Bonjour bonjour, je m’excuse d’avance, ça risque d’être un peu long, mais j’ai besoin de partager mes réflexions.
Je me permets de repartir de discussions évoquées sur discord à propos du fonctionnement du Parti Pirate dans un cadre électoraliste, les tensions qu’il peut exister vis à vis de désaccords politiques versus l’idéal que nous envisageons de notre fonctionnement démocratique. Pour moi ces questionnements rejoignent également d’autres questions tenant par exemple à la taille du Parti Pirate ou encore au rôle de camarade des pirates.
J’ai parfois l’impression qu’on essaye de remplir pleins d’objectifs et je me demande si ces objectifs ne sont pas en parti contradictoires.
Le Parti Pirate en tant que Parti
Le Parti Pirate est, comme son nom l’indique un parti politique, et le but d’un parti politique est de participer à la vie politique, d’obtenir des élus. Bien que notre idéal nous amène parfois à vouloir nous différencier largement des autres partis politiques, notamment de la gauche à la française, il faut se rendre à l’évidence que les seules élections qui nous amènent à progresser politiquement, dans le sens où nous obtenons des élus, sont les élections municipales. Ces élections nous amènent des élus pirates directement ou indirectement grâce aux actions de communication de nos élus. Cela semble beaucoup plus difficile pour les autres élections desquelles nous sommes relativement éloignés j’ai l’impression, notamment en terme de contact politique, de capacité à créer des alliances.
Peut-être sommes nous trop dans la recherche de pureté à cet égard. Peut-être nous faut-il avoir une posture plus électoraliste dans un premier temps, négocier des places par ci par là, dés que c’est possible afin aussi d’obtenir une légitimité par la suite.
Peut-être que cette volonté de différenciation vis à vis des autres partis doit aussi passer par autre chose que la manière de se présenter, en tant qu’indépendants, pour rester « pur ».
Je pense qu’il est tout à fait possible de jouer le jeu politique tout en gardant un esprit pirate. Ce n’est finalement pas très compliqué, avec un peu de transparence, de respect pour la fonction, on devient vite emmerdant.
C’est ce que Nixe évoquait quand elle se désignait, en tant qu’élu pirate, comme du poile à gratter pour les autres élus, durant l’interview à Besançon. Notre probité, notre sensibilité aux questions de transparence de la vie publique, d’anti-corruption, de démocratie, sont, je pense, largement suffisant à nous démarquer, sans avoir à mettre en avant des poins programmatiques révolutionnaires.
On peut le voir encore dans les élections législatives actuelles, la bataille est une bataille de communication et d’image, et je pense qu’on a une très belle image à montrer. Je pense aussi qu’il est très difficile de porter un programme quand tout l’environnement ne met pas ça en avant. Il n’y a qu’à regarder les titres des articles qui ont été produit pour nous, ce qui sort c’est une petite formule sympa qui fait écho à un positionnement général. Peut-être qu’il faut arrêter de se battre pour défendre des points programmatiques et accepter ce jeu du bon mot (je pense au ré-armement démocratique de thomas c’est ça ? ).
Le Parti Pirate en tant qu’expérience démocratique
Un certains nombre de personnes sont au Parti Pirate pour ça, pour ce qu’on test et ce qu’on adopte. C’est aussi comme ça que nous voient un certains nombre d’élus, je pense notamment à une député dont j’ai oublié le nom, qui, il y a quelques temps, nous avait donné un peu de sous.
Je pense que c’est une de nos forces pour rassembler, ça casse le caractère dogmatique qui peut se retrouver dans certains partis sur des questions bien spécifiques. Au vu de la vie de notre programme et de nos règles de fonctionnement interne (sur lesquelles on passe énormément de temps), c’est un point fort mais qui peut créer des frustrations, simplement parce qu’une organisation démocratique n’empêche pas le conflit, ni le développements de normes internes.
On attire aussi des gens avec des compétences et connaissances extrêmement pointues sur la questions et cela génère des discussions extrêmement intéressantes.
Il ne faut pas oublier que, arriver pour l’expérience démocratique et venir à se poser des questions sur des sujets aussi varié que le logement, le travail du sexe, le nucléaire, c’est aussi une forme de formation à la vie politique et citoyenne. En cela, je pense personnellement qu’on exerce une mission de service publique.
Mais au vu de toute l’énergie qu’on met dans ce fonctionnement léché, ne perd on pas cette énergie pour la mettre ailleurs, comme dans les élections ? Je pense notamment à des gens qui seront partant pour être candidats pirates, parce que les idées leur plaisent mais n’ont pas du tout envie de participer à de nouvelles formes de démocratie, voter tous les mois, défendre un fonctionnement avec des conseils plutôt qu’un bureau exécutif etc…
Peut-être que, en se concentrant beaucoup sur notre fonctionnement et sur l’exercice de la démocratie, nous oublions cette base militante qui au fond demande à être accompagné en période d’élection, et c’est tout. Je pense que cette réflexion va au delà de simplement rendre plus accessible les outils, ou mieux accompagner à l’arrivée. Pour certains, une boucle signal est amplement suffisante comme lien avec le parti et il faut l’accepter.
Le Parti Pirate en tant que communauté
Pour un certains nombre d’entre nous, dont je fais partis, arriver au Parti Pirate a été une bouffée d’air frais, par la grand accessibilité aux différents organes du Parti notamment. Est-ce que vous connaissez un parti dans lequel quand vous entrez vous êtes directement en contact avec les têtes de liste ? les membres représentant légalement le parti ?
Cette aspect là et la relative homogénéité idéologique qui règnent sur certains fondamentaux (le code des pirates) fait que ça m’a personnellement rassuré sur mes positionnements politiques et sur mes valeurs. En quelques mots, je me suis sentie beaucoup moins seul.
J’ai développé des amitiés, des personnes qui se sont beaucoup investis, puis qui sont partis, pour différentes raisons, que ce soit lié au fonctionnement interne, aux parcours de vie, à des conflits, de personnes ou politiques. Bien qu’il soit tout à fait normal que des personnes partent, je trouve dommage de ne pas avoir réussi à conserver ces éléments de désaccords.
Je me dis que peut-être, en tranchant sur certains sujets programmatiques ou de fonctionnement interne on en vient à perdre des gens qui auraient tout à fait pu rester si le cadre de rassemblement avait été plus large, si nous n’étions pas contraint par cette forme qu’est le parti politique qui doit énoncer publiquement des positionnements régulièrement.
Est-ce qu’on aurait pas intérêt à vouloir développer une communauté pirate au sens large, qui se rassemble simplement autour de valeurs fondamentales, qui soit aussi en réseau de solidarités ?
Le Parti Pirate en tant que Think Tank / Lobbyiste
Enfin, il y a un bout de ce qui m’intéresse le plus et ce qui m’intéressera pendant longtemps, bosser sur des points programmes, analyser en profondeur des problématiques très diverses. Même si notre programme est loin d’être parfait, je suis assez fier de ce qu’on fait côté programme, ou en tout cas, de la manière dont on le fait. On attend pas une élection pour faire pondre des points flous par une cohorte de militants, c’est un travail de fond satisfaisant intellectuellement (en tout cas me concernant).
Mais comme pour le reste, ce travail prend énormément de temps. On retrouve régulièrement certaines critiques sur les points programmes proposés, pas assez fouillés, pas assez complet. Et en effet, tout système humain étant un système complexe il est toujours relativement difficile de faire le tour d’une question et d’en pondre des solutions faciles. Il n’y a qu’à aller regarder des rapports effectués par des comités d’experts sur tel ou tel sujet, par exemple celui effectué par le haut conseil pour le climat sur l’agriculture. Je vous met au défis d’aller y trouver des mesures chiffrées et concrètes. C’est un rapport très complet de 168 pages, mais qui peine à proposer quoi que ce soit d’utilisable je trouve.
Mais peut-être que sur cette question, on manque de structures proposant des idées qu’il ne nous resterait plus qu’à adopter, ou alors de structures qui défendraient les idées qu’on porte sous un autre format, en publiant des rapports, en créant des propositions de loi, en postant des pétitions.
Faut-il continuer de tout faire ou non ?
Ma grande question c’est : peut-on se permettre de continuer à tout faire ? Doit-on abandonner un de ces champs pour être plus efficace dans le reste des champs ?
Faut-il créer un think tank pirate et arrêter de produire des points programmes comme on le fait, mais adopter des choses déjà construites ?
Faut-il créer une autre organisation, un mouvement pirate, avec quelques canaux d’échanges virtuels, qui serait en capacité de se concentrer sur l’animation militante et le rassemblement ?
Je n’ai personnellement pas de réponse à cette question, mais je suis curieux de lire ce que vous en pensez.