Bonjour !
Content de voir un sujet qui aborde l’univers crypto. Je vais donc réagir en trois temps :
- A propos de Bitcoin, des crypto actifs et de la monnaie
- Remarques par rapport aux conclusions que tu en tires et des réactions des autres participants
- Pour finir, que dire des crypto-actifs
1. A propos de la monnaie des crypto actifs et de Bitcoin
A. Cadrage et quelques éléments de repérage
D’abord, la définition usuelle de la monnaie est celle donnée par Aristote comme étant un truc qui sert à trois choses : unité de compte, réserve de valeur et intermédiaire d’échange.
Parallèlement, la monnaie n’est pas très bien définie d’un point de vue juridique, et il faut distinguer la monnaie (ou unité monétaire) de ses supports (moyens de paiements). Ainsi le code monétaire financier précise que la monnaie à cours légal et donc l’unité monétaire en France est l’euro (article L111‑1 du Code monétaire et financier (CMF)). De même, plusieurs formes/supports de la monnaie y sont caractérisées : monnaie fiduciaire, monnaie scripturale et monnaie électronique.
Enfin, très récemment, les « actifs numériques » ont été définis à l’article L54-10-1 du CMF :
Toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement.
Pour résumer tout ça, le bitcoin comme la plupart des crypto-actifs sont donc des « actifs numériques », d’après les standards français.
On peut argumenter qu’une monnaie n’a pas à remplir les trois fonctions simultanément (mais du coup beaucoup d’actifs peuvent prétendre être de la monnaie, on parle même de « quasi-monnaies » pour certains actifs financiers comme les obligations souveraines), et qu’une monnaie n’a pas à être reconnue par des entités extérieures à sa communauté au sein de laquelle elle sert de référence ou de support d’échange.
Il n’en reste pas moins que la monnaie au sens strict est/sont celle/celles qui a/ont cours légal/légaux : elle possède un pouvoir libératoire.
B. A propos de Bitcoin en particulier
Avec tout ce qui a été dit, je vais seulement effectuer quelques rappels ou propositions :
D’abord, Bitcoin est un peu l’an 0 des blockchains qui sont un sous groupes des registres distribués. C’est basique, ça fait juste du transfert d’actif numérique en peer to peer, en l’occurence du BTC.
Pour fonctionner, un registre distribué à besoin de deux choses : une méthode de consensus, et se prémunir d’attaques. Pour les registres centralisé, ça passe par du contrôle et de la régulation par des autorités. Pour Bitcoin, c’est le Nakamoto Consensus qui inclus la preuve de travail (Proof-of-Work ou PoW). En pratique, attaquer le réseau est rendu coûteux, et on paie les participants qui se comportent bien (les mineurs honnêtes). Avec ces choix d’architecture et de consensus, le BTC est innefficace. D’où l’émergence de plein d’autres bestioles derrière.
Autre précision très importante : il n’y a pas d’anonymat, seulement du pseudonymat. L’objectif premier c’est la transparence, la base de données est publique, et tout y est inscrit.
Par ailleurs, si on garde en tête la philosophie de sa genèse, la disparition des intermédiaires n’est pas vraiment vérifié de facto : il y a toujours le rôle des mineurs. De plus, il ne faut pas oublier le contexte dans lequel Bitcoin apparaît : la crise financière de 2008, et c’est assumé, le BTC est une « réponse » aux monnaies fiat jugées peu fiables, d’où la limite de la quantité de BTC totaux qui seront émis, et le remplacement de la « confiance » traditionnelle dans des institutions par des preuves cryptographiques.
En gros, Bitcoin c’est une base de données et un système de transfert de crypto actif sacrément bizarre.
2. Remarques aux conclusions et réactions des autres participants
A. Les conclusions du poste original
Bitcoin = Parti Pirate
Bitcoin = Liberté
J’ai l’impression que ce sont des faux syllogisme, juste parceque le BTC et le Parti Pirate sont chacun marginaux ne veut pas dire qu’ils sont semblables.
B. Remarques diverses
@Farlistener
Mais pour y arriver, il faut s’équiper en matériel numérique, sécuriser son wallet et surtout cramer de l’énergie. Et ça, c’est vraiment pas synonyme de liberté.
Comme dit, potentiel problème d’inclusion, qui est certes également présent dans le système actuel. Par rapport à l’énergie, pour moi c’est un homme de paille.
Cependant, pour moi le problème n’est pas la consommation énergétique mais la production de cette énergie. Le problème que représentent les crypto-actifs est exagéré et détourne l’attention des réels enjeux (décarbonner la production énergétique) : pour créer, produire, innover, il faut de l’énergie, vanter la non-utilisation, plutôt que la recherche de l’efficacité est une impasse.
@Psychoprogrammeur
Je ne pense pas que les communications étaient anonymes au début d’Internet (pas plus que les transactions). Tout était en clair (non-crypté), et ce sont des serveurs centralisés qui géraient le tout.
Effectivement ! Jusqu’en 1996, l’utilisation du chiffrement était considéré comme une arme de guerre de seconde catégorie en France (armes automatiques, torpilles, missiles, grenades…).
3. Enfin, que dire des crypto-actifs ?
D’abord, il faut éviter l’utilisation de « Ponzi » à tort et à travers. Un système de Ponzi est un montage financier qui rémunère les premiers investisseurs avec les apports des suivants. Ca n’a rien à voir avec la valorisation et l’échange d’actifs quels qu’ils soient.
Ensuite, le BTC est un dinosaure parmi les actifs numériques et est très limité dans ce qu’il fait et peut faire. Il y a du potentiel pour les paiements et la tokenisation des actifs, et donc plein de choses sont encore à venir, que les initiatives viennent du privé ou d’institutions publiques.
La grande réussite peut être de tous les crypto actifs, c’est peut être finalement de faire réaliser que la monnaie et les échanges sont une affaire de confiance et de normes. L’idéal crypto-anarchiste de se passer d’intermédiaires est encore un peu loin, parceque les intermédiaires servent à ça : établir de la confiance et une expertise. Ce qui ne veut pas dire que les systèmes décentralisés sont sans intérêt : transparence, multilatéralité, participation ou contrôle démocratique. Simplement, les options en leur état actuel ne sont pas franchement gage de confiance pour des gens qui ne sont ni technophiles ni crypto-anarchistes ou experts en cryptographie ou théorie des jeux.