Documentaire sur le capitalisme

Petit documentaire très intéressant sur l’histoire du capitalisme, qui contrairement à ce que l’on entend partout n’est pas un système issu des structures et rapports naturels entre les individus, mais bien la résultante de rapports de forces politiques et économiques permettant à certaines personnes de dominer d’autres personnes. Avec des intervenants tels que l’anthropologue anarchiste David Graeber messieurs dames.

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Merci pour ce lien @felix.donascimento, j’ai regardé les six et ce balayage des idées économiques a un certain intérêt. Gros soucis tout de même, révélateur et symptomatique: Sur 6 fois 50 minutes de doc intitulés “le capitalisme”, aucune définition proposée du capitalisme! Comme si c’était un concept qui allait de soi! Un unique rappel que, selon Marx, il s’agit “d’une immense accumulation de marchandises”, mais ce n’est pas retenu comme définition pour diriger l’analyse. Le tout reste instructif mais au bout du compte on ne sait pas vraiment de quoi on parle en fait, et donc aucun propos bien clair ne se dégage en dehors de quelques constats parcellaires. Le problème va plus loin, puisqu’il il n’y a pas vraiment de définition claire du capitalisme, alors que cela fait environ 150 ans que ce mot existe. Tantôt c’est “un esprit” (Werner Sombart), tantôt une “dynamique structurelle” (Fernand Braudel), parfois c’est l’ennemi, mais ce peut aussi être une valeur identitaire. La définition de Marx en fait un système de production de marchandises, ni plus ni moins, ce qui s’inscrit contre les idées qui prêtent des intentions au capitalisme, en faisant références à quelques forces occultes et insondables.

Il serait donc instructif de lancer ici un brainstorming: Qu’est-ce que “le capitalisme” pour vous?

J’ai aussi regardé les 6 (et j’ai trouvé ça super instructif, je le conseille vivement à toute personne s’intéressant à l’économie, l’histoire ou la politique) et je pense que l’absence de définition est faite volontairement. En effet, l’absence de définition souligne le fait que le capitalisme est un concept qui évolue et s’adapte au cours du temps, en fonction de l’intérêt des élites politiques et économiques du moment.

Pour le brain storming je proposerait bien comme définition du capitalisme (actuel), "système totalitaire qui tend à supprimer les interactions de nature non-économique des êtres humains entre eux et avec leur environnement "

La définition que tu donnes présente à mon sens l’intérêt de proposer une thèse valable quant aux effets du capitalisme, en l’occurrence la marchandisation des rapports sociaux comme prolongement de ses dynamiques motrices. L’appréciation que tu fais du capitalisme comme “totalitaire” est également fort intéressant dans la mesure où cela se dit d’une idéologie.
Effectivement, après un peu de recherche, il me semble que ce qui complique la discussion au sujet du capitalisme, c’est que cela désigne à la fois un système économique ET une idéologie. L’idéologie est totalitaire effectivement puisqu’elle cherche à englober tout les aspects de la société, mais le système en lui même ne peut pas l’être, il n’a pas d’intention propre.
J’ajoute à tes éléments que Marx, en définissant le capitalisme, définis son principe fondateur ET son projet: Il s’agit d’une “immense accumulation de richesses”, ni plus ni moins…

C’est tout l’intérêt du film que de montrer que le capitalisme “naturel” n’existe pas. Il est directement issu de l’idéologie de ceux qui l’ont mis en place et il la propage, donc on peut dire que c’est un système économique totalitaire. De la même façon qu’on peut dire que le IIIe Reich est un état nazi et totalitaire en tout cas (c’est pas un point Godwin, on parle de totalitarisme :grinning:).

Je pense que les acteurs du capitalisme n’ont pas de volonté mortifére ou destructrice, et que la créature échappe aux créateurs. Le capitalisme est efficient durant les guerres, mais se sont toujours les Humains qui font les guerres.

Alors là je suis pas du tout d’accord.

Les Capitaliste savent les conséquences mortifères de leur système et ils se disent que “c’est pour le plus grand bien”. Si les pauvres meurent de faim, c’est qu’ils sont pas assez performants, trop nombreux ou qu’ils auraient mieux fait d’aller à l’école (en caricaturant un peu) et que ça serait sans doute pire sans l’augmentation de productivité (qui reste à prouver) que provoque le capitalisme. L’inégalité est le projet du capitalisme (comme toutes les idéologies qui proposent une répartition des richesses basée sur le “mérite” et le “succès”).

Le capitalisme n’est pas efficient durant les guerres parce que le “marché libre” n’existe plus. Dans une guerre, c’est l’état qui prend les commandes, qui donne des objectifs de productions et emploie de la main d’œuvre en masse (soldats, infirmier.e.s, médecins, etc.) souvent de force. De plus les travailleurs qui restent sont souvent forcés d’aller travailler dans les usines pour augmenter la production. Les seuls truc du capitalisme qui restent durant une guerre, ce sont le système bancaire et le profit des industriels.
Si l’état est obligé de tout dérégler pendant une guerre, c’est probablement que le service “péter la gueule à ceux d’en face” n’a pas assez d’intérêt pour les consommateurs pour que l’économie le fasse tout seul sans intervention extérieure.

Il est un peu hasardeux de préjuger des idées et des intentions capitalistes, mais il est possible que les acteurs du capitalisme se fondent sur l’idée selon laquelle l’économie est toujours un jeu à somme nulle, que les uns doivent perdre pour que certains gagnent. Le capitalisme a-t-il jamais créé de la valeur, ou s’agit-il toujours d’exploiter les uns pour leur subtiliser la valeur qu’ils créent? L’exploitation est un fait, historique et actuel, mais il n’y a pas encore de réponse prouvée à la question de la création de valeur.

Au niveau des arguments qui justifient une plus grande productivité (en quantité de valeur crée) du système capitaliste (je ne suis pas totalement d’accord avec les arguments avancés) :

  • Empiriquement, on observe que le socialisme ne marche pas et qu’on finit tous au Goulag si on est pas mort de famine avant.

  • La plupart des capitalistes disent que lorsqu’on travaille pour soi on est plus efficace (ce qui peut d’ailleurs faire un bon argument contre le salariat et l’esclavage en général) et que donc toute forme de collectivisation nuit à la productivité.

  • Hayek, un économiste qui a entre autres inspiré Margaret Thatcher, à également théorisé (sans preuve empirique) que les échanges monétaires sur un marché libre étaient le meilleurs moyen de répartir les efforts de production en fonction des besoins des consommateurs. Il a juste omis le fait que les consommateurs ne sont pas omniscients, que les “produits” désirés ne sont pas tous monétisables et que les pouvoirs d’achats sont très inégaux. Selon les partisans de Hayek, toute forme de régulation nuirait au bon fonctionnement de l’offre et de la demande et causerait inévitablement des graves problèmes économiques dont une baisse de la productivité.

  • Le libre échange est un modèle “gratuit”. La “main invisible du marché” gère la production et la distribution sans administration. Pourquoi se payer des fonctionnaires ou des institutions démocratiques alors que l’argent le fait tout seul ?

À coté de ces arguments “capitalistes” on peut aussi avoir des arguments qui expliquent “l’efficacité” du capitalisme plus “anti-capitalistes” :

  • Le capitalisme est plus productif parce qu’il est inefficace. Si on gaspille des ressources il faut produire plus pour compenser

  • Le capitalisme pousse artificiellement à la consommation par diverses méthodes comme la publicité, l’obsolescence programmée et l’incitation aux dépenses ostentatoires. Il faut donc produire plus pour compenser.

  • Le capitalisme force les gens à travailler pour gagner un salaire et survivre ce qui augmente la capacité de production.

  • Le système bancaire en finançant à la fois la production et la consommation avec des intérêts crée une dette qui est structurellement non-remboursable (si toute l’humanité payait ses dettes, mathématiquement il manquerait toujours les intérêts). On a donc une pénurie d’argent qui pousse les gens à s’endetter d’avantage et à être en compétition pour l’argent ce qui crée une dépendance à l’investissement et à la production.

  • De façon Darwinienne, ceux qui créent des entreprises dont la réussite économique n’est pas le principal objectif sont moins compétitifs et finissent par disparaitre.

  • La peur de la misère et du déclassement pousse les gens à travailler coûte que coûte ce qui explique l’existence d’ingénieurs en obsolescence programmée.

  • Les milliardaires sont des junkies accros au profit qui même s’ils ont plus de pognon qu’ils pourront dépenser en une vie continuent à chercher à en gagner sans se soucier des conséquences.

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Quel est ton propos dans tout ça? Tu donnes certains des arguments pour ou contre le capitalisme, mais quoi d’autre comme alternative en somme?
Le socialisme n’est pas définit en fait, et c’est le problème historique des expériences communistes, elle-même déconnecté du travail scientifique de Marx das Le capital. Seul le manifeste a fait les révolutions en fournissant un modèle de société alternatif, un mythe fondateur et un objectif d’avenir. Le “Socialisme” reste à inventer, et il peut même changer de nom tant qu’il s’agisse d’un projet de société viable, pérenne et communément désirable.

Il n’y a pas de propos, juste une liste informative d’argument plus ou moins rationnels et pertinents qui pourraient expliquer pourquoi une personne donnée peu affirmer que le capitalisme est plus productif que n’importe quel autre système. Si tu veut une méta-analyse de ces arguments, on pourrait dire que comme une bonne part de ces arguments provient des capitalistes eux mêmes, cela veut dire que ceux là soutiennent que le capitalisme n’est pas un jeu à somme nulle, mais un bien pour l’humanité. Les autres arguments “anticapitalistes” peuvent suggérer qu’une augmentation de productivité à la sauce capitaliste n’est pas forcement souhaitable pour la société.

Et sinon, comme tu le dit, le socialisme n’as jamais été construits et reste à construire (et je crois pas que ça soit possible en instaurant une dictature du prolétariat, mais c’est un autre débat qui pourrait avoir sa place dans un autre sujet parce que ça s’éloigne du thème du documentaire).

Le mot “socialisme” ne veut plus rien dire du tout pour moi. Comme à peu près tous les termes qui structurent le pseudo débat politique actuel, il a perdu toute signification à force d’avoir été tordu dans tous les sens pendant tout le XXème siècle. Quand on dit que le “socialisme” ça ne marche pas en se référant aux expériences du XXème siècle, cela n’a, en réalité, rien à voir avec ce qu’avait été le socialisme à l’origine qui était tout sauf une doctrine en appelant à l’Etat pour administrer la société. Un autre mot du même tonneau, qui lui aussi ne veut strictement plus rien dire, c’est “démocratie”, etc. Il vaudrait mieux chercher à élaborer un nouveau vocabulaire, sinon on est dans la merde pour penser sérieusement les termes du débat politique.
Le capitalisme, c’est effectivement un autre terme très compliqué à définir. Le plus simple est peut-être de prendre le schéma de Marx: A-M-A+ (Argent-Marchandise-plus d’Argent). Mais effectivement, je suis d’accord pour dire qu’il devient aujourd’hui stricto sensu totalitaire. Cela se voit particulièrement bien sur le plan de la théorie économique standard où on en est à un stade qui est rigoureusement celui où se déploie une idéologie de type totalitaire qui ne peut jamais être démenti par les faits. Comme l’explique bien l’économiste hétérodoxe André Orléan (L’empire de la valeur), quand la théorie est démentie par les faits (comme lors du krach de 2008), ce n’est pas la théorie qui est remise en question mais les faits eux-mêmes. C’est exactement le même processus idéologique qui fonctionnait du temps de l’URSS. Hannah Arendt avait bien montré cela (Les origines du totalitarisme), par exemple sur l’existence du métro: la propagande dit: le communisme a permis de construire quelque chose d’aussi merveilleux que le métro de Moscou. Il en découle que l’existence du métro parisien doit être détruite pour que la réalité s’accorde avec la théorie. Avec la théorie économique standard, on est aujourd’hui rigoureusement dans la même logique.

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