Bonjour,
À l’occasion des municipales, j’ai été choqué de voir sur un bulletin de vote ainsi que sur le détail des listes publié par le ministère de l’intérieur, la mention de la nationalité d’un candidat. J’ai trouvé cela stigmatisant et contraire au principe d’égalité vanté par la devise de notre république. Mes recherches m’ont amené à comprendre la raison de cette précision. Je vous invite à prendre connaissance du point suivant, puis à en discuter et éventuellement à le soutenir en vue de le proposer au vote des Pirates.
Note au public non-adhérent : ce message vise à discuter de ce sujet et ne correspond pas à une prise de position actuelle du Parti Pirate. Tout le monde est invité à prendre part à la discussion.
Exposé des motifs
Les élections municipales de 2020 sont l’occasion de constater, sur certains bulletins de vote, une mention particulière : celle de la nationalité de certain.e.s candidat.e.s. Cette information a pu surprendre et peut paraitre stigmatisante. Un peu d’histoire législative pour comprendre cet état de fait.
La directive européenne 94/80/CE du 19 décembre 1994 impose aux États membres de l’Union Européenne que des citoyens n’ayant pas la nationalité de leur pays de résidence puissent être candidats aux élections municipales (ou équivalent) là où ils vivent. [1] Cette directive se traduit, en France, par l’article 88-3 de la constitution (complété d’une loi organique) qui dispose que « le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs ». [2] Le Conseil Constitutionnel juge, dans sa décision numéro 98-400 DC du 20 mai 1998, que « cette limitation du rôle du ressortissant communautaire élu est conforme à l’article 88-3 de la Constitution et à l’article 5 3 de la directive ». [3] Appliqué aux élections municipales françaises, cela signifie donc qu’un citoyen ressortissant de l’Union Européenne mais n’étant pas de nationalité française peut être élu conseiller municipal, mais ne peut être élu maire ou nommé adjoint au maire.
De plus, l’article LO247-1 du code électoral impose que figure sur les bulletins de vote la nationalité des candidats n’étant pas français. [4] Des élections ont été invalidées et annulées pour violation de cet article. Le Conseil d’État, dans sa décision numéro 239707 du 29 juillet 2002, confirme qu’un tel manquement justifie l’annulation d’une élection. [5]
On peut s’interroger sur la pertinence de rendre publique la nationalité de tous les candidat.e.s aux élections municipales - l’absence de précision impliquant de fait que la personne dispose de la nationalité française. En 2014, le député Jean-Paul Chanteguet a adressé une question en ce sens au ministre de l’intérieur. [6] Voici un extrait de sa réponse.
le législateur a toujours considéré que les électeurs devaient être informés de la nationalité des candidats qu’ils sont appelés à désigner pour gérer et diriger leur commune dans la mesure où les ressortissants communautaires d’un Etat membre autre que la France élus conseillers municipaux sont notamment inéligibles au mandat de maire et d’adjoint et ne peuvent prendre part à l’élection des sénateurs. Cette exigence d’information a été confirmée récemment dans une décision no 2013-668 DC du 16 mai 2013 relative à la loi organique relative à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux dans laquelle le Conseil constitutionnel a souligné que « de telles mentions sont nécessaires à l’information des électeurs dès lors que les conseillers municipaux n’ayant pas la nationalité française ne peuvent ni, en vertu de l’article L.O. 2122-4-1 du code général des collectivités territoriales, exercer des fonctions communales exécutives, ni, en vertu de l’article L.O. 286-1 du code électoral, participer à l’élection des sénateurs ».
Cet extrait montre bien que l’intérêt pour les électeurs est de savoir que les candidat.e.s concerné.e.s ne peuvent ni devenir maire, ni adjoint, ni prendre part aux élections sénatoriales, et non de connaitre leur nationalité. D’autres candidat.e.s pourraient être frappés de telles restrictions. Si la loi ne prévoit pas encore un tel cas, il est possible qu’il se présente à la faveur de futures évolutions du code électoral.
[1] Directive - 94/80 - EN - EUR-Lex
[2] Article 88-3 - Constitution du 4 octobre 1958 - Légifrance
[3] Décision n° 98-400 DC du 20 mai 1998 - Communiqué de presse | Conseil constitutionnel
[4] Article LO247-1 - Code électoral - Légifrance
[5] Légifrance
[6] Question n°65542 - Assemblée nationale
Contenu
Afin de présenter aux électeurs.trices une information plus pertinente et moins stigmatisante pour les candidat.e.s concerné.e.s, le Parti Pirate propose de remplacer la mention de la nationalité de candidat.e.s non français.es aux élections municipales par une mention informant des restrictions dont ils et elles sont frappé.e.s. À titre d’exemple, leur nom pourrait être suivi d’un astérisque renvoyant à une mention « Ne peut être élu maire, nommé adjoint ou voter aux élections sénatoriales » en bas de bulletin.
L’article LO247-1 du code électoral serait ainsi modifié : les mots « l’indication de leur nationalité » sont remplacés par « l’indication des restrictions dont ils sont frappés en application de l’article 88-3 de la Constitution ».