Alors juste histoire de rajouter mon grain de sel sur un petit bout de ce sujet qu’à force je connais un peu
Un des arguments très fréquemment avancés en soutien de combat pour les ENR, c’est « si on voulait vraiment mettre l’argent nécessaire on pourrait résoudre les problèmes rencontrés ». Cet argument est d’autant plus récurrent en ce qui concerne les ÉNORMES lacunes de l’éolien et du solaire en matière d’intermittence. Dans ce fil même, j’ai encore vu passer l’idée que mettre quelques milliards de plus dans la recherche en matière de stockage suffirait à enfin passer un cap.
Le problème, c’est que cet argument, en fait, n’a aucune valeur parce qu’il est complètement erroné.
Pour avoir travaillé depuis un an dans le domaine très spécifique des batteries, et envisageant de plus en plus un PhD dans le domaine, j’ai eu l’occasion pour mes recherches d’explorer beaucoup le monde du stockage électrique. Et en fait, dans les domaines de la chimie (le mien) comme des matériaux, les financements sont déjà absolument colossaux, publics comme privés, parce que le stockage électrique est un des nerfs de la guerre du futur monde tout électrique qui est en train d’arriver, et tous les financeurs de la recherche l’ont bien compris. Donc déjà, dire qu’il suffit de mettre quelques milliards de plus pour avancer est factuellement faux (même si la recherche n’a jamais assez d’argent, mais je pourrais bien être un peu partial sur ce domaine ).
Ensuite, au delà de la question des financements, faire plus ou moins aveuglément confiance à des progrès qui arriveront bien dans 10 ou 20 ans (de manière très pratique n’est-ce pas) n’a aucun sens. Physiquement, chimiquement, le stockage électrique est soumis à des limites telles qu’il n’y aura pas d’avancée magique dans le domaine (ou sinon elles sont tellement loin qu’elles ne se discutent même pas pour le moment). Évidemment que les batteries vont continuer à progresser, de nouvelles technologies font leur apparition en ce moment même (nanotubes de carbone principalement, polyélectrolytes ioniques pour ce sur quoi je travaille), mais imaginer que des « centrales » de batteries à grande échelle régleront le problème de l’intermittence est absolument fantaisiste. Leur prix serait tel, et leur impact environnemental si important que personne n’imaginerait développer ça, tout simplement parce que ce serait absolument inefficace et inutile, en plus d’être technologiquement hors de portée pour encore de longues années.
Bref, tout ça pour dire qu’il faut faire confiance à la recherche, mais qu’il faut surtout éviter de croire en elle pour apporter les innovations dont on a tant besoin juste parce qu’on les souhaite très fort. Et qu’il n’y aura pas de solution magique à ce problème, que des progrès graduels, et que technologiquement on est encore loin, très loin du compte.