Je viens ajouter mon grain de sel sur ce sujet car cela m’intéresse.
Je vous propose avant d’évoquer la licence globale de faire un petit état des lieux de comment la culture est distribuée en France.
Je vais m’attarder uniquement sur l’exemple du cinéma parce que c’est un exemple que je connais bien mais on pourrait imaginer une licence globale regroupant toute forme de culture et d’art disponible en format numérique.
État des lieux
Le cinéma en France dispose d’une aide publique assez exceptionnelle. Nous sommes l’un des seuls pays en Europe à produire autant de films comme vous pouvez le voir sur ce graphique datant de 2008
Source : https://screenville.blogspot.com/2009/06/production-world-cinema-stats-1.html
Pour mettre en relief ces chiffres avec aujourd’hui. Nous avons produit en France en 2021 340 Longs métrages. Pendant qu’en Europe et surtout en Italie la production cinématographique s’est effondrée.
Donc autant vous dire que c’est une grosse partie de l’industrie culturelle française et que ça finance des milliers de professionnels du pays.
Nous produisons autant de films grâce à l’action du CNC. Le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée qui est le bras armé de l’état dans la diversité culturelle du cinéma en France. Le CNC existe depuis 1946.
Pour faire court : Le CNC finance des projets cinématographiques en prélevant une taxe sur votre ticket de cinéma (que ça soit un blockbuster US ou un film d’auteur français).
Je vous parle du CNC parce que je pense qu’il est important d’identifier ce qu’on doit/veut réformer pour obtenir un projet de motion précis, chiffré. Et dans le cas de la Licence Globale le CNC se révèle être le pilote idéal (en tout cas concernant le cinéma).
Le CNC actuellement est incontournable pour la création (il n’est pas seul, on va en parler après dans le passage sur la chronologie des médias). Je pense qu’il faudrait également le rendre incontournable sur la distribution numérique.
Une Licence globale pourquoi ?
Je pense que c’est important déjà de faire rentrer dans la légalité les usages des spectateurs qui usent du piratage en ligne.
Les avantages du piratage sont : une offre pléthorique dans des qualités adaptées pour tous, l’accès à la culture y est gratuit et illimité.
Le problème étant que c’est une offre parallèle à l’offre légale ce qui n’offre aucune rémunération ou comptabilité pour les artistes. C’est pour ça qu’il faut saisir cette opportunité pour arrêter de punir le piratage d’un côté mais bien aussi de construire pour les citoyens la plateforme qui va lui permettre de s’élever un peu culturellement à moindre frais parce que la culture c’est cher si on veut faire ça légalement.
Avant l’apparition de Netflix et consorts, l’offre légale après sortie en salles se traduisait par l’achat ou la location à des prix élevés sur un support physique et/ou numérique dans une version plutôt dégradée en termes de qualité visuelle. C’était quand même pas terrible comme option.
Actuellement avec l’arrivée des plateformes de SVOD (Vidéo à la demande par abonnement) comme Netflix ou Disney+ on a pu assister à l’émergence d’une offre légale abordable et avec la promesse d’un catalogue pléthorique avec accès illimité.
En fait ce que pratique ces plateformes de SVOD, c’est déjà un peu d’une certaine manière de la licence globale. Mon problème c’est que tout ça soit géré par des puissances privées.
Les griefs que j’ai avec ces plateformes sont les suivants :
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Aucune volonté d’interopérabilité entre elles, obligeant les spectateurs à multiplier les abonnements à des plateformes pour accéder au contenu « exclusif ».
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Une algorithmisation inquiétante, j’ai développé ce sujet dans mon thread twitter ici : https://twitter.com/DuncanFrenehard/status/1561393538192924673
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Une censure présente, on a même pu voir récemment des films tournés, annulés (l’exemple de batgirl annulé ici pour des raisons fiscales).
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On pensait avoir un catalogue illimité, on se retrouve au final avec un catalogue qui évolue de manière assez opaque. Des films disparaissent sans raison.
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L’arrivée imminente de la publicité
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L’aspiration géante de vos datas
Je dois reconnaître une qualité à ces plateformes c’est la facilité d’utilisation et le confort offert aux utilisateurs mais c’est pas impossible à reproduire via notre idée de licence globale tout en virant tout les mauvais points.
Je pourrais parler aussi plus philosophiquement de la mort du cinéma pour la naissance du « contenu » mais ça n’aurait pas vraiment pas sa place ici.
Bon Netflix c’est nul okay mais on fait quoi alors ?
Je pense que là où la licence globale doit tirer son épingle du jeu c’est en proposant une vraie alternative à ces plateformes là.
Je vais écarter rapidement le mauvais argument que j’ai vu « Oui mais Salto existe et c’est ça ta licence globale »
Salto est une initiative privée de chaînes de TV comprenant pour 1/3 France TV. En plus de cela on est sur la valorisation de contenus télévisuels et assez peu de longs-métrages. C’est deux choses très différentes. En plus de cela Salto reprend bien tout les problèmes nommés ci-dessus.
Chronologie des médias
La chronologie des médias c’est la règle définissant l’ordre et les délais dans lesquels les diverses exploitations d’une œuvre cinématographique peuvent intervenir. Cela permet à tout les professionnels de la distribution d’avoir un fenêtre exclusive pour gagner de l’argent tout simplement.
C’est ce qui fait que contrairement aux États-Unis, il est impossible pour un film de sortir en même temps en salles et en VOD. On a considéré que cela ferait trop de mal aux exploitants de salle de laisser faire un tel mécanisme.
Je suis plutôt un défenseur de cette chronologie car l’idée est de promouvoir un système vertueux pour que tout le monde touche sa part. J’ai parlé du CNC qui est un acteur majeur dans la production mais les autres acteurs majeurs de la production en France sont les chaînes TV avec Canal + en tête.
La chronologie des médias après sortie en salles en France en 2022 :
Le système est vertueux car les acteurs de la distribution sont récompensés à hauteur de leur participation dans la production cinématographique française. C’est pour ça que récemment Netflix a gagné deux mois par rapport à Amazon et Disney + car ils ont un deal avec le CNC pour financer des films français en langue française.
On peut donc imaginer une Sortie Licence Globale sans pénaliser les autres acteurs de la distribution en l’intégrant dans cette chronologie. Si on veut rendre la plateforme volontairement attractive. On peut donc décider de la caler dans la chronologie entre Canal + et Netflix pour faire jouer l’effet d’exclusivité et donner l’avantage à notre Licence.
Pour conclure.
On prend ce qui marche et ce qui a séduit c’est à dire une plateforme centralisée à abonnement de streaming. Et on y ajoute tout ce qui est produit, a été produit par le CNC, qui tombe dans le domaine public tout en respectant la chronologie des médias. Les films seront ainsi sur une plateforme toujours disponible, on a ensuite possibilité d’y intégrer une curation pour valoriser notre patrimoine, notre industrie et on peut faire payer ça à prix fixe comme avec un abonnement.
Mission accomplies :
- Valorisation de notre patrimoine culturel
- Mise en place à un accès illimité à pan entier de la culture à prix fixe pour que le plus grand nombre en profite avec un simple accès à Internet
- Respect des créateurs qui ne verront pas leurs films tombés dans l’oubli et dont les films seront toujours accessibles.
- Possible rémunération des ayants droits (j’ai moins étudié cette question mais je pense que quelque chose est possible là dessus.)
Concernant le financement je préfère faire payer les utilisateurs intéressés que faire payer tout le monde sur ce sujet mais je suis prêt à me laisser convaincre on va dire.
En espérant avoir apporté une contribution intéressante sur ce sujet.