Dans un article publié sur son site Internet le 4 décembre 2020 (https://www.economie.gouv.fr/particuliers/cryptomonnaies-cryptoactifs),
le ministère de l’économie, des finances et de la relance donne une définition des cybermonnaies qui traduit l’approche peu progressiste retenue par la France en la matière :
« Sur le plan juridique, une crypto-monnaie n’est pas une monnaie :
elle ne dépend d’aucune institution, ne bénéficie d’aucun cours légal dans aucun pays ce qui rend l’évaluation de sa valeur difficile et nepeut être épargnée donc constituer une valeur de réserve (…).
Selon l’article L111-1 du Code monétaire et financier (CMF), « la monnaie de la France est l’euro ». C’est donc la seule monnaie ayant cours légal en France. Aussi, si un professionnel peut accepter de se faire payer en crypto-monnaie, rien ne l’empêche non plus de les refuser. »
Il est plaisant de savoir que selon le MINEFI on ne peut donc pas épargner les cybermonnaies… c’est pourtant bien ce que font un certain nombre d’investisseurs. Pour ma part, j’estime qu’une politique publique consistant à nier une réalité rate quelque chose et rejette par avance la possibilité d’agir en la matière, alors que les enjeux financiers sont réels : les encours se chiffraient à plus de 200 milliards de dollars pour le seul Bitcoin en août 2020, et à 44 milliards de dollars pour l’Ethereum à la même date.
De fait, les cybermonnaies ne sont pas reconnues en France comme des instruments financiers, en l’absence de garantie de remboursement.
Pourtant, un cadre juridique existe.
Tout d’abord, une définition figure à l’article L315-1 du Code monétaire et financier. Une monnaie électronique est « une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement définies à l’article L. 133-3 et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique ». Les cybermonnaies (ou monnaies électroniques) font partie de l’ensemble plus large des actifs numériques, définis à l’article L54-10-1 du Code monétaire financier.
Par ailleurs, la loi PACTE de 2019 a créé un régime facultatif pour des levées de fonds, précisé par l’Autorité des marchés financiers (AMF, voir l’article
https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/actualites/vers-un-nouveau-regime-pour-les-crypto-actifs-en-france). Les opérations portent sur ce qui est qualifié de jetons d’ICO ( Initial_Coin Offering), entendus comme des biens numériques non assimilables à des instruments financiers, donnant lieu à un ou plusieurs droits et pouvant être émis, enregistrés, stockés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé (la blockchain). Pour les levées de fonds par émission de jetons ICO, un possible enregistrement auprès de l’AMF est ainsi prévu :
« (…) pour les porteurs de projets qui le souhaitent, la possibilité de soumettre leur document d’information à un visa optionnel délivré par l’Autorité des marchés financiers à la condition qu’ils satisfassent à certaines exigences.
Ces exigences, de nature à assurer une meilleure information et protection des investisseurs, sont les suivantes :
-
l’obligation pour l’émetteur de jetons d’être constitué sous la forme d’une personne morale établie ou immatriculée en France ;
-
la fourniture d’un document d’information destiné à donner toutes les informations pertinentes sur l’offre de jetons, le projet financé et l’entreprise ;
-
la mise en place d’un dispositif permettant le suivi et la sauvegarde des actifs recueillis à l’occasion de l’offre ;
-
le respect des règles en vigueur en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
- Les levées de fonds sans visa de l’AMF resteront légales en France, le visa étant optionnel. Toutefois, les émetteurs qui n’auront pas reçu le visa de l’AMF ne pourront pas démarcher le grand public.*
L’AMF publiera la liste des ICO ayant reçu son visa. »
Ces règles sont en effet de nature à garantir un certaine protection des investisseurs et une transparence lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Ce sont des objectifs auxquels on ne peut que souscrire, et qui dépassent le champ des cryptomonnaies.
Au plan fiscal, une clarification a été opérée depuis le 1er janvier 2019 s’agissant du régime d’imposition à l’impôt sur le revenu : les gains issus de trading entre monnaies électroniques ne sont pas imposables, tout comme les plus-values latentes ; en revanche, les plus-values sont bien imposables pour les gains issus des conversions en monnaie “classique” (euro, dollar…) ou en biens et services (lors d’un achat d’un bien en cybermonnaie, pour la valeur du bien) (Source : https://finance-mag.com/fiscalite-cryptomonnaies-julie-naudin/).
Par ailleurs, à la suite d’un arrêt de 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), les monnaies électroniques sont considérées comme un moyen de paiement et les opérations ne doivent pas être soumises à la TVA. Un certain nombre d’observateurs craignent cependant que les juridictions françaises n’appliquent plus cette mesure (https://www.cryptos-monnaies.fr/imposition-crypto-monnaies-france/#:~:text=Selon%20une%20d%C3%A9cision%20de%20la,taxe%20sur%20la%20valeur%20ajout%C3%A9e ) et une clarification juridique apparaît nécessaire, comme en Allemagne où le principe de non-imposition à la TVA a été clairement posé.
En effet, une comparaison avec le droit en vigueur dans d’autres pays menée par le site Comply Advantage (https://complyadvantage.com/fr/blog/reglementations-en-matiere-de-cryptomonnaie-dans-le-monde-entier/ ) fait ressortir qu’on pourrait envisager un certain nombre d’évolutions autres que fiscales. Ainsi, les cybermonnaies se développent d’autant plus que les échanges en cybermonnaies sont reconnus comme légaux : c’est notamment le cas au Japon, qui est le premier
marché mondial pour le Bitcoin. En contrepartie, un encadrement financier est précisé. La ville suisse de Zoug a été encore plus loin, en permettant depuis 2016 le paiement des impôts locaux en cybermonnaies.