C’est la loi AGEC qui organise et fixe le cadre des prochaines dizaines d’années en matière de politique de production/gestion des déchets.https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041553759/
Je vous propose donc de parler de cette loi, d’en voir les limites et peut être de proposer des alternatives. C’est un vaste sujet, parfois complexe et technique et même si j’ai lu pas mal de choses, certains détails m’échappent encore.
Parmi les dispositions de la loi AGEC, je n’aborde dans ce post que le volet de la responsabilité élargie des producteurs (REP). On verra les autres volets plus tard…
C’est quoi la REP ?
Selon l’OCDE, la Responsabilité Elargie du Producteur (REP) peut être définie comme « une approche de politique environnementale dans laquelle la responsabilité d’un producteur pour un produit est étendue à la phase post-consommateur du cycle de vie du produit ». La responsabilité de la fin de vie d’un produit est ainsi transférée des consommateurs aux producteurs.
Les trois principaux objectifs de la mise en place des filières REP sont les suivants :
1)Inciter les producteurs à éco-concevoir leurs produits et à réduire la quantité de déchets, en les faisant prendre en charge le coût environnemental de la fin de vie des produits ;
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Atteindre les objectifs de valorisation des déchets fixés au niveau communautaire ou par les États membres, ce qui suppose de développer le recyclage.
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Permettre une meilleure répartition des coûts de gestion des déchets en ne les faisant plus porter aux seules collectivités locales:, tout en faisant émerger une industrie (privée) du recyclage pour les flux de déchets relevant de la REP.
L’organisation de la REP repose sur des éco-contributions acquittées par les producteurs et destinées à financer le recyclage et (ou) l’élimination des produits en fin de vie. Ces contributions sont généralement répercutées sur le prix de vente des produits aux consommateurs, parfois de manière visible (cas des éco-participations en matière d’équipements électriques et électroniques ou de mobilier).
Les éco-organismes sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif prenant des formes juridiques variées (société anonyme, association, groupement d’intérêt économique, Société par actions simplifiée). Ils sont agréés par l’Etat pour 6 ans maximum, soumis au code de l’environnement et à un cahier des charges défini par l’Etat.
Elle fait quoi la loi AGEC sur les filières REP ?
De nouvelles filières de responsabilité élargie du producteur sont créées : produits et matériaux de construction, jouets, articles de sport et de loisir, huiles minérales ou synthétiques, articles de bricolage et de jardin, produits du tabac équipés d’un filtre en plastique, textiles sanitaires à usage unique, gommes à mâcher synthétiques non biodégradables, engins de pêche contenant du plastique.
Certaines sont élargies : la filière des emballages ménagers est élargie à ceux consommés hors foyer et ceux destinés aux professionnels, la filière des textiles d’habillement, chaussures et linge de maison est élargie aux produits textiles neufs pour la maison, la filière des véhicules est élargie aux véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, la filière des éléments d’ameublement à ceux de décoration textile, la filière des déchets diffus spécifiques (DDS) étendu aux déchets assimilés, et la filière des dispositifs médicaux perforants utilisés en auto-traitement et les autotests est étendue aux équipements électriques ou électroniques associés
Les missions des fili ères REP sont étendues : obligation d’adopter une démarche d’écoconception, soutien aux filières de réemploi, favoriser l’insertion par l’emploi, etc.
Les éco-contributions , contributions financières versées par les producteurs , sont modulées, sous la forme d’un bonus-malus , en fonction de critères de performance environnementale de leurs produits, notamment : la quantité de matière utilisée, l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables gérées durablement, la durabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi, de réutilisation, la recyclabilité, etc.
Le rôle des éco-organismes est par ailleurs renforcé , leur mise en place devenant la règle de principe . Les producteurs, qui pouvaient choisir entre la mise en place d’un système individuel de collecte et de traitement des déchets ou la création d’un éco-organisme, doivent aujourd’hui transférer leur obligation à ce dernier en contrepartie d’une contribution financière, hormis dans certaines conditions.
Par ailleurs, chaque filière crée un fonds dédié au financement de la réparation , et un fonds dédié au financement du réemploi et de la réutilisation , pour participer au financement des coûts de réparation effectués par des réparateurs labellisés, et à l’atteinte des objectifs de réemploi et de réutilisation.
En ce qui concerne la gouvernance des éco-organismes , un « comité des parties prenantes » doit être créé par les éco-organismes. Ce comité composé notamment de producteurs, de représentants des collectivités territoriales, d’associations de protection de l’environnement et des consommateurs, et d’opérateurs de la prévention et de la gestion des déchets, rend des avis consultatifs sur les modalités de la REP.
Enfin, de nouvelles obligations en matière d’information et de transparence , ainsi que de nouvelles sanctions en cas de non-atteinte des objectifs ont été introduites à l’égard des éco-organismes.
Source: https://institut-economie-circulaire.fr/analyse-et-decryptage-de-la-loi-anti-gaspillage-pour-une-economie-circulaire/
Critiques de ces dispositions (et solutions envisagées ?):
Dans un récent rapport, la cour des comptes montre que les objectifs ne sont pas atteints par la plupart des éco-organismes. Il affirme aussi que « l’État peine encore à remplir ses missions de pilotage et de contrôle". “L’amélioration du pilotage des filières à responsabilité élargie du producteur nécessite tout d’abord de disposer de données objectives et récentes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui” . C’est l’ADEME qui est pointée du doigt : A force de s’en remettre à des prestataires externes, ce bras armé de l’Etat dans le domaine des déchets, est aujourd’hui à la peine pour suivre avec toute la précision requise - et il en faut beaucoup - les activités de ces éco-organismes. Résultat les eco-organismes contrevenant passent à travers les mailles du filet même lorsqu’ils sont signalés car « les services de l’Etat n’ont pas dégagé de moyens suffisants pour traiter les signalements reçus »
De même, “le mécanisme de sanction demeure peu dissuasif, puisque le montant maximal de l’amende encourue s’élève à 30.000 euros, ce qui est faible pour des organismes dotés de budgets de plusieurs dizaines ou centaines de millions d’euros”, note le texte, suggérant de “définir des sanctions significatives, assises sur le chiffre d’affaires” du contrevenant.
Côté associatif, la critique des REP repose surtout sur la situation de conflit d’interet dans laquelle les eco-organismes se trouvent puisqu’ils doivent assurer une mission d’interet général alors que leur financement est assuré par les entreprises qui commercialisent les produits soumis à la REP. La loi AGEC a fait l’objet de nombreux débats pour tenter de corriger cette situation, notamment en essayant d’ouvrir la gouvernance de ces éco-organismes à d’autres acteurs.
On l’a vu, cela a accouché d’une souris :la création de Comités des parties prenantes au sein des éco-organismes, qui devront donner un avis préalable sur certaines décisions…
Comme souvent, ce sont les décrets qui feront loi. Or, il semblerait que ceux envisagés n’aillent pas dans le bon sens.Le ministère de la Transition écologique soumet à la consultation du public un projet de décret, pris en application de la loi AGEC qui touche deux points sensibles:
D’une part, la question du financement des nouvelles missions de suivi et d’observation des filières qui sont confiées à l’Ademe (alors même que la CC prévient de son incapacité ?)
D’autre part, la composition du comité des parties prenantes amené à discuter de l’organisation future des filières et dont certaines associations de collectivités ont été évincées alors même qu’elles réclamaient l’ouverture de la gouvernance à d’autres acteurs et qu’elles faisaient partie des anciennes instances.
https://www.cercle-recyclage.asso.fr/82-cercle-national/actu/communiques/1851-cp-du-11062020.html
https://amorce.asso.fr/actualite/lettre-ouverte-pour-une-gouvernance-des-filieres-de-responsabilite-elargie-des-producteurs-associant-tous-les-acteurs
Il y a visiblement un flou juridique sur le statut des EO qui assurent un service publique tout en étant privés. J’ai trouvé cet article dont je ne mesure pas les répercutions : https://amorce.asso.fr/actualite/le-juge-tranche-sur-la-nature-prive-du-contrat-liant-un-eco-organisme-et-une-collectivite