Vin Nature(l) - un débat formateur

Hello à toutes et tous,

Il y a quelques jours, un (second) débat à agité certains d’entre nous sur discord. Il s’agissait de l’emploi du mot naturel dans l’expression désormais courante vin naturel et de sa justification, de sa symbolique et de son poids en terme de définition et de semantique/discours.

Durant ce débat, la position qui était la mienne défendait l’usage de ce terme comme étiquette d’un produit sans aucun supplément pour orienter ou créer le goût du produit fini. Dans ce cadre là, le vin naturel est un vin issu de la fermentation du pur jus de fruit de raisin, obtenue avec des bactéries indigènes, et où le seul intrant exterieur que les producteurs s’autorisent parfois est une dose infime de souffre (largement - d’1g).

La position opposée à l’emploi de ce terme se basait sur la réflexion suivante : tout est naturel et ainsi, le terme naturel ne détermine rien de ce que son emploi semble pourtant impliquer. Effectivement, le tableau périodique des éléments recense les éléments chimiques, et pour autant, ils sont tous naturels. Cette réflexion pointe donc l’emploi de ce terme comme une couche de marketing supplémentaire sur un produit qui en a déjà des tas.

Depuis cette discussion, j’ai essayé de fouiller ce qui permettrait de réunir deux positions qui me semblent faire sens et qui finalement s’opposent peut-ette davantage dans la forme que sur le fond.

Retour sur l’histoire de l’expression

L’expression vin naturel date d’un bon bout de temps. Un gros siècle. C’est pendant les grèves de la filière viticole française au début du 20eme que l’expression naît dans la propagande des ouvriers du vin. Des grévistes qui n’en pouvaient plus de l’escroquerie de certains domaines qui ajoutaient du sucre dans leur jus. Cet ajout était jugé non naturel, arnaqueur et nécessitant donc une modification du droit et de l’enxadrement légal de la production du vin.
On voyait donc fleurir des affiches “Pour un vin naturel” pendant ces quelques années de grève.

L’industrialisation de la production, post 2eme Guerre Mondiale a eu le même effet que sur l’agriculture céréalière ou le maraichage. Le productivisme et la mise à disposition de la chimie de synthèse pour l’agriculture ont conduit les producteurs à adopter des méthodes d’agriculture différentes et peu soucieuses de l’environnement.
Nous sommes rentrés dans une aire de production assistée puis conditionner par la chimie de synthèse, industrielle et peu regardante sur les effets environnementaux et de santé publique.

Viendra ensuite les vagues bio, puis naturel ou encore biodynamique, s’opposant à ce qui était devenu le vin conventionnel.

Aujourd’hui

Trois étiquettes, trois ambiances

Si on oublie le vin dit conventionnel, il nous reste le bio, le biodynamique et le naturel.
Le bio est une certification issue de l’application du cahier des charges Bio de l’UE. Je pense que nous voyons toutes et tous de quoi il s’agit et qu’il est inutile de revenir dessus. Lui ne garantit rien sur l’asoect industriel.
Le biodynamique implique un volet ésotérique et ne se base pas réellement sur du factuel. Nous n’avons même besoin de l’aborder sérieusement donc.
Le naturel lui, est la troisième étiquette de ces vins qui vont à l’encontre du vin conventionnel. C’est celle qui détermine qu’un vin est produit avec le moins de produits ajoutés au jus. C’est également un bel argument marketing.

Avis de pros de la filière

J’ai donc interrogé quelques pros de la filière du vin, particulièrement impliqués pour ce vin opposés aux conventions de l’industrie productiviste.
Des artisans indépendants, de la vigneronne au caviste.
Voici ce qui en ressort :

Une même intention, une même liberté, plein de mots pour le signifier

Quelques domaines cherchent à encadrer le vin nature. En effet, le L qui clôture le mot partirait et laisserait place au mot nature comme dans l’expression courante “nature-peinture” qu’on utilise pour parler de quelque chose sans filtre, brut, tel quel.
Il s’agirait pour le coup de clarifier, déterminer et encadrer légalement la production nature en donnant un sens au mot concerné, devenant non plus un abus de langage ou une habitude mais une appellation à proprement dit.
Le hic avec les cahiers des charges, c’est leur qualité, qui varie en fonction de qui rédige, et jusqu’où dans le détail et la complexité du produit. Les AOP fromagères en sont un excellent exemple tant elles sont inégales en bien des points…

D’autres producteurs, toujours indépendants et artisanaux, n’utilisent même plus ces mots et ce lexique. On a donc droit sur les étiquettes à “pur jus” par exemple. Le jus, et rien de plus.
Et puis ceux qui ne mettent même rien, considérant que le vin ne peut se produire que comme ça, et que tout le reste n’est pas vraiment du vin.

Positionnement pirate

À titre personnel…

C’est moins mon avis sur la question que les formes que je choisirai à l’avenir pour en discuter qui ont changé. Clairement, je ne tiens pas à considérer logique la perpétuation du modèle industriel de production de vin (et de fromage). Et de fait, je ne bois et ne boirai que des vins natures. Mais je ne les appellerai plus naturels. Ce L porte, comme le débat initial essayait de le faire remarquer, trop de sens et de non-sens pour être réellement valide.

Parti Pirate et extrapolations du débat

En ce qui concerne le parti, je pense que nous pourrions réfléchir à nous positionner en interne voire nous tenir prêts à communiquer sur ce sujet.

Pourquoi ?
C’est un débat de fond assez général sur la sémantique, les appelations, le #nofake, les filières concernés, qui est extrapolable sur bien des sujets qui touchent l’agriculture. Nous sommes à 2ans des Presidentielles, etl’agriculture sera je pense un sujet fort de 2022, parce que lié à l’environnement, au bien être animal, à la biodiversité et à la situation des agriculteurs.
On parle ici (vin nature) d’un sujet sans doute secondaire à bien des égards, mais représentatif de la direction vers laquelle nous pourrions aller.

Comment ?
J’imagine donc tout à fait que nous construisions un équipage sur l’agriculture, qui aurait pour mission d’investiguer les sujets en question. Ou en tout cas d’amalgamer de la données et du factuel pour que nous puissions enrichir les points agriculture de notre programme.
À l’evidence, ça devrait secouer sur le pont du bateau (ahah !) mais au moins, on devrait faire de belles avancées et proposer / encrer / communiquer des trucs solides.

À propos de ?
En vrac, et vin mis à part :

  • les semences pirates
  • circuit court / locavorisme / direct
  • saisons et terroirs
  • autonomie alimentaire

En somme, des sujets qui nous accompagneront notre réflexion générale sur l’agriculture, et donc notre positionnement, tant global que ciblé, sur ce thème de campagne important.


LIENS :


Voilà pour moi !

A très vite,

G

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Merci pour ce retour, du coup je vais faire quelques corrections, et effectivement avec des problèmes sémantiques :

En fait, ce qui est reproché est que le mot naturel est opposé à ce qui est chimique. Et surtout que tout est chimique (et non tout n’est pas naturel, l’antonyme parfait étant artificiel).

D’ailleurs :

Est-ce qu’ici on parle de sulfite ou de sulfate de cuivre ? Dans les deux cas ce n’est pas spécialement “naturel”.

De plus pour combattre la flavescence dorée des traitements peuvent être obligatoire. Ce qui peut conduire à ce genre d’histoire :


Alors pour moi, je préfère le “pur jus” ou encore “sans sulfite ajouté”, “sans sucre ajouté”, même le mot "nature’ est limite, même si je l’entends bien dans l’utilisation de “yaourt nature” qui s’oppose vraiment à “yaourt sucré”, “yaourt aux fruits”.


Concernant les sujets en vrac :

  • Les semences pirates : c’est quoi ? Les semences qui ne sont pas au catalogue ?

https://wiki.partipirate.org/Interdiction_de_la_Biopiraterie_Pour_les_semences_Libres

  • Circuit court / Locavorisme / Direct : souvent une fausse bonne idée sur un plan économique ou écologique, se défend sur le plan idéologique

  • Saisons et terroirs : pas d’avis en si peu de mots

  • Autonomie alimentaire : de qui ?

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Je vois.

Pour le souffre, c’est du sulfite. Tu as donc souvent indiqué « sans sulfite ajouté » ou à l’inverse « contient des sulfites/du sulfite ».

Je n’arrivais pas à trouver le mot artificiel (j’aurais dû bêtement le chercher ahah) et j’utilise d’ailleurs sans doute maladroitement les termes « de synthèse ».

Pour ce qui est du traitement de la Flav.Dorée… Là ça n’a rien à voir avec le vin nature. Le vin nature ça démarre après le pressage. Tout ce qui est avant n’est pas concerné. C’est plutôt un engagement connexe/parallele/complementaire dans le bio, que la plupart des producteurs récoltants de vin nature ont.

Alors, tu tapes au bon endroit à propos des yaourts.
Parce que pour le coup, c’est très encadré par la loi (cf. Décret fromage, qui détermine depuis le début des années 60 ce qu’est un yaourt). Et techniquement, un yaourt qui a subit trop de modifications post-fermentation ou qui contient des additifs, des agents de gout ou de texture etc, ne peuvent pas s’appeler ainsi.

C’est en ce sens là que le mot nature est présent à côté du mot vin.

Effectivement, ça fait deux mots et non un seul. Et en ce sens, on rejoindrait la ligne éditoriale qui veut que le « vin » soit un produit « brut ou presque » ou « pur jus ». On appelerait donc vin ce qu’on appelle vin nature/naturel aujourd’hui.
Je ne suis pas contre cette orientation. Elle peut se tenir idéologiquement dans la définition d’une vision de politique agricole globale.


Sujets en vrac :
Idéalement je pense qu’il faudrait créer un équipage agriculture(s ?) pour qu’on se penche vraiment proprement sur ces questions.

  • Semences pirates : pur fruit de mon invention au moment de rediger. Je me disais que ça nous allait bien de présenter les choses ainsi, et en effet, c’est à propos des semences libres / perdues / non industrielles / libres.

  • Locavorisme / etc : je hâte de lire tes billes sur le sujet. :slight_smile:
    En soit j’en suis au stade où j’imagine que c’est le modèle le plus responsable et le moins imparfait, mais complètement sujet aux spécificités des zones géographiques d’application.

  • Saisons et Terroirs : l’idee sous-jascente est d’etre bien au point sur la saisonnalité des produits dans leur terroir, pour que, par exemple lorsque nous proposons des produits de saison dans les cantines scolaires, nous ayons la capacité de dépasser le cadre de la proposition simple en ayant un cadre / une carte géographique et le calendrier adéquat.

  • Autonomie alimentaire, à toutes les echelles. Je crois davantage, tout de suite maintenant, à un projet qui viserait la libre circulation des semences libres et des savoirs agricoles plutôt que le projet actuel de l’interdependance et la spécialisation geographique…
    D’autant + avec un climat qui bouge autant.