Alors on en est là :
Notre ministre de la culture a asséné le fait suivant : « le piratage se fait dans 80 % des cas en streaming ou en téléchargement direct désormais »[1]. En effet, la HADOPI fonctionne sur la base d’un défaut de sécurisation de votre connexion internet et non véritablement sur ce qu’elle est censé faire disparaitre : le piratage des œuvres culturelles de divertissement. Et comme il est plus simple de jouer au chat et à la souris, d’un côté les “pirates” utilisent d’autres méthodes, le ministère de la culture aussi. Toujours le même jeu de dupe, où seuls les intermédiaires se goinfrent.
Le marathonien, le Pony Express, le télégraphe, le téléphone, Internet, que d’évolution façonné par l’être humain pour communiquer des informations, de la science, de la culture. Cassette sous le manteau, CD+R, Warez, FTP, Napster, Bittorrent, DDL, des protocoles d’échanges d’information servent toujours à pallier les attaques des “ayant droits” mais surtout à s’échanger ladite culture parce que la soif de connaissance et d’amusement est difficilement extinguible. Ainsi dans les années 1980, Jack Lang voulait combattre le fléau de la cassette[2], la taxe pour la copie privée était née, elle s’est étendue ensuite pour combattre le CD, puis les supports à MP3 pour récupérer l’argent “perdu” par le “vol” et le “pillage” des œuvres cultu®elles. La HADOPI n’est qu’une des facettes de cette lutte, qui, pour le Parti Pirate, n’a pas de sens.
Le prix d’un bien dans une société capitaliste est associée à deux choses : sa rareté (et donc notamment son coût de fabrication) et le prix que la personne est prête à payer. Et cette rareté dans un monde de plus en plus libéré du travail tant à disparaître, les gens peuvent avoir du temps pour le consacrer à la création et quand ladite création s’émancipe du support physique, le coût de fabrication devient marginale. Et pourtant qui n’a jamais trouvé des eBook en rupture de stock ? Le prix de la culture baisse, et l’offre explose, ne vouloir malgré tout que seule la personne qui a assez d’argent peut accéder à la culture ou donner de son temps de cerveau disponible est soit élitiste, soit la vue moribonde d’un système d’intermédiaire qui essaient de tout faire pour sauvegarder des miettes. D’ailleurs, des auteurs eux-mêmes, une fois acquis l’ensemble des compétences nécessaires pour finaliser une œuvre, mettent à disposition leur travail, gratuitement[3], préférant courir les routes, communiquer directement avec le public, faire du marchandising, … La HADOPI n’existe, en fin de compte, que pour les “ayant droits”, les intermédiaires qui estiment qu’une œuvre piratée est une œuvre qui aurait sinon été achetée, alors même que les études montrent qu’il y a plutôt une corrélation entre le fait d’être un pirate et le fait de “consommer” plus de culture, mais ces études sont cachées[4] parce qu’elles ne vont pas dans la bon sens pour « placer la France aux avant-postes » de la protection des artistes.
Mais cette lutte est vaine
L’échange d’information n’est qu’une histoire de protocole, et ce même avant l’avènement d’internet. Et sur Internet, la seule question est “comment faire passer l’information ?”. Et la réponse est protéiforme s’appuyant notamment, aujourd’hui, sur la résilience du réseau des réseaux. Avec cela vous obtenez des napster, des bittorrent. Le problème est la confidentialité ? Pas de problème, il y a des protocoles pour ça et vous avez alors tous les sites en https, du vpn, tor. Le lieu de résidence du serveur peut poser problème ? Il déménage dans un autre data-centre, c’était une machine virtuelle. Il n’y pas de problème, il n’y a que des solutions pour tous les blocages que peut sortir un gouvernement. C’est juste une lutte à l’armement numérique. Et lutter contre ça, c’est se servir de la culture pour asseoir un pouvoir autoritaire.
Et ?
Comme dit précédemment, la raréfaction de la création culturelle s’évanouit, la liberté de création n’a plus à s’appuyer sur des éditeurs qui vont devoir faire un choix entre ce qui est éditable ou non, ce qui vaut le coût d’un lancement, ce qui pourrait finir en gouffre financier. De même, les coûts de productions diminuent avec la qualité grandissante et la miniaturisation électronique de tous les différents capteurs. Tout cela tend à faire disparaître le système de rémunération actuelle et, de fait, les intermédiaires qui vivent de cela ne peuvent que s’affoler et essaient de faire peur aux artistes en leur disant que sans eux et la protection d’une HADOPI, et de tout l’arsenal de la lutte contre le piratage ils risquent de mourir de faim. Il y a un an, un journal titrait : « Cinéma : affluence record dans les salles obscures européennes »[5], lutte efficace ou simplement inutile ?
Si la vraie question est la rémunération des artistes alors ils existent d’autres solutions. Au choix, vous avez la réponse entrepreneuriale avec le streaming dit légal, avec toutes ces offres qui s’approchent toutes de la licence globale qui serait elle un système plus étatique. Vous avez aussi le revenu de base, qui, s’il est émancipateur, permet de consacrer du temps à la création, quelle qu’elle soit, sans s’inquiéter des lendemains difficiles. Mais soyons sûrs que toutes ces solutions feront disparaître les collecteurs et intermédiaires actuels, à moins qu’ils acceptent, eux aussi, de se mettre à la page.
[1] https://www.numerama.com/politique/346996-hadopi-gouvernement-va-recycler-de-vieilles-idees-lutter-contre-piratage.html
[2] retrouver source
[3] http://www.01net.com/actualites/nine-inch-nails-gratuit-et-en-creative-commons-380243.html
[4] retrouver source
[5] https://www.lesechos.fr/10/02/2017/lesechos.fr/0211791381628_cinema---affluence-record-dans-les-salles-obscures-europeennes.htm