Enseigner l'esprit critique

Bonjour,

Face à la désinformation qu’il y a sur internet, je pense qu’il est de plus en plus important d’enseigner l’esprit critique aux gens, et que ça devrait être l’objet de cours à l’école. Cependant, j’ai l’impression qu’il n’y a pas de définition claire de ce qu’est l’esprit critique, ce qui est un obstacle si on veut se mettre d’accord sur ce qu’on doit enseigner. Je me propose donc de donner ici une telle définition dans l’espoir que cela permettra d’intégrer l’esprit critique dans le programme scolaire du parti.

Si vous trouvez la définition pertinente, n’hésitez pas à la diffuser.

Je considère l’esprit critique comme un ensemble de compétences. Je pense qu’il est important que tout le monde garde à l’esprit (critique :p) que ce n’est pas quelque chose qui se passe automatiquement, que c’est un procédé actif qui n’est donc efficace que quand il est utilisé.

J’ai pour l’instant identifié trois compétences principales et une compétence secondaire de l’esprit critique, qui sont :

  1. Vérifier les sources (d’où viens l’information, comment a-telle été obtenue, a-t-elle été modifiée par ceux qui nous la présente?).
  2. Chercher les erreurs de raisonnement logique (raisonnements fallacieux).
  3. Éviter les biais cognitifs (expliquer ce que c’est serait long donc laissez-moi vous diriger vers Wikipédia si vous ne savez pas : Biais cognitif — Wikipédia ).

a) Évaluer la qualité des sources.

Je pense qu’il faut envisager de ne pas enseigner la compétence secondaire, car la façon d’évaluer la qualité d’une source est sujet à controverse, notamment en politique ou chez les complotistes. Cela permettrait de répondre à la peur que des personnes puissent influencer quelles sources sont considérées comme étant de qualité, et ainsi d’avoir moins d’opposition à l’ajout dans un programme scolaire.

De plus, je pense que l’apprentissage des biais cognitif et de la façon de les éviter donne les outils nécessaires pour voir les défauts de la plupart des sources, ce qui résulte en un apprentissage indirecte de la compétence.

L’idéal serait d’atteindre un niveau décent dans toute la population, que les gens sachent comment vérifier les sources et connaissent les raisonnement fallacieux et les biais les plus courants.

Merci de m’avoir lu, j’espère que ce sera utile.

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Bonjour,

Je sors du conseil de classe d’un de mes gosses, en 1ère. Durant ces deux années pré-BAC, préparant au fameux « grand oral » de Macron, il est mis un fort accent, trans-disciplines, sur l’analyse critique des documents, qu’ils soient historiques, actuels, écrits, filmés, etc. Alors certes ça ne va pas aussi loin que tes propositions mais c’est juste pour signaler que les bases sont déjà prévues actuellement.

Je vais essayer de trouver des sources qui en parlent mieux que moi.

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Par exemple : Programmes d'enseignement de première générale (réforme du baccalauréat 2021) - data.gouv.fr

Programme d’enseignement scientifique de première générale

PRÉAMBULE
L’ensemble des disciplines scientifiques concourt à la compréhension du monde, de son organisation, de son fonctionnement et des lois qui le régissent. Elles permettent aussi de maîtriser les outils et technologies proprement humains. L’histoire des sciences raconte une aventure de l’esprit humain, lancé dans une exploration du monde (la science pour savoir) et dans une action sur le monde (la science pour faire). […]
Grâce, notamment, à l’approche scientifique, l’être humain dispose des outils intellectuels nécessaires pour devenir un acteur conscient et responsable de la relation au monde et de la transformation des sociétés. L’approche scientifique nourrit le jugement critique et rencontre des préoccupations d’ordre éthique. Ainsi, c’est de façon rationnellement éclairée que chacun doit être en mesure de participer à la prise de décisions, individuelles et collectives, locales ou globales.

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Normalement en France, les enseignants de diverses matières inculquent aux élèves l’esprit critique et ses principes, et je pense qu’on y arrive bien mieux que dans d’autres pays (par exemple, le Japon où j’habite).

Cependant, il existe un enseignement spécifique, délivré par certaines écoles élémentaires, collèges et lycées, sur l’éducation aux médias et à l’information (EMI) portant, entre autres, sur les fondamentaux de l’esprit critique tels que tu les exposes. On peut trouver les programmes ici : L'éducation aux médias et à l'information dans les programmes - CLEMI

Voir aussi la page wiki assez bien fournie Éducation aux médias et à l'information — Wikipédia

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L’esprit critique est mentionné dans les programmes en effet, mais ça reste vague. Je ne suis pas sûr que les professeurs savent ce qu’il faut enseigner concrètement.

Savoir rechercher la source des informations est déjà bien, mais ce n’est qu’une partie du travail.

Combien d’élèves sont-ils capable de dire ce qu’est un biais cognitif, de donner au moins un exemple de biais et d’expliquer comment s’en protéger?

Les biais cognitifs sont des illusions de la pensée, qui ont exactement les même causes que les illusions d’optique (c’est notre cerveau qui utilise des raccourcis pour interpréter les informations qu’il reçoit), et comme les illusions d’optiques il est souvent impossible de s’en défaire, seuls des outils adaptés permettent de détecter et contourner l’illusion; donc même si les élèves ont appris certains de ces outils, ont-ils bien conscience de la raison pour laquelle ils ont besoin de les utiliser? Leur apprendre une compétence ne sert à rien si ils ne l’utilisent pas.

À mon avis, il y a plusieurs sujets différents.
Autant je comprend qu’on puisse apprendre aux gens à comment aller vérifier des sources, c’est à dire donner des méthodes, qui auraient des effets intéressants, notamment dans le rapports aux médias, journaux, dans le rapport à la prise de décision politique également, autant j’ai du mal à voir comment éviter les biais cognitifs.

Par définition un biais cognitif est inconscient et s’applique de manière automatique. On ne peut pas l’empêcher d’avoir lieux, autrement dit, on ne peut pas s’empêcher de penser avec des biais. La seule chose qu’on peut faire, c’est donner des méthodes pour passer de la pensée automatique/intuitive à analytique, mais dans un second temps. Et cela demande bien sûr de l’énergie mentale, que nous n’avons pas quand nous n’avons pas le temps, quand nous sommes stressés, mis en danger.
Le wiki semble pas trop mal sur la question : Atténuation des biais cognitifs — Wikipédia

Autrement dit, je pense qu’on devrait d’abord donner aux gens la possibilité physique (en terme de temps, d’espace) de penser bien, c’est à dire, de manière reposée (point revenu de base), sur des temps dédiés. J’en veux pour preuve, notamment, les résultats de la convention citoyenne pour le climat. Des gens random ont pris des décisions qui correspondaient à peu prêt à la position des experts, simplement parce qu’on leur a donné les moyens de la réflexion. Ils n’ont pas eu de cours sur les biais cognitifs.

Le problème que ça pause également c’est que ça pause le problème au niveau des personnes : vous ne savez pas réfléchir, vous avez des biais, il faut les éliminer, après vous réfléchirez mieux, et la société sera meilleur. Alors que le problème est au niveau du système.

Attention je pars dans les expériences personnelles pour justifier ma pensée (niveau de preuve bas oui d’accord) : je pense qu’on ressent tous intuitivement, plus ou moins bien, quand on se fait rouler dans la farine, par un gouvernement, par un décideur, par un média. Autrement dit, même si des fois on se trompe (complotisme), on est naturellement armé contre les tentatives de domination, il nous faut juste du temps, des moyens et un peu de solidarité pour les combattre.

On met beaucoup de poids sur l’école, il faudrait enseigner ci et ça, et ça commence à faire beaucoup pour moi. À mon avis on peut arriver au même résultat en laissant l’école tranquille et donnant du temps aux gens.

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Personnellement, j’ai toujours pensé que les cours de philosophie devraient commencer dès le collège. Dans une dimension beaucoup plus « analytique » que littéraire.

Et dans ces cours, surtout à un niveau collège, on pourrait justement aborder toutes les erreurs classiques de logique, entre autre. Et donc, développer l’esprit critique.

On peut bien sûr aborder l’esprit critique dans toutes les matières. Mais si on veut vraiment aborder explicitement le sujet, il vaut mieux des cours dédiés, et les profs de philo auraient toute leur place.

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Il y a des outils différents pour chaque biais cognitif, et certains biais peuvent être limités juste en les gardant à l’esprit. Voici quelques exemples :

Les biais liés à un excès de confiance en soi sont grandement mitigés rien qu’en ayant conscience que la confiance en soi peut fausser notre jugement. Garder à l’esprit qu’on peut toujours se tromper est aussi un bon moyen de s’en protéger.

Le biais de confirmation peut être évité ou limité en essayant d’invalider notre hypothèse ou conclusion initiale.

Et la plupart des biais liés au tribalisme, c’est à dire ceux qui nous poussent à voir notre groupe (endogroupe) plutôt positivement et l’autre groupe (exogroupe) plutôt négativement peuvent être neutralisé en comparant comment nos réactions diffèreraient si les deux groupes étaient inversés.

Ces derniers biais sont très important car facilement exploitable, surtout en politique, une bonne partie de la rhétorique anti-immigration repose sur leur utilisation, en particulier le biais d’homogénéité, qui nous pousse à sous-estimer la diversité des exogroupes. Ce biais peut être limité à gardant à l’esprit qu’un exogroupe est probablement aussi diverse que notre propre groupe et que donc toute généralisation envers un groupe est à regarder de près.

C’est juste, mais certains biais sont facilement évitable si on sait à quoi s’attendre, tout en étant facilement exploitables si la cible ne les connait pas.

Le point le plus important je pense est que ces gens n’étaient probablement pas particulièrement investis dans le sujet, ils subissaient donc l’influence de relativement peu de biais.

Ce manque de connaissance du sujet peut être à double tranchant, car des gens qui ont un intérêt à promouvoir une conclusion particulière peuvent exploiter les différents biais, et une fois que les victimes ont été convaincues, leur biais rendront beaucoup plus difficile leur changement d’avis.

Le seul moyen de protéger quelqu’un de ses biais cognitifs sans l’éduquer sur le sujet est, à ma connaissance, de contrôler les informations qu’il reçoit; autrement dit, la censure. Et je ne pense pas qu’une censure systémique soit une bonne idée quand on peut à la place éduquer sur le sujet.

Je doute qu’une telle intuition existe, puisque les intuitions proviennent de l’inconscient, c’est à dire du même endroit que nos biais qui nous induisent si facilement en erreur et sans qu’on ne s’en rende compte.

Et je te conseille d’aller voir la vidéo suivante, c’est en anglais mais des sous-titres français sont disponibles :

TheraminTrees - Bending truth

Pour infos, la croyance aux aliens présentée dans la vidéo est vraiment la croyance d’une secte qui existe (la scientologie), ces méthodes ont donc réellement permis de convaincre des gens que cette histoire est vraie et de leur soutirer de l’argent.

Donc même si on était naturellement armé contre les tentatives de dominations, on connait maintenant des méthodes pour contourner ces défenses naturelles.

Je suis d’accord qu’on enseigne peut-être trop de choses à l’école, mais je pense que l’esprit critique est un ensemble de compétences cruciales qu’il est très important d’enseigner au plus de monde possible, quitte à remplacer quelque chose d’autre.

J’ai donné mon point de vue de psychologue sur ton entreprise. Je n’irais pas plus loin (dans le débat) tant qu’une motion n’aura pas été proposée en ce sens. Je t’invite cependant à intégrer mes remarques à ta réflexion. Bonne chance pour la suite.

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Merci, mais je ne pense pas que tes remarques soient pertinentes, pour les raisons que j’ai données ci-dessus.

Bonne continuation à toi aussi :).

L’enseignement de l’esprit critique est déjà prévu à l’école, de l’élémentaire au lycée: https://eduscol.education.fr/1538/former-l-esprit-critique-des-eleves

Dans les faits c’est encore une toute autre histoire, à base d’absence de formation des enseignants, d’absence d’outils, de supports, de « t’as vu les programmes ont été modifiés, on doit enseigner l’esprit critique »… de manque de temps…

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C’est mieux que rien, mais ça ne m’a pas l’air très clair. Le plus précis que j’ai vu c’est « comprendre comment la connaissance est formée », et une section sur le doute, mais il n’y a aucune mention des biais cognitifs qui sont pourtant un des éléments les plus importants à prendre en compte dans l’esprit critique.

Je pense que si il y avait une définition courte et claire comme celle que je pense avoir donnée, au moins les enseignants pourraient se former tout seul car ils sauraient quoi enseigner.

Je me permet un aparté pour faire la promotion d’un ouvrage passionnant à mes yeux, L’Ironie de l’évolution: L'Ironie de l'évolution , Thomas C. Du... | Editions Seuil

L’ouvrage souligne que nos biais cognitifs sont le produit de notre évolution et qu’en conséquence la difficulté que nous éprouvons à comprendre l’évolution est elle-même un produit de l’évolution.

Par ailleurs, un nom est donné à ce biais très commun qui se trouve notamment derrière le créationnisme, les complotismes ou le freudisme : cette propension que nous avons à croire discerner une volonté occulte là où il n’y en a probablement pas. L’auteur nomme cela « l’illusion d’agent ».

Pour revenir au sujet initial, je crois que l’enseignement devrait s’attacher à produire des « têtes bien faites » et pas seulement des « têtes bien pleines » : apprendre à apprendre, apprendre l’esprit critique, apprendre à désapprendre les croyances qui s’avère erronées…

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Nouvel aparté, ton argumentaire @Bibo me semble être le même que celui de Bertrand Russell dans son Éloge de l’Oisiveté. (In praise of Idleness en V.O.)

J’aime beaucoup Russell et je regrette qu’il ne soit pas plus connu dans le monde francophone. J’aime beaucoup cet auteur, pour son rationalisme, pour sa finesse d’esprit et pour son humour.

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