour, le Parti Pirate propose l’autorisation du recueil de statistiques dites ethniques, par la modification de la loi de 1978 Informatique et Libertés avec l’abrogation de la mention “les origines raciales ou ethniques”.

2/ CRÉATION D’OBLIGATIONS LÉGALES A DESTINATION DES ORGANISATIONS ET DES ENTREPRISES

le Parti Pirate propose l’enrichissement du contrôle des facteurs non-financiers des bilans des organisations et des entreprises avec la mise en place des critères suivants :

  • engagement de la Haute Direction en terme de lutte contre les discriminations raciales
  • sensibilisation interne de l’ensemble du personnel sur le modèle de ce qui est fait à propos du harcèlement sexuel
  • procédures internes de protection des cibles formalisées et obligatoires
  • procédures et sanctions internes fluidifiées et accélérées
  • traçabilité du recrutement : processus, entretien(s), période d’essai

Le Parti Pirate souhaite à ce titre la création d’un organisme public assurant l’accompagnement et la veille de la bonne conduite, par analyse des bilans ou par une politique d’audits, des organisations et des entreprises relativement à ces obligations légales. Le Parti Pirate propose que cet organisme soit placé sous la tutelle du Défenseur des Droits.

3/ ÉVOLUTIONS JUDICIAIRES
à compléter après relecture et analyse des textes de loi concernés
. procédure pénale, article 78-2 => indication explicite du fondement non discriminatoire des contrôles d'identité + traçabilité des contrôles d'identité
. article L.441 Du Code de la construction et de l'habitation, en stipulant que le droit au logement doit être mis en œuvre sans discrimination
. article 225-1 du Code pénal à amender dans le sens d'une amélioration du traitement des discriminations par le juge pénal
. fluidification et facilitation des recours au droit et à la Justice pour les actions de groupe
. redéfinition des sanctions judiciaires pour une plus grande dissuasion contre les auteurs

SOUTIENS

@gregoiremarty (Rapporteur)



Merci de votre attention pendant cette longue lecture, et au plaisir d’en débattre avec vous.

Si les statistiques ethniques sont interdites en France, c’est pour éviter de mettre des gens dans des cases. La personne qui a quitté un pays à cause d’une guerre, d’une dictature, de menaces de mort il y a 20 ans ne veut plus en entendre parler ni être associée à telle ethnie ou chef d’état. Ses enfants nés en France, quelque fois par métissage ne se reconnaîtront jamais comme lié à un pays, à un continent où ils ne mettront jamais les pieds, qui peuple leurs pires cauchemars.
Au lieu d’un universalisme qui reconnaît l’individu pour ce qu’il est sans mention de ses origines, les statistiques ethniques aboutissent à une racialisation qui range les gens dans un nombre très limité de cases, et renforce ce sentiment d’exclusion. Sur le plan scientifique, il n’y a qu’une seule race, la race humaine. Si on veut “classer” des individus, il faut les ranger par groupe sanguin, et pas par la quantité de mélanine (la couleur de peau est codée sur 8 gènes seulement).
Si on prend l’exemple du COVID, la première chose à faire est d’apporter une aide financière aux restaurants chinois, peu importe l’origine des propriétaires.

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Eh bien il semblerait, selon le Défenseur des Droits dans ce rapport, et bien d’autres observateurs par ailleurs, que le rangement des gens en question dans des cases se fasse malgré l’interdiction des statistiques dites ethniques. C’est donc que le problème est ailleurs.

Je t’invite à lire cette tribune de R.Diallo, qui explique pourquoi la statistique dite ethnique a son importance dans les enjeux actuels, et comment cela s’articule vis à vis des besoins des cibles de discriminations (la balance risques / profits notamment).

Comme le rapporte le Défenseur des Droits, l’idéal universaliste français est en l’état insuffisant dans la lutte contre les discriminations. Il s’agit donc de trouver d’autres recours, plus pragmatiques et portés sur l’action, sans perdre de vue un idéal de société.

La statistique permet de mettre en lumière des choses laissées pour l’instant soit au déni soit au fantasme. Sauf qu’on ne peut pas corriger le tir, ni avec l’un ni avec l’autre.
cf pages 60-61-62 du rapport du Défenseur des Droits.

Devant les injustices vécues par les femmes, la statistique nous a aidé à saisir l’ampleur du problème, et les endroits, nombreux et complexes, de l’expression complète de cette injustice.
Devant les oppressions dont les LGBTQI+ sont la cible, la statistique aide également à accompagner la compréhension de l’ampleur du sujet.
Les racisés vivent la même assignation. Ils ne sont pas appelés racisés sans raison : une race, pourtant biologiquement inexistante, leur ait attribuée de force, malgré eux, dans tous les détails de leur vie. La statistique dite ethnique nous permettrait de savoir où, quand et comment cette assignation de force s’exprime, et du coup, où, quand et comment prévenir, agir ou réagir.

Il ne s’agit pas d’un débat sur la biologie. La biologie ne résoudra pas les problèmes des racisés à trouver un appartement parce qu’ils sont assignés à telle couleur et à telle race.

@gregoiremarty Est-ce que le racisme anti-blanc sera reconnu comme toutes les autres discriminations ?

Il faudrait que celui-ci, si tant-est qu’il existe, ait une dimension systémique, puisque c’est de cela dont il s’agit ici : les discriminations et le racisme systémiques.

Or, le racisme anti-blanc n’est certainement pas une expérience de masse :

Et le fait d’être blanc n’est certainement pas un critère discriminatoire négatif dans la société française.

Pour ma part, je considère que c’est une imposture. Comme c’est expliqué ici :


Notamment sur ces passages :

Ce qui existe en revanche chez certains, c’est une réaction épidermique de rejet ponctuel. D’où ressort l’insulte “sale Blanc”, comme il est coutume de rabâcher en exhibant monsieur Dupont en victime - le héros de Finkielkraut -, qui ne constitue cependant pas un système de pensée de hiérarchisation des êtres humains. En France, aujourd’hui, aucun “Blanc” n’est refusé à un emploi, à un logement, à la fonction de maire ou de député parce qu’il est “blanc”. Aucun “Blanc” n’est accusé de communautarisme…

Quand un imbécile traite quelqu’un de “sale Blanc”, il ne porte préjudice à cette personne que conjoncturellement et non de manière systémique. À la grande différence du racisme anti-noir, anti-arabe, anti-juif, anti-roms… Ces racismes-là non seulement font système, mais renvoient aussi à un moment de leur propre histoire où ces groupes ont pu être considérés comme ceux de “sous-hommes” ou “inférieurs”.

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Les discours théoriques et les réflexions, c’est bien. Mais afin de t’aider à te construire un avis tiré du monde réel, je t’invite à venir me rejoindre là où je vis, dans un quartier « populaire » de Grenoble. On ira voir des personnes « racisées » que je côtoie chaque jour, et tu verras si ce sont uniquement les blancs qui sont racistes (comme l’avancent les thèses de notre amie Rokhaya Diallo). :+1:

Il existe MAIS (faudrait que je retrouve une source assez explicative) que ce soit le racisme en général et le racisme “anti-blanc”, ce ne sont pas les mêmes mécanismes et mêmes implications qui sont en jeu, justement parce que LE blanc est le dominant dans le cadre de la France, mais c’est pas forcément le cas dans des sous espace, et là, il peut y avoir un renversement des dominations.

D’ailleurs ce qui est mis en exergue dans ce même texte c’est que par exemple le patriarcat est plus englobant que le sexisme.

Ce que je disais plus haut, c’était que cette proposition de motion ne vise pas à déterminer qui est raciste ou non, mais plutôt de bosser sur les leviers politiques pour faire en sorte que le système ne produise plus de discriminations raciales.

On est sur l’échelle systémique.
Pas sur celle du fait divers.

  1. C’est quoi la haute Direction ?
  2. C’est quoi les propositions pour la sensibilisation interne du personnel ?
  3. C’est quoi une procédure interne de protection des cibles ?
  4. Cela veut dire quoi fluidifier et accélérées les procédures et sanctions ?
  5. Qu’implique la traçabilité du recrutement pour l’entreprise ?
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Le rapport de domination macro ne disparait pas en micro, il est toujours induit, et c’est lui qui créé des situations où les dominés sont les agresseurs, lorsque le rapport de force est inversé (nombre, sensation de propriété des lieux, etc).

(c’est pour ça que je ne qualifie pas les agressions à l’encontre des blancs de racisme)

Attention, ceci est un avis personnel

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oui, carrément, d’où les parenthèses.
:wink:

Ça ne sera pas utilise comme argument d’autorité de toute facon.
Parce que comme je le dis plus haut, on est pas sur l’échelle des faits divers. On est sur ce qui fait système. :slight_smile:

  • La Haute Direction des entreprises. PDG, DG, …

  • on peut penser les choses comme c’est le cas pour le harcèlement : communication ciblée et obligatoire (affichage, lettres d’infos, bureau d’écoute)…

  • délégué du personnel dédié à cette problématique + organisation modifiée du travail pendant la période de règlement du contentieux (séparation des individus concernés)…

  • fluidifier : revoir la construction des process en question pour faire en sorte que ce soit une démarche administrative moins lourde pour la cible / accélérer pour faire en sorte que la situation problématique dure le moins longtemps possible…

  • la traçabilité du recrutement serait par exemple des rapports écrits sur les entretiens, de la part du recruteur et de la personne recrutée, puis une veille à la conformité de l’offre d’emploi définitive (pour corriger d’éventuelles disparités d’avantages, de salaire, etc), et enfin un rapport sur la période d’essai, de la part de l’entreprise et de la personne recrutée. L’objectif est de consigner qu’on part sur des bases saines pour tout le monde…

  1. Comment matérialiserais-tu l’engagement des directions d’entreprises sur le sujet ?
  2. Pour ma part il faut que cela soit plus précis, si on parle d’affichage ou de chose similaire à ce que l’on fait sur le sexisme, il faut avoir en tête que cela ne sera pas en place dans 90% des entreprises
  3. Une grande partie des entreprises n’ont pas ou un seul délégué du personnel. Et il faut savoir que les délégués du personnels n’ont qu’un pouvoir très limité (à l’inverse d’un représentant syndical, mais qui existe encore dans moins d’entreprise), on cible en fait les grosses entreprises sur ce sujet ?
  4. Il faudrait voir/décrire les processus en question, sinon j’avoue que je ne vois pas ou l’on va sur la question
  5. la traçabilité cela implique, en liaison avec les autres points de ta proposition, un fichage ethnique des candidats, voir des candidatures ethniques ?
  • par la formalisation de leur politique sur le sujet.
  • que ce ne soit pas en place, c’est une chose, regrettable, et à laquelle des contrôles pourraient s’avérer de bons alliés pour redresser la barre.
  • on cible toutes les entreprises (je n’ai pas - encore - de réponse sur le reste de ce point)
  • tout à fait, faudrait essayer de trouver des process types et voir ce qui est optimisable
  • non, pas nécessairement, dans la mesure où l’organisme tiers qui collecte les rapports dont je parle ne se met en action que lorsque l’un des rapports mentionne un problème de discrimination.

(je ne me fais pas l’avocat du diable, mais je cherche à creuser le sujet hein).

Concernant la formalisation de la politique sur le sujet … On est quand même dans la notion d’intention. C’est bien hein, on aura une phrase générique dans un rapport annuel de l’ensemble des entreprises de France (hormis les plus grosses qui auront le temps de faire quatre pages en s’impliquant autant qu’une TPE). Pourquoi pas …

En ce qui concerne la problématique du sexisme en entreprise, il faut voir que la France est un pays de TPE ou l’ensemble de ses règlements et normes n’a qu’un impact faible. On aura une affichette de plus placardée aux fonds des chiottes/entrée de service, c’est là aussi ou je me dis que l’on est plus dans l’affichage politique (on dit que l’on fait un truc) plutôt que dans la réalité du terrain.

Pour ma part c’est le point sur le recrutement ou je pense qu’il y a le plus de possibilités, car on a l’a effectivement de quoi avoir, si on met en place un suivi ethnique (ce dont je ne suis pas favorable, mais je me place dans le cadre où on le mettrait en place) la possibilité d’étudier effectivement la chose.
L’entreprise pourrait rendre son rapport annuel de recrutement ou il indique avoir reçu tant de candidats belgocroate ou grecofillipins et on donc passé l’étape du CV. Combien ont été pris à l’essai.
Cela permettrait alors, en cas d’accusation de discrimination, d’avoir des chiffres sur la table.

Reste que dans le cas d’une entreprise, cela veut dire collecter ses données (sinon comment se défendre en cas de mise en accusation ?), même si on doit les transmettre ensuite à un organisme spécifique.
Cela impliquera aussi que certaines entreprises voudront avoir la possibilité (puisque l’on a des statistiques ethniques) de faire un recrutement ethnique. Car cela fait partie de leur éthique d’entreprise par exemple.

Par contre ils me paraient illogique d’interdire à une entreprise de dire "Cherche pour CDI technicienne informatique une femme noire de moins de 40 ans " si on lui reproche ensuite de ne recruter que des hommes blancs de plus de 45 …

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Je crois que la notion d’intention, les affiches dans les locaux, et tout ce qui est de cet ordre là a son importance dans la mesure où c’est existant sur d’autres problématiques / causes, et que donc ça doit l’être sur celle-ci.
C’est sans doute purement symbolique, mais je pense que c’est un symbole qui a son sens au milieu des autres.

Mais, comme tu le montres, ça n’aura sans doute pas la portée suffisante pour résoudre l’équation entièrement.

Et je te rejoins sur le fait que les entretiens sont sans doute l’endroit où l’impact serait le plus fort.

Je suis pour ma part favorable aux statistiques ethniques, dans la mesure où ils nous éviteraient les fantasmes de tous bords. On aurait de la donnée pour appuyer la recherche, pour lui donner du poids et du grain à moudre. Y’a de grands besoins, et j’étais très heureux de voir le Défenseurs des Droits en faire un point important de ses recommandations.
Donc si ces statistiques deviennent légales, on pourrait imaginer un suivi statistique du recrutement des entreprises et des organisations sur ce point, en effet.

On en revient à la nécessité (ou non) des quotats, et de la valorisation de la diversité dans une communauté, entreprise ou non.
Prenons l’exemple du PP. Le fait que ce soit un homme blanc qui soit le plus porteur du sujet du racisme est un problème tortueux ici. Le sujet est du coup forcément abordé par un angle biaisé, quelque soit la bonne volonté de la personne.
Mais nous manquons de cette diversité (à l’inverse par exemple des questions à propos des droits des LGBTQI+, où nous avons un équipage Diversités qui porte bien son nom). Nous manquons de racisés pour prendre le lead sur ce sujet. En d’autres termes, lorsque cette diversité est absente d’un organisme, cet organisme ne jouit pas de son apport et risque même de rater le coche sur des sujets pourtant clefs.

Je pense que les organisations de demain, notamment les entreprises, vont comprendre qu’elles ont besoin de diversités pour augmenter, enrichir, développer leur spectre de perspectives, et donc leur capacité à évoluer dans la société dans laquelle ils se trouvent.

Donc oui, clairement, je pense qu’à terme, les politiques de ressources humaines d’entreprises plancheront sur des quotats, ou veilleront à ces notions de spectre de perspectives par la diversité, au sein des services comme des comités de direction.

C’est pour moi une autre version de l’universalisme. Plus compatible avec notre monde actuel que celle dans laquelle on est pour l’instant un peu figés en France.

Il me semble que parler de “statistiques ethniques” prête à confusion : de quoi parles-tu exactement ?

Car le rapport du Défenseur des Droits parle surtout d’informations sur les “origines”, ce qui peut s’étudier par des informations nettes et objectives : le rapport parle de la nationalité de naissance des parents, du lieu de naissance. On peut aussi penser à la langue parlée à la maison. Il me semble que la collecte de ce genre d’infos est déjà possible, ne pose pas de problèmes, et permet déjà de tirer des conclusions utiles. Le rapport envisage de généraliser et de faire un suivi statistique de ce genre d’informations là, ainsi que des discriminations liées.

Par contre, quand j’entends “statistiques ethniques”, cela sous-entend chez moi (et peut-être chez d’autres) des questions sur la couleur de peau, ou une appartenance raciale supposée, puisque cela se fait dans le recensement de certains pays. Pourtant, cette conception n’apparaît que dans un tout dernier point du rapport (dans la sous-partie consacrée, “développer les statistiques…”), dans le cadre d’un comité de travail qui devrait préciser les finalités d’une telle collecte.

Peux-tu donc préciser ce que tu appelles “clairement, des statistiques ethniques” ?
Et, idéalement, la manière dont tu penses collecter de telles statistiques ?

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Dans le rapport du Défenseur des Droits, il est question des Discriminations sur la base des origines, certes, mais pas seulement : il est aussi question de celles qui se basent sur « des signes comme tels », c’est à dire celles qui touchent des gens à qui on assigne des origines, et qui ne les ont pas nécessairement.

Le terme statistiques ethniques, j’en conviens, est vulgaire, et surtout imprécis.
je l’utilise ici parce qu’il est déjà connu par tout un chacun, et utilisé dans l’espace public et médiatique dans le débat qui concerne la collecte et l’analyse de statistiques concernant les discriminations sur la base des origines réelles ou perçues.

Ce que j’entends donc par statistiques ethniques, c’est ceci : la statistique des discrimination sur la base des origines réelles ou perçues, qu’on pourrait résumer par statistiques sur les discriminations raciales.
Si cette expression et sa définition conviennent mieux, ça me va aussi :slight_smile:

Pour ce qui est de la dite collecte de ces statistiques, je me range du coté du Défenseur des Droits, avec les recommandations sur la question, pages 60-61-62 de son rapport, et notamment le passage suivant :

La mise en place par le Gouvernement d’un groupe de travail relatif à la politique globale de collecte de données liées à l’appartenance réelle ou supposée à un groupe racial par les acteurs de la statistique publique visant, le cas échéant, à proposer des évolutions législatives à cet égard (encadrement de la finalité de la collecte)

La dimension d’assignation forcée est très importante dans ce débat et dans l’analyse de cette problématique parce qu’elle rend bien compte de la violence subie par les racisés.
C’est pour cela que se limiter à la collecte de statistiques sur les discriminations sur des critères réels (afro-descendance de première ou seconde génération, par exemple) ne suffit pas, parce qu’elle ne concerne qu’une partie des assignés de force. Il m’apparaît donc très important de permettre également la collecte de statistiques sur les discriminations sur des critères perçus.

Oups, j’ai oublié de répondre à cette question pourtant importante.

La collecte de ces statistiques doit d’abord être définie, précisément, en accord avec une multitude de choses : sa faisabilité technique, éthique (notamment vis à vis de choses genre RGPD). Il en va de même de la mise à disposition de ses statistiques. Là encore, je vais citer le rapport du Défenseur des Droits sur ce point, page 61 :

Ce travail de réflexion pourrait être mené avec les instituts publics, tels que l’Insee ou l’Ined, en collaboration avec le Défenseur des droits et la Cnil. Les conclusions de ce groupe de travail pourraient être discutées au sein du Conseil national de l’information statistique (Cnis) qui assure la concertation entre les producteurs et les utilisateurs de la statistique publique.

Sans une proposition de fonctionnement établie par ces organismes publics, difficile pour moi d’imaginer quoi que ce soit.

Cependant, je pense que le rapport donne deux excellentes pistes pour démarrer (toujours page 61) :

Le Défenseur des droits produit et diffuse régulièrement des études dans le domaine de la lutte contre les discriminations mais avec une capacité statistique et des moyens beaucoup trop limités. Il pourrait être pertinent de renforcer les compétences du Défenseur de droits et d’organiser sa collaboration avec les institutions de la statistique publique (à l’instar de ce qui est fait au sein de l’Observatoire national de la politique de la ville – ONPV- sur les territoires de la politique de la ville) ;

L’identification et le financement d’une mission « observatoire des discriminations », pour reprendre l’expression du rapport du Comedd (Comité pour la mesure et l’évaluation de la diversité et des discriminations) de février 2010285, afin d’assurer un suivi statistique continu du sujet au niveau national et de renforcer sa visibilité. Il aurait pour mission de rendre un rapport annuel sur l’état des lieux des discriminations en France, sur la base des données statistiques fondées sur l’origine collectées directement par l’observatoire ainsi que sur la compilation des données existantes, et aurait les compétences et les moyens de suivre en continu.

Donc je dirais en somme :

  • donner plus de moyens à l’existant (Comedd + DdD)
  • réunir les organismes publics (DdD, CNIL, INED, INSEE, CNIS) dans une mission chargée d’établir le fonctionnement de la collecte et de la diffusion des dites statistiques