Règles de financement politique en France

Attention, post long et chiant, have fun :wink:

Alors comme on me l’a demandé un peu, je vais faire un récapitulatif de règles de financement Française d’un parti politique et d’une élection. J’espère que cela permettra à tous de moins se taper dessus sur Discord. Je précise tout de suite que je peux faire des erreurs ou des imprécisions, je corrigerais avec plaisir. Je serais factuel et donnerait quelques pistes de réflexion plus ouverte à la fin.

On commence par un préalable qui va expliquer pourquoi c’est compliqué, c’est l’article 4 de madame la Constitution :

ARTICLE 4.

Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.

Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l’article 1er dans les conditions déterminées par la loi.

La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.

(On rajoute le second alinéa de l’article 1er pour être complet même s’il n’a pas d’impact sur notre sujet du jour)

La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.

Vous allez voir, cela explique plein de chose.

Un peu d’histoire d’abord, avant le dur

Un Parti Politique peut faire tout ce qu’il veut … Voilà, merci au revoir.

NNNNNNAAAAANNNNNN je rigole :smiley: … Mais en fait si :stuck_out_tongue:

A la base, l’article 4 indique que bon, en tant que Parti Politique, on est libre de faire ce que l’on veut, quand on veut et comme on le veut. Mais après les multiples scandales de financement (je parle juste de la 5° république) on a voulu mettre de la transparence et des contraintes dans les financements des partis politique.
Pour ce faire, l’approche a été de dire : « Le Parti fait ce qu’il veut MAIS s’il veut pouvoir financer une élection, alors il doit se soumettre à des règles ». Cela explique la première bizarrerie, un parti politique c’est DEUX associations. L’association de financement qui doit recevoir l’ensemble des entrées (et qui est totalement transparente) et le Parti qui lui, dépense (et qui n’est donc pas contrôlé dans le détail).

Donc le financement d’un parti politique, cela fonctionne comment ?

Le Parti Pirate c’est donc deux associations, l’AFPP (association de financement du Parti Pirate) et le PP (Parti Pirate). L’AFPP encaisse et ne peux faire qu’une chose : transférer l’argent au Parti Pirate.

Et elle ne peut encaisser que :

  • les cotisations des adhérents du parti soumis aux conditions de plafonnement fixées
    par la loi ;
  • les dons émanant des personnes physiques soumis aux conditions de plafonnement
    fixées par la loi ;
  • les reversements d’indemnités d’élus du parti dont le montant est déterminé par le
    parti ;
  • les contributions des partis politiques ;
  • l’aide publique de l’État prévue par la loi du 11 mars 1988 ;
  • les dévolutions de l’excédent des comptes de campagne ;
  • les produits des manifestations et colloques ;
  • les produits d’exploitation ;
  • les autres produits ;
  • les produits financiers.

Les limites et plafonnement :

  • Une personne physique peut verser un don à un parti ou groupement politique si elle est de nationalité française ou si elle réside en France.
  • Les dons consentis et les cotisations versées en qualité d’adhérent d’un ou de plusieurs partis ou groupements politiques ne peuvent annuellement excéder 7 500 euros. (cumul hein, donc 7 500 euros c’est pour l’ensemble des partis, on ne peut pas donner 2 fois 7500 euros)
  • Pas de don de personne morale (hors autres partis politique), et cela d’aucune manière. Une personne morale (entreprise par exemple) n’a pas le droit de fournir des biens et services avec des prix inférieur à ceux qui sont habituellement pratiqués (donc pas de réduction de 99 % sur une facture par exemple).
  • Don uniquement en euros ou en franc CFA
  • Les personnes morales, à l’exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit et sociétés de financement ayant leur siège social dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts aux partis et groupements politiques ni apporter leur garantie aux prêts octroyés aux partis et groupements politiques.

Qui contrôle ce bordel, c’est quoi les obligations ?

C’est la CNCCFP (Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques) qui gère cela.
Nous avons pour obligation :

  • De déposer le listing des donateurs et adhérents (nom, prénom, adresse montant)
  • de déposer un listing de contrôle (un gros fichier excel)
  • de déposer les extraits de compte (en gros les relevés bancaires) de l’association de financement

En échange, on récupère les reçus-dons qui vous permettent (si vous payez des impots) d’obtenir une réduction fiscale de 66 % de vos dons et cotisations.

Nous avons aussi pour obligation :

  • de déposer les comptes d’ensemble (un bilan et compte de résultat fusionner des deux associations) avec plein d’informations en plus (nos stock, nos prêts, etc.) validé par un commissaire au compte.

En échange, on a le droit de financer les élections et de vous fournir pour l’année suivante la déduction fiscale.

Conclusion pour le financement des parti politique

En gros vous l’aurez compris, c’est assez balisé, on a une souplesse proche du néant sur ce dossier. Si jamais, oui on a déjà demandé si le financement en crypto était possible (c’est non) et plein d’autres trucs, mais bon, la loi est assez clair sur le sujet.

Voilà, post suivant, le financement des élections :wink:

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Le financement d’une élection

Alors on va commencer par le départ. Pour être candidat, on doit déjà déposer sa candidature. Une fois cela fait, la candidature (que se soit une personne ou une liste) doit choisir un mandataire financier (une personne ou une association de financement).

C’est ce mandataire qui va ouvrir un compte en banque et gérer les entrées et les sorties d’argent. C’est lui qui donnera les reçus don (déduction fiscale de 66 % aussi).

Et ce mandataire ne peut encaisser que :

  • les dons émanant des personnes physiques soumis aux conditions de plafonnement fixées par la loi ;
  • les contributions des partis politiques ;
  • les produits des manifestations et colloques ;
  • les produits d’exploitation ;

Le mandataire se chargera de régler les dépenses pour le candidat (avec beaucoup de règles compliquées aussi, mais bon, globalement, gardez en tête que le mandataire doit tout payer, de la salle a 6000 € aux sandwichs des militants qui iront tracté sur les marchés).

Les limites et plafonnements :

  • Une personne physique peut verser un don à un candidat si elle est de nationalité française ou si elle réside en France.
  • Les dons consentis pour un ou plusieurs candidats ne peuvent annuellement excéder 4 600 euros. (cumul hein, donc 4 600 euros c’est pour l’ensemble des candidats, on ne peut pas donner 2 fois 4 600 euros)
  • Pas de don de personne morale (hors autres partis politiques), et cela d’aucune manière. Une personne morale (entreprise par exemple) n’a pas le droit de fournir des biens et services avec des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués (donc pas de réduction de 99 % sur une facture par exemple).
  • Don uniquement en euros ou en franc CFA
  • Les personnes morales, à l’exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit et sociétés de financement ayant leur siège social dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts candidats ni apporter leur garantie aux prêts octroyés.

Qui contrôle ce bordel, c’est quoi les obligations ?

C’est la CNCCFP (Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques) qui gère cela.

Le candidat doit déposer un compte de campagne (le candidat, pas le mandataire, attention) qui ressemble en gros a un formulaire avec un récapitulatif de toutes les dépenses, et tous les justificatifs (factures, relevé de compte, etc.) pour permettre à la CNCCFP de contrôler.

Cela ressemble vachement aux règles d’un parti politique non ?

Bah oui. C’est globalement les mêmes règles (avec quelques particularités).

Attends, le candidat il n’est pas remboursé de ses frais de campagne ?

Bien, on a des gens attentifs même au fond de la classe :wink:

Si le candidat fait un certain résultat (au moins 5% en général), il est remboursé de ses frais de campagne. En gros, si tu as payé un bus, des tracts, des gens partout, tu es remboursé.

Attention, ce n’est pas non plus une machine à cash (malgré ce que tout le monde pense), on a beaucoup de règles qui limitent les remboursements :

  • Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l’article L. 52-4 est applicable font l’objet d’un remboursement forfaitaire de la part de l’État égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses.
  • Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l’apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne.

Donc à noter, si vous recevez 2000 € de don et que vous faites des tracts avec, vous ne serez pas remboursé. Si par contre vous payez 500 € de votre poche et 1500 € par des dons (ou par l’apport d’un parti politique) alors vous serez remboursé de 500 €.

Mais tu avais dit qu’on ferait des knacki … Euh, mais le parti il ne finance pas les bulletins de vote ?

C’est LA particularité importante. Le mandataire ne règle pas les bulletins de vote, les circulaires et les affiches. C’est ce que l’on appelle la « propagande officielle » ou plus sobrement « Le R39 ».

Le R39 c’est l’article R39 du code électoral, il est long alors voilà le lien pour le lire : R39 For Ever

Le remboursement est indépendant de celui du compte de campagne, il se fait aussi sur condition (seuil de 5%, variable, il me semble), mais aussi le fait d’avoir du papier recyclé par exemple.

Cette partie du financement n’est pas contrôlée par la CNCCFP, n’est pas sur le compte de campagne. Il est réglé sur présentation des justificatifs par le ministère de l’Intérieur.

Notez que globalement, les remboursements se font sur le compte personnel du candidat s’il est éligible.

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Vous l’aurez noté, le système est relativement bien cadré, on a plusieurs approches un peu innovantes que l’on a vu ses derniers temps :

  1. Le prêt « citoyen » de EELV. L’idée c’est de dire : faites-nous un prêt, si on est bon, on vous rembourse avec les intérêts dès la fin de la campagne, sinon on vous rembourse sur un échéancier de X années :

La campagne se termine la veille de l’élection. Le dépôt du compte de campagne à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques s’effectue dans les deux mois qui suivent le scrutin. Le remboursement de l’État devrait intervenir au plus tard en décembre 2021. Vous serez remboursé par le/la candidat-e à ce moment-là.
Si toutefois la liste ne devait pas atteindre les 5% nécessaire au remboursement par l’État, le parti Europe Écologie – Les Verts de la région concernée se portent garants de votre remboursement.

=> Perso pas fan de l’idée, on a pas non plus les capacités à gérer un truc comme cela (on a 0 salarié hein).

Pas d’autres pistes la tout de suite en tête.

Mais du coup, on a pas vraiment de souplesse.

La ou il va falloir creuser, c’est sur le R39. En résumé, c’est là ou il y a le moins de règle. Je pense que tout le monde part du principe que c’est soit le parti, soit le candidat qui paie « et voilà ». Je ne sais pas s’il existe d’autres situations/solution sur le sujet.

Une idée serait de monter une association qui pourrait recevoir des dons de partout et par tout le monde, et de financer les bulletins avec cela.

Je pense que cela doit être balisé avec un contact/appel au ministère de l’Intérieur et une confirmation écrite (voir si on n’a pas raté une règle X ou Y).

À noter qu’une question se posera aussi si on atteint le seuil du remboursement (puisque c’est le candidat qui est remboursé). Ce n’est rien d’impossible, juste une question de confiance quoi :stuck_out_tongue:

Attention tout de même a avoir un point d’attention, c’est que la CNCCFP peut nous demander de réintégrer à nos propres comptes ce de cette potentielle association. Il faudrait alors baliser aussi avec la CNCCFP que cela n’est qu’une fusion de la compta mais pas des règles de financement pour ladite association.

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