Faut-il supprimer les départements ?

Bonjour,

Le Parti Pirate dispose d’un point de programme pour la suppression des départements. Il me parait un peu léger et date de 2016. Je souhaiterais relancer le débat afin d’améliorer cette proposition. Pour cela, commençons par une petite explication, ou un rappel, de ce qu’est un département.

Comme vous le savez probablement, le territoire français est subdivisé en de nombreuses collectivités territoriales. Elles peuvent être plus ou moins vastes, et surtout, elles peuvent se superposer. Ainsi, la majeure partie du territoire français est recouvert par un peu moins de 35.000 communes, elles-mêmes (à quelques exceptions près) dispatchées dans 101 départements, eux-mêmes inclus dans 18 régions. Pour ne pas que ces différentes strates interfèrent entre elles, des compétences différentes leur sont attribuées. Ainsi, un habitant de la commune de Rennes, dans le département d’Ille-et-Vilaine, en région Bretagne, doit se tourner vers la municipalité (commune) pour l’école maternelle de ses enfants, vers le département pour obtenir un logement social, vers la région pour sa formation professionnelle. Notons que depuis quelques années, les communes ont l’obligation de se regrouper pour former des intercommunalités, afin de mutualiser certaines compétences. Cela crée une strate intermédiaire, entre communes et départements, dont les compétences varient d’une intercommunalité à l’autre.

Ceci étant dit, quand on regarde le détail des compétences des départements, on se dit qu’elles pourraient être transférées à d’autres collectivités territoriales, comme les intercommunalités ou les régions. En fait, c’est déjà le cas dans certains territoires, comme en Guyane ou en Martinique, où la région et le département ne font qu’un. On peut aussi citer la métropole de Lyon, une collectivité territoriale à statut particulier : c’est à la fois une intercommunalité et un département.

Que gagnerait-on et que perdrait-on à supprimer les départements ? Au delà de l’aspect idéologique et la volonté de simplification, projetons-nous dans une France sans département et voyons ce que cela changerait concrètement.

Le premier point qui me vient à l’esprit concerne le plan politique, au sens large. Comme toute collectivité territoriale, les départements sont gouvernés par un groupe de personnes élues au suffrage universel : le conseil départemental. La mise en application des compétences dépend de fait de la couleur politique de ce conseil. Supprimer les départements, c’est donc supprimer le conseil départemental, et donc des élus locaux censés représenter leurs cantons (les subdivisions des départements - encore une - qui servent aux élections départementales). Mais représentent-ils vraiment leurs électeurs et électrices ? Sont-ils plus légitimes que des élus d’intercommunalités ou de région ? La question se pose. Ce qui est sûr, c’est qu’en l’absence de conseil départemental, on se fait l’économie de toute la structure que cela représente : indemnités des élu.e.s, organisation d’élections (même si elles ont lieu en même temps que les régionales, ça représente un coût en campagne électorale, bulletins de vote, etc.)…

Ce débat n’a pas pour but de trouver plein d’arguments pour la suppression des départements. C’est aussi l’occasion de réfléchir précisément aux impacts réels d’un transfert de compétences - et à quelle collectivité - ainsi que de dépasser l’aspect idéologique de la simplification.

Piratement

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Voilà ce que j ai trouvé quand je me posais la question des préfectures et des préfets : https://blogs.mediapart.fr/edition/changer-de-republique/article/040408/pour-une-meilleure-efficacite-de-l-etat-la-fin-de-

C’est vieux mais je crois que pas grand chose n’a vraiment évolué.

Dans tout ces trucs d’organisation d’échelles politiques, il y a des tas de choses à investiguer.
Effectivement, une simplification est nécessaire.
Je ne sais en revanche pas si je commencerais par un calcul pur des pouvoirs et de leur capacité à être absorbés par l’échelle du dessus ou celle du dessous, ou par une autre (peu importe à vrai dire).

Pour ma part, l’urgence de la délégation du pouvoir sur ces échelles se joue un peu sur le même type de problématique que celle des mairies mobiles, qui compose un point de programme chez nous d’ailleurs. Je m’explique…

Par exemple, le fonctionnement en l’état des préfectures et sous-préfectures rend les populations rurales complètement dépendantes à la centralisation urbaine.
Dans la mesure où nous pourrions projeter des services préfectoraux en grande mobilité (Préfecture Mobile), nous pourrions proposer de réorienter les pouvoirs délégués aux échelles départementales, préfectorales, etc etc, à partir des besoins des gens.

Je sais pas vous, mais perso, je pense que la simplification des échelles de gouvernance doit partir des besoins locaux. Et à partir de là proposer une organisation générale moderne et adaptative.

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Personnellement, c’est plutôt les régions que je supprimerai, et ce pour deux raisons.

La première est écologique. Les grandes métropoles ne sont pas adaptées au monde en contraction énergétique qui vient. À l’inverse, une France faite de villes moyennes est beaucoup plus résiliente car cela génère beaucoup moins de flux de marchandises et de personnes si les échanges se font au maximum dans le giron de ladite ville moyenne. Dans cet esprit, les régions ne nous font pas aller dans le bon sens car les capitales régionales grossissent tandis que les plus petites villes de leur régions peinent à rester attractives. Si les régions disparaissent, les chef-lieus de département retrouveront plus d’activité.

La seconde raison est plus idéologique/historique. Je trouve que le découpage des départements correspond mieux à l’idée d’une subdivision territoriale dans sa construction que ne le sont les régions.
En effet, les régions sont découpées en prenant en compte les éléments culturels et historiques de France. Elles sont en fait assez semblables aux provinces de l’Ancien régime qui avaient disparues de la révolution jusqu’à Mitterrand.
À l’inverse, les départements sont découpés de façon à prendre en compte la géographie physique du territoire (appellation par les cours d’eau…) et sont souvent assez bien centrés sur leur chef-lieu. Cela permet à la ville qui sert de chef-lieu d’avoir une influence dans une zone qui a du sens techniquement parlant, c’est-à-dire l’ensemble du territoire qui a cette ville comme chef-lieu le plus proche.

Qu’en pensez-vous ?

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Que justement cet argument est faux. Une grande métropole c’est justement l’optimisation de l’utilisation de l’énergie. Tout comme une grosse centrale est plus efficace qu’un maillage de petites éoliennes intermittentes.

D’ailleurs Internet est une bonne image de l’arbitrage qui a été fait entre résilience et efficacité. Et ça a fini avec les datacenters. Ça n’empêche pas les PRA, mais c’est la gestion des flux et non l’éparpillement qui permet la résilience.

Mais ça n’invalide pas le reste de ton propos … parce qu’une métropole N’est PAS une région.

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Jancovici a très bien expliqué, lors de son dernier live, que cet argument n’est pas si faux que ça : c’est de 01:09:05 à 01:25:00 et quelques.
En gros, il y a optimisation de l’utilisation d’énergie pour le chauffage dans les métropoles (mais ça peut être applicable dans des villes plus petites aussi, pour peu que les gens renoncent à avoir des maisons individuelles), mais pour tout ce qui est logistique pour l’accès à la nourriture, etc, bah les grandes villes, çay le mal.

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Effectivement, cet extrait est très pertinent ! Suite à ses arguements, Jancovici annonce, je cite : « Le meilleur des mondes c’est d’avoir des petites villes partout ». C’est-à-dire exactement mon propos :neutral_face:

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Oui alors Jancovici faut aussi arriver à moyenner ses propos. Suffit de voir sa contre-production sur le domaine du numérique et les consommations farfelus calculés par le Shift Project. Donc tout n’est pas à prendre pour argent content chez lui.

Tout à fait, le tout est d’écouter les arguments, qui me semble pertinents en l’occurrence et dont on peut discuter. Ne nous attardons pas sur le messager, mais plutôt sur le contenu.

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Euh, ok, pas de souci, effectivement, il a un truc contre le numérique. Mais ça n’invalide pas ses propos sur les villes, non ? Il apporte des arguments qui me semblent recevables sur ce point, si tu apportes des contre arguments, pas de soucis, j’écoute :slight_smile:

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Je viens de les apporter sur justement l’analogie sur les réseaux internet et l’efficacité énergétique qui a favoriser les flux et la concentration au détriment de l’éparpillement.

Oui c’est mieux de concentrer. Mais pour les villes, l’optimum est d’avoir beaucoup de petites zones très denses partout sur le territoire.
Cela permet de bénéficier de la concentration en ce qui concerne les besoins énergétiques en chauffage et en déplacement du quotidien pour les personnes mais de se prémunir de la grande quantité d’énergie nécessaire à l’approvisionnement lointain, notamment en denrées. Là où une petite ville a suffisamment peu de bouches à nourrir pour s’approvisionner à courte distance, la grande métropole doit le faire à beaucoup plus grande portée. La somme des distances de transport à faire est donc diminuée dans le cas de la petite ville.

Donc, tu as raison, il vaut mieux concentrer en termes de densité mais pas avoir de zones denses trop grandes, de même que les data centers sont une concentration forte en un point donné, mais sont réparti en peu partout sur le globe pour reprendre ton analogie.

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Un chef-lieu de département n’est pas forcément une ville moyenne. Je pense à Privas, préfecture de l’Ardèche, autour de 8200 habitants dans la ville et 20000 dans l’aire urbaine. Ou Mende, chef-lieu de la Lozère, 12000 habitants dans la ville, 18000 pour l’aire urbaine. Alors qu’on a des villes très peuplées et denses, de plus de 100.000 habitants, qui sont des communes de banlieue : Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), deux fois plus peuplée que le chef-lieu du département Bobigny, Villeurbanne (métropole de Lyon), … Il y a un gros déséquilibre entre les départements. Les gros pôles que sont les métropoles et, dans une moindre mesure, les communautés urbaines, sont indépendants du découpage départemental. Je doute que des chef-lieux de départements comme ceux que j’ai cités fussent plus attractifs que d’autres villes avant la création des régions.

En fait, je ne vois pas le rapport entre ce que vous dites sur les flux d’énergie et les départements.

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Je suis parfaitement d’accord avec ça

Répondre à la vision globale de Wilko par deux contre-exemples parfaits, ça nous montre bien (à mon avis) que le problème est ailleurs que dans le choix de l’echelle à supprimer.

Alors, celles et ceux qui ne veulent pas entendre parler de localisme vont avoir de l’eczema mais c’est potentiellement un bon moyen de résoudre l’équation.

Le maillage administratif pourrait par exemple s’etoffer ou s’alleger en fonction de la densité de population et de la dynamique ?


Pour ce qui est en revanche des arguments écologiques d’une échelle ou d’une autre, je pense qu’on peut conclure qu’il n’y pas vraiment de mieux ou de pire. Soit un part sur une économie d’energie à la production (centralisation) soit un part sur une économie à la consommation (réduction des deplacements). Encore une fois, à mon sens, ça se résout en fonction du local : infrastructure de prod. énergétique, infrastructures autoroutières, climat, relief, besoins de la population, faculté d’autonomies…

Va falloir m’expliquer la compatibilité entre le localisme et une centrale nucléaire

J’ai peur qu’on ait pas la même définition (et je parle pas de centrale nucléaire).

Je ressort un vieux sujet qui a fait l’objet d’une question sur discord. J’en profite, puisque j’ai quelques réflexions sur la question.

Je pense que le sujet mériterait d’être revu en prenant en compte plusieurs aspects, tout d’abord, la fusion des régions qui pose la question de la gestion de thématiques profondément proches du terrain par des acteurs de plus en plus gros, et donc de plus en plus éloignés de ces réalités, les problématiques de budget des communes qui vont de plus en plus aller chercher les départements pour participer au financement d’infrastructures et puis les éléments ajoutés au programme depuis 2016, notamment un point sur le revenu de base qui vient rendre obsolètes un certains nombre de missions des départements.

Quelques éléments de réflexion supplémentaire quand on parle du département, notamment en terme de budget :

En ce que concerne l’action sociale :

https://www.vie-publique.fr/fiches/20135-quel-est-le-role-du-departement-en-matiere-daide-sociale

Les dépenses d’aide sociale représentent 67% du budget de fonctionnement des départements (source : L’aide et l’action sociale en France. Édition 2020 - chiffres portant sur l’année 2018). Elles sont consacrées aux domaines suivants :

  • la lutte contre l’exclusion et la pauvreté, pour un montant de 12 milliards d’euros, principalement dédiés au revenu de solidarité active (RSA) ;
  • l’aide aux personnes âgées, pour un montant de près de 7,7 milliards d’euros, principalement dédiés à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ;
  • l’aide sociale à l’enfance (ASE), pour un montant de 8,3 milliards d’euros ;
  • l’aide aux personnes handicapées, pour un montant de 8,4 milliards d’euros, principalement dédiés à la prestation de compensation du handicap (PCH).

Avec 38,4 milliards d’euros destinés à l’action sociale, les départements attribuent 4,3 millions de prestations d’aide sociale, couvrant ainsi 6,2% de la population française.

En ce qui concerne les autres dépenses

Les dépenses en santé, action sociale représentent en 2021 la part la plus élevée des dépenses de
fonctionnement des départements avec 70,3 % du total contre 64,0 % en 2013. En lien avec les
autres principales compétences assurées par les départements, les autres postes de dépenses par
fonction les plus notables concernent l’enseignement (5,9 % des dépenses de fonctionnement en*2021, soit 3,3 Md€) et les transports, routes et voiries (5,0% des dépenses de fonctionnement, soit
2,9 Md€).

En termes de poids dans le total des dépenses d’investissement, les principales fonctions portent
sur les transports, routes et voiries (35,7 %, soit 4,0 Md€ contre 37,3 % en 2013), et
l’enseignement (22,6 % du total en 2021 et 18,5 % du total en 2013).
Globalement, les départements présentent tous des profils assez proches en termes de dépenses
de fonctionnement par habitant en santé et action sociale en 2021 après une tendance à
l’homogénéisation depuis 2013. Bien que plus volatiles, les dépenses d’investissements par
habitant en transports, routes et voiries des départements tendent aussi à s’homogénéiser après
une hausse des disparités entre 2013 et 2018.

Transports, voiries, bâties ?

On l’oublie en effet, mais le département, bien que dépensant majoritairement son budget dans l’axe de l’action sociale dépense plus de 6 Miliards d’€ annuellement dans des dépenses de fonctionnement, bâti, transports, routes, voiries. Dans le cas où nous réécririons cette motion, il faudrait je pense travailler budget et responsabilités des échelons de manière à ne pas supprimer de nouveau une part de budget pour les petits acteurs des territoires.

(J’ai toujours du mal à comprendre pourquoi une institution comme l’éducation nationale délègue l’entièreté de son fonctionnement (transports, bâtiments) aux échelons territoriaux tout en étant l’unité sensée assurée l’éducation ?? Il y a peut-être une chose qui m’échappe.)

Un article dans Ouest france résume bien cette tendance à aller taper à la porte des départements pour un peu tout et n’importe quoi : La question du jour. Faut-il supprimer les départements ?

image

À mon humble avis, ces missions pourraient être assez facilement réorientées vers soit la commune soit la région.

Ce que changerait un RdB ?

Sur les 70% de budget restant, un revenu de base supprimerait la majeur partie des coûts de gestion liés au RSA qui est aujourd’hui assumé par le département.
Pour aller plus loin sur le RdB :
L’argumentaire : Parti Pirate - Revenu de base - Argumentaire

La fusion avec le RSA (entre autre) : Parti Pirate - Revenu de base - Interaction avec les autres mécanismes sociaux

Le financement : Parti Pirate - Revenu de base : Montant, financement et versement

Le reste

Il s’agit quand même d’un gros paquet qui comprends l’aide aux personnes âgées (APA), l’aide à l’enfance (ASE), l’aide aux personnes en situation de handicapes (PCH).
C’est le point qui me pose le plus de question personnellement, puisque derrière cela se cache tout un tas de chose, notamment entre autre, la gestion des MDPH qui sont par nature départementales, le financement de projets en lien avec le handicap via des CPOM (contrats pluri-annuels d’objectifs et de moyens), notamment dans le cas de projet de foyer d’hébergement pour adultes en situation de handicap (comme c’est le cas pour des travailleurs d’ESAT), les SAVS etc… Ces structures sont souvent regroupées dans de grosses associations membres du réseau des ADAPEI/UNAPEI qui sont de gros acteurs de l’économie sociale et solidaire, avec un fort lien avec les départements, et donc de fait une forte inter-dépendance de ces acteurs.

Conclusion

Ce secteur d’activité qu’est le médoico-social est actuellement en grand crise (notamment des rémunérations mais que) et avoir ce point programme comme ça actuellement me semble trop brute et pourrait repousser des personnes a priori intéressées par le parti !

avec le lien vers la version officielle : Parti Pirate - Suppression de l'échelon du département comme collectivité territoriale

Une réflexion au passage sur l’argument « politique » : limitation du nombre d’élus en cumul des mandats (les conseils départementaux sont souvent aussi conseillers régionaux ou municipaux).

Si l’on transfère des compétences aux intercommunalités, vu le trou noir démocratique qu’ils représentent, il est absolument nécessaire de lier ce point de programme avec celui sur le changement de fonctionnement des conseils municipaux qui doit être un préalable à la suppression des départements (Parti Pirate - Préambule à un changement de fonctionnement des conseils municipaux )
(d’ailleurs il vaudrait mieux appeler ce dernier « Préambule à un changement de fonctionnement du bloc communal »)

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