Je suis désespéré
Je précise que j’estime parfaitement normal que des fonds publics soient déployés pour la création des jeux vidéo en France. C’est déjà le cas via des systèmes comparables au CNC, c’est pas sans poser plein de soucis concrets quand on y regarde de près, mais sur le fond c’est louable : il s’agit d’une industrie créative, très intéressante à plein de points de vue.
Je précise (même si tout le monde est autorisé à s’en foutre ^^ ) que je suis moi même joueur régulier et que je connais bien le secteur pour y avoir un peu travaillé. Et que je connais plein de gens qui y travaillent.
Bon, mais l’e-sport ?
Que des studios, comme Blizzard, sortent du fric pour faire vivre un circuit professionnel qui est avant tout un argument marketing, c’est leur problème. Mais si une réglementation devait être pensée, elle pourrait l’être en répondant à la question : est il sain de faire croire à des gamins de quinze ans qu’ils pourront passer leur vie à jouer à Hearthstone ou à League of Legend ? Sachant qu’il y a vraiment très très peu d’appelés pour le nombre d’élus.
Parce que pour être joueur pro, faut vraiment passer sa vie à ça. Pas juste 20 ou 25 heures par semaine, comme les gros gamers que je connais et qui ont le temps d’avoir une vie à côté, personnelle et professionnelle.
Même problème que pour le foot, me diriez vous et je suis bien d’accord et globalement opposé également au sport professionnel. Elitiste, gouffre à pognon, opium du peuple, lieu de toutes les malversations et d’une mode de gouvernance complètement opaque : le sport professionnel est à l’opposé des valeurs pirates. On veut vraiment promouvoir son expansion vers d’autres domaines ?
Mais bon, à titre individuel, quand on est pro en foot (je parle pas des milliardaires mais de l’infanterie des deuxièmes divisions), on peut, ensuite, devenir coach, se recycler dans le circuit para éducatif, tout ça… Mais le pro de Counter Strike, quand il a passé son max d’efficacité, vers 21/22 ans et qu’il commence à décliner, il va faire quoi ? Concrètement , j’en conviens, il y a des places dans les studios pour du testing mais là encore, beaucoup d’appelés, peu d’élus. Et nous, notre rôle là dedans, en tant que parti politique, est il de promouvoir ce système ?
L’e-sport, j’insiste, ne profite qu’aux gros studios de jeux vidéo. Seuls les blockbusters de Blizzard ou de Valve peuvent rassembler assez de monde pour faire vivre une scène e-sport. Honnêtement, ce ne sont pas eux qui ont besoin d’argent public.
Reste un dernier point à explorer, potentiellement plus intéressant à mon sens : la dimension spectacle. Si on part du principe que les compétitions de jeux vidéo sont des spectacles, on peut réfléchir dans ce sens là, plutôt que sur le modèle du sport et ça semble plus fertile : on peut très ben imaginer une extension du système de l’intermittence du spectacle aux acteurs du jeu vidéo.
Le paradigme, du coup, changerait complètement : ce n’est plus la performance, l’excellence qui serait valorisée (et une fois de plus, je ne vois pas pourquoi on consacrerait des fonds publics à valoriser la gestion des raccourcis claviers dans Star Craft 2) mais la créativité et la mise en scène d’un spectacle virtuel innovant. Et suivant cette logique, sait-on jamais, le spectacle de jeu vidéo pourrait aussi servir aux petits éditeurs.