Quelques citations tirées du podcast linké par @Be1664 sur le sujet « Rédaction Motion Agriculture »
Référence : « Il est temps de sauver l’agriculture du futur », dans l’émission « Matières à penser » du 24/08/2019 sur France Culture. Invité : Marc Dufumier, auteur du livre « 50 idées reçues sur l’agriculture et l’alimentation ».
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Les 3 gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, c’est le gaz carbonique, le méthane et c’est le protoxyde d’azote.
Le gaz carbonique, le grand danger, c’est la déforestation : c’est l’agriculture extensive, qui exige de très grandes extensions, au Brésil, à Bornéo ou la foret cogolaise qui est déforestée.
Le méthane est souvent situé en second à l’échelle internationale, c’est le rumen des ruminants, et là, il faut nuancer : c’est clair que les vaches sacrées en Inde, premier producteur mondial de lait, mais où la production est de 3 litres par vache, ça fait beaucoup de méthane au litre de lait. Ou un ranch d’élevage extensif en Argentine : ça fait beaucoup de déplacements, par kilo de viande, ça fait quand même beaucoup de méthane. En France, il nous faut être raisonnables, parfois ça peut nous rendre des services environnementaux, quand elles nous font un gazon ce qui fait que quand arrive la neige dans les zones de montagne, il n’y a pas d’avalanches, on peut remercier les éleveurs. Quand je dis « il faudrait remettre de l’élevage, y compris de ruminants, dans le bassin parisien », tout le monde va dire « oui mais du coup, le bassin parisien va émettre plus de méthane », oui, sauf que la prairie temporaire avec des légumineuses qui va permettre de nourrir [les animaux] et la culture qui va suivre en rotation n’aura plus besoin d’engrais azotés de synthèse. Or les engrais azotés de synthèse, c’est très émetteur, au moment de l’épandage, de protoxyde d’azote, or en France, c’est le protoxyde d’azote qui est le principal contributeur de l’agriculture au réchauffement climatique, pour plus de 50%. Donc rétablir de l’élevage dans le bassin parisien : plus de méthane, moins de protoxyde d’azote. SAchez que le méthane c’est 30 fois plus réchauffant que le gaz carbonique mais le protoxyde d’azote, 300 fois plus, donc 10 fois plus que le méthane […] et ça séquestre du carbone dans les sols.
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[quote =« vers 27 min 29 »]
[Présentatrice] Sur l’alimentation justement : si on arrête l’agriculture intensive, on ne pourra plus nourrir la population mondiale, dont on sait qu’elle augmente fortement :
[Marc Dufumier] Cette idée est singulièrement fausse. On est 7,6 milliards d’habitants aujourd’hui, on prévoit 9 milliards et demi en 2050. S’il y a des gens qui ont faim et qui souffrent de la malnutrition aujourd’hui, 800 millions de gens qui n’ont pas leurs 2200 kcal par jour, un milliard qui souffre de carences nutritionnelles, ça n’a rien à voir avec une insuffisance de nourriture. Il ya excès de nourriture produite aujourd’hui dans le monde, mais les gens pauvres n’ont pas le pouvoir d’achat pour acheter cette nourriture. Les gens qui fréquentent les restaurants du Coeur aujourd’hui en France, c’est pas parce que la France ne produit pas assez, c’est qu’ils sont trop pauvres. Les Brésiliens des favelas, qui ne parviennent pas à acheter le soje et le maïs brésiliens, c’est pas que le Brésil ne produit pas assez : le maïs et le soja nourrissent nos cochons. Mais c’est que là-bas ils sont trop pauvres et que nos usines d’aliment du bétail, elles, sont solvables.
Pour nourrir correctement, il faut 200 kg de céréales par habitant et par an : la production mondiale est de 330, donc vous voyez qu’il y aurait suffisment (ou d’équivalent pomme de terre, manioc, igname), mais les 130 kg supplémentaires, il ya le gaspillage (de gens riches qui achètent la nourriture supplémentaire qui échappe à des pauvres et le mettent à la poubelle parce que la date de péremption est passée), on nourrit trop de cochons et de plus en plus il y a de la nourriture qui sert à donner à boire à nos voitures sous forme d’agro-carburants (éthanol et agro-diesel). C’est la répartition des revenus qui est le problème.
[…] A l’échelle mondiale, on peut nourrir bien plus de 10 milliards d’habitants, et cette agriculture j’accepte de l’appeler « intensive », à l’opposition d’« extensive » aux dépens de la foret, mais elle est intensément écologique.
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Dans les pays du Sud, on peut accroitre les rendements. Chez nous, il n’est pas nécessaire d’accroitre les rendements pour tous les produits dont on est excédentaires, sachant qu’on les exporte vers les pays du Sud à bas prix : nos poudres de lait ruinent des élevages laitiers dans certaines régions du Sud, nos poulets bas de gamme ont ruiné des basse-cour dans les pays du Sud. Chez nous, il nous faut retrouver notre autonomie en protéines végétales, en substitution du soja et du tourteau de soja et faire en sorte que les légumineuses soient produites en France. Chez nous produire moins mais mieux, c’est pas faire du tort aux pays du Sud, ça nous permet nous de bien manger, et ça n’empêche pas les pays du Sud de manger correctement.
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[quote =« 32 min 48 »]
Certains parlent de biomimétisme : on peut prendre des leçons d’écosystèmes naturels, même si nos agro-écosystèmes sont très aménagés, c’est très anthropisé, ça n’est plus naturel. Des formes un peu radicales relevant d’agroécologie, c’est ce qu’on appelle la permaculture, c’est souvent manuel, c’est souvent du maraichage ou des tubercules et autres, mais en associant une dizaine, une quinzane d’espèces dans un espace extrêmement réduit […] chaque plante est une barrière à la prolifération d’agents pathogènes de l’espèce qui est juste à côté. […]
Les produits en -cide, c’est fini, on va vivre avec les ravageurs, on va vivre avec les agents pathogènes mais on va minorer leur prolifération et on va minorer les ravages.
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[quote =« 34 min 44 »]
Nos ancetres ont sélectionné depuis des siècles, en choisissant les plus belles graines, sur les plus beaux plants et sur les plus beaux épis, ils avaient adapté une multitude de variétés adaptées à une mutitude d’environnements. L’agriculture industrielle, c’était l’inverse, c’estdes semences à haut potentiel de rendement mais qui ne pouvaient pas tolérer la présence des prédateurs, donc on a mis tous les produits en -cide.
[…]
Il nous faut récupérer des variétés, il nous faut récupérer des savoir-faire.
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[quote =« 36 min 06 »]
Dans les OGM, il y aurait plusieurs petits défauts : d’abord 1, c’est encore la poursuite de la génétique ancienne, c’est à dire on a trop misé sur la génétique et pas assez sur l’agroécologie, et on pense toujours que c’est à travers la génétique qu’on va pouvoir accroitre les rendements en oubliant les interactions dans l’écosystème. Dans les OGM, il y a des risques inhérents à la technique, c’est à dire, l’intégration d’un transgène, c’est une manipulation qui peut réveiller des gènes non codants et avoir des effets délétères dans lesquels ont ne comprend pas encore grand chose. Il y a des risques inhérents au choix des gènes d’intérêt, la résistance à l’herbicide ou on va tuer la chenille pour pas que ça soit la chenille qui tue la plante.
Je m’interdis comme scientifique de diaboliser quoi que ce soit. Le riz doré, c’est un riz qui est riche en beta-carotène, une propriété qu’on lui a donné grâce à un trasngène, je crois que c’est des gènes de jonquille qu’on a mis sur le riz en question, et du coup y’a le beta-carotène, du coup, y’a la vitamine A, dans beaucoup de pays on souffre d’avitaminose A et on pense que c’était utile d’intégrer la vitamine A dans le riz. Moi je suggérerais que dans l’assiette, avec le riz, on n’oublie pas de mettre des carottes, des tomates, des plantes riches en carotène. [présentatrice : on n’en a pas tout le temps] [Marc Dufumier] Dans l’huile de palme, elle est riche en vitamine A, dans tous les pays on peut associer dans les repas de la vitamine A mais pourquoi le mélanger dans la plante, surtout qu’on ne savait pas trop aux dépens de quelles fonctions la vitamine A allait s’intégrer, aux dépens de la vitamine E, aux dépens du rendement et de ce genre de choses.
Ce fameux riz doré, je vous signale que plus personne n’en parle beaucoup aujourd’hui. Par contre, ce qu’on ne sait pas, c’est si les gènes de jonquille passent sur un riz sauvage : qu’est ce qui va se passer dans les écosystèmes où il y a du riz cultivé et du riz sauvage, là, nul n’est capable de prédire, là, l’agroécologie doit travailler.
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