Bonjour,
Le Parti Pirate dispose d’un point de programme concernant l’énergie, mais il est pour ainsi dire vide.
Dernièrement des discussions ont été entamées sur le discord concernant la projection de la production énergétique française à l’horizon 2050. À juste titre, certains ont fait remarqué que déplacer le sujet ici pour pérenniser les discussion en cours et les débats serait une bonne idée.
Quel futur énergétique pour la France à l’horizon 2050?
Le changement climatique est un des plus grands défis (si ce n’est le plus grand) auquel nous devons faire face. À ce titre la France doit, comme tous les pays, définir ses axes d’action pour le limiter au maximum et assurer un futur vivable pour les générations actuelles et à venir.
Ce post présentera un rapide état des lieux en ce qui concerne la production énergétique française, les différents scénarii envisagés à l’horizon 2050, leurs limites, les possibilités ouvertes à l’heure actuelle en ce qui concerne l’après 2050 sur lesquelles une prise de position rapide doit être actée et quelques conclusions rapides. Les sources seront détaillées en fin de post.
1. État des lieux
À l’heure actuelle, et selon les données disponibles [1], la France possède une production d’énergie parmi les plus décarbonées à l’échelle mondiale sur les dernières années. Certains pics ont dû être absorbés (hiver 2022-2023 par exemple) mais dans l’ensemble la moyenne se situe autours de 45gCO2eq/kWh. Ces bons résultats en terme de production d’énergie s’explique notamment par la part importante du nucléaire, qui représente environ 70% de la production électrique totale de la France. Cependant, l’urgence climatique actuelle impose un changement drastique et rapide des usages de l’énergie, et l’électricité représente moins de 40% de l’énergie finale consommée par les français, largement dominée par la consommation d’énergie fossile (930TWh/an vs 430TWh) [2,3]. Les changements d’usages et l’électrification intensive à venir est d’ores et déjà un défi que la France se doit de relever pour différentes raisons :
- L’adaptation pour lutter contre le changement climatique. Raison plus qu’évidente au vu de l’urgence climatique
- Le besoin de production électrique supplémentaire en vu de l’électrification intensive des usages
- L’indépendance énergétique.
L’ensemble de ces raisons a poussé les différents acteurs de la production et la gestion électrique française à établir différents scenarii envisageables à l’horizon 2050 afin d’aider la prise de décision politique dans le cadre de l’établissement d’une politique publique à long terme de transition énergétique.
2. Les scénarii envisagés et envisageables
Ces différents scenarii ont été établis par RTE [2,3]. Ils agrègent tous le travail au long cours de plusieurs dizaines voire centaines d’équipes scientifique à travers le globe, et nous fournissent des données plus que pertinente dans l’optique d’établir une politique énergétique viable et engagée dans la lutte contre le changement climatique. Cependant, il est également a noté que ces scenarii comprennent un certain nombre d’incertitude, voire manque d’ambition dans la prise en compte de certaines externalités qui pourrait se révéler dommageables à l’avenir.
Les scenarii de production envisagés sont nombreux, et sont tous composés d’une part plus ou moins variable d’ENR et de nucléaire, allant de 100% ENR (M0) à 50% nucléaire 50% ENR (N03) [2,3].
Les scenarii de consommation quant à eux tablent sur plusieurs modification sociétales, notamment sur la structuration industrielle et la consommation énergétique individuelles, avec plusieurs variantes (voir page 16 [2])
Il faut garder à l’esprit que ces scenarii de production et de consommation ne doivent pas être l’unique clef de lecture dans le cadre de l’établissement d’une politique énergétique à long terme. RTE l’a d’ailleurs compris et rappelé dans son rapport. Les besoins techniques d’adaptation réseau, les investissement et retombées économiques, les impacts environnementaux totaux ainsi que les aspects sociétaux doivent être et son pris en compte dans le rapport RTE [2,3].
Je ne détaillerai pas les scenarii ici, le rapport RTE est suffisamment étoffé, complet et facile à lire pour se faire rapidement une idée.
Je vais cependant donner mon avis en ce qui concerne le scénario qui selon moi devrait être retenu.
Scénario N03, 50/50 ENR-Nuke
Ce scénario présente les meilleurs avantages dans tous les domaines ou presque :
- C’est celui qui demande le moins d’investissement financier dans le panel de scenarii proposés par RTE
- C’est celui qui présente les coûts les plus faible de production à l’horizon 2050-2060
- Il présente aussi peu d’incertitude quant aux capacités d’adaptation des technologies et des usages
- Il demande le moins d’investissement dans les flexibilités et la création de capacités de production visant à assurer la sécurité de l’approvisionnement
- Il permet, grâce aux interconnexions européennes, de contribuer à la décarbonation facile de nos pays voisins par l’export de surplus de production
- Il demande le moins d’emprise au sol et le moins de mâts d’éolienne parmi tous les scenarii
- D’un point de vue économique, il assure la position de premier plan de la France dans le secteur de la production énergétique, et permet d’exporter notre savoir faire renouvelé à l’international
- Il génère le moins de flux d’artificialisation des sols par le système électrique entier
- Il génère le moins de besoin de métaux et autre terres rares parmi tous les scénarii
3. Limites
Plusieurs limites sont cependant à noter dans le cadre de ce scenario.
Limite sociétale
Tout d’abord, l’acceptation du grand public en ce qui concerne la construction de nouvelles centrales nucléaire est un vrai défi. Les dernières décennies ont été un véritable champ de bataille pour diaboliser le nucléaire, et le grand public est plus que divisé à son sujet. Il faudra veiller à bien rétablir la sûreté nucléaire dans l’imaginaire collectif.
Limite environnementales
La deuxième grande limite est bien évidemment environnementale, notamment en ce qui concerne la gestion des déchets. Cette limite est d’ailleurs clairement identifiée et il faudra construire de nouveaux espaces de stockage des déchets nucléaires à la CISGEO dans le futur si l’on souhaite conserver cette trajectoire.
Limite méthodologiques et périmétriques
Une des grandes limites que je peux reprocher au travail énorme de RTE en la matière serait la prise en compte de l’impact écosystémique. L’emprise au sol est clairement détaillée mais les impacts sont plus diversifiés que la simple emprise. Les éoliennes offshores ont des impacts sur les fonds marins où elles sont installées, les éolienne onshore ont quant à elle des impacts sur les mouvements des masses d’air et peuvent perturber les écosystèmes locaux notamment d’oiseaux, par la création de turbulences importantes dans les flux d’air [7].
Les centrales solaires de grandes étendues privent l’écosystème au sol de lumière naturelle directe, et les centrales nucléaires artificialisent totalement les emplacements dans lesquels elles sont implantées.
Cette limite n’est pas abordée par le rapport RTE, et je n’ai pour l’instant pas trouvée de source qui permette de chiffrer ou d’estimer ces impacts précis.
4. L’après 2050, un horizon à entrevoir dès à présent
Même si les précédentes informations ont vocation a transformer le paysage électrique français, il faut garder à l’esprit que les recherches en cours, notamment en ce qui concerne la fusion nucléaire ont pour vocation d’être de véritable ruptures en matière de production énergétique après 2050 au mieux. Si ces technologies tiennent toutes leurs promesses, il faut prendre en compte dès maintenant la possibilité de les inclure au réseau électrique de manière aisée. Une bille en plus en faveur du maintien et développement de nouveau nucléaire pour l’horizon 2050.
Plus d’information en ce qui concerne ITER et la fusion : [4-5-6]
5. Conclusions
Le positionnement en matière de production énergétique du Parti Pirate doit être clair et se situer sur les scénarii prévus par le gestionnaire historique du réseau, prenant en compte non seulement les facteurs de production et les différentes sources disponibles et projetées, mais également bon nombre d’externalités telles que les coûts de gestion réseau, la nécessité de flexibilité et les impacts environnementaux et sociétaux qu’impliquent les différents scenarii.
La question est donc :
Compte tenu de toutes les informations disponibles sur le sujet, comment doit se positionner le Parti Pirate en ce qui concerne le futur de la production énergétique française ?
Mon avis penche pour le scénario le plus nucléarisé, permettant une meilleure compétitivité française, une préparation accrues aux potentielles ruptures technologiques et techniques promises par la fusion nucléaire, des coûts d’investissements moindres et des émissions globales moins importantes, en plus de faire disposer à la France d’une source pilotable d’électricité.
6. Sources
[1] electricitymap, Electricity Maps | Live 24/7 CO₂ emissions of electricity consumption
[2] Rapport synthétique RTE,Futurs énérgétiques 2050 - Principaux résultats, https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-12/Futurs-Energetiques-2050-principaux-resultats.pdf
[3] Rapport complet RTE, Futurs énergétiques 2050, https://assets.rte-france.com/prod/2022-06/Futurs%20énergétiques%202050%20_%20rapport%20complet.zip
[4] ITER organization, Après ITER, L'APRÈS-ITER
[5] ITER, Quand ITER sera-t-il opérationnel, Foire aux questions
[6] Orano group, Ce qu’il faut retenir de la fusion, Fission nucléaire et fusion nucléaire - ce qu'il faut retenir | Orano
[7] LPO, Éolienne et biodiversité - Synthèse des connaissances sur les impacts et les moyens de les atténuer, https://eolien-biodiversite.com/IMG/pdf/lpo_oncfs_2019.pdf