Anticorruption - Le cas des marchés publics

Bonjour à tous, ça fait un sacré temps que je n’ai pas lancé de sujets.
Le dernier truc qui suscite mon intérêt, c’est l’anti-corruption, et notamment le cas des marchés publics. Ce n’est pas pour rien que je m’y intéresse ces derniers temps. C’est un sujet qui est à la frontière de pas mal de défis et d’actualités que sont :

Quelque rapports :


Il me semble que le sujet a aussi le grand intérêt d’être transpartisan puisqu’il peut bénéficier d’un argumentaire pro-démocratie, pro-transparence, de même que d’argumentaires économiques, bonne gestion des finances publiques, suppression des freins à l’innovation (entrave à la libre concurrence, maintien d’un avantage compétitif artificiel). Il bénéficie également d’une image et d’une volonté noble.

Il faut également se rappeler que c’est un thème qui a mené les pirates au pouvoir en république tchèque, facteur à ne pas négliger, quand bien même ils sont à un tout autre niveau : 54ème au classement mondiale.

Enfin, il donne un intérêt quasi systématique à la participation à toutes les élections quelque soit l’échelon. Autrement dit, c’est un thème adaptable, tant au niveau municipal, départemental, régional que national. Il met en jeu le même facteur à tous ces échelons qui est le pouvoir de la finance publique.

L’exemple de la Haute-Saône, dans laquelle je vis depuis peu peut vous donner l’ampleur du phénomène. Ce petit département de 230 000 habitants a un budget de prêt de 300 millions d’euros, je répète 300 millions d’euros (https://www.haute-saone.fr/uploads/Note-explicative-de-synthèse-2.pdf). Comment peut-on maintenant dire que des élections de ce type n’ont pas d’enjeux ? Elles donnent un pouvoir monétaire et d’investissement gigantesque en comparaison de leur médiatisation et de l’intérêt a priori faible qu’on pourrait leur porter. 300 millions d’euros c’est l’occasion de faire des choix sociaux, des choix d’aménagement du territoire, des choix culturels et associatifs (il y a bien sûr des obligations structurelles, comme l’entretien des réseaux de distribution d’eaux ou celui des routes, quoi que ça se discute non ? des routes pour qui ? les camions et les voitures ? les vélos ?).

Mais c’est aussi avoir le choix de favoriser une entreprise plutôt qu’une autre, de biaiser la concurrence. Et faire ces choix là c’est augmenter le coût de l’investissement de 10 à 30%. J’ai été voir sur la page de la Haute-Saône si je pouvais trouver des informations sur la manière dont sont gérés ces marchés publics : https://www.achatpublic.com/sdm/ent/essentialData/searchDE.do?action=searchDE&page=0&siret=22700001500015

Les informations sont … limitées, on ne connaît pas les critères d’attributions, combien d’entreprises ont répondu aux appels d’offres, on ne connaît que le montant et le numéro SIRET de l’entreprise bénéficiaire. Vous voyez le soucis ?

Ça fait parti des thématiques qui m’animent et qui me motiveraient à lancer un truc pour les régionales (bon faut que je me tape le site de la région maintenant), mais pour ça, il nous faudrait soit un point programme engageant les élus pirates à mettre en place + de transparence (laquelle ?) quand à l’attribution de ces marchés, soit un truc qui propose de changer des lois (mais ça risque d’être un poil compliqué, je ne connais pas grand monde prêt à aller mettre son nez dans des trucs aussi techniques).

Qu’en pensez-vous ?

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Sujet super intéressant en effet ! Cela m’a donné envie de creuser pour mon département (le Morbihan) et passé la page des marchés publics (https://www.morbihan.fr/marches-publics/) je me vois contraint d’aller sur la salle des marchés publics de Emegalis où je ne trouve pas ce que je cherche …

Donc pas d’archives des marchés publics passés et un site emegalis où il est compliqué d’avoir un accès aux données (enfin dans un premier temps) …

La transparence me semble être un bon point d’entrée pour les débats pour les départementales en tout cas

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Tiens j’ai entendu passe une émission sur le sujet. Mais oui la transparence serait déjà un bon point d’entrée .

Coucou.

Alors comme j’ai déjà participé (un peu) au remplissage d’appel d’offres il y a quelques années, je vais vous dire ce que j’en sais et comment cela fonctionne, coté entreprise et petites institutions (de la mairie au niveau départemental pour ma part, jamais vu des appels d’offres plus hauts), histoire de vous éclairé sur le coté pratico-pratique de la chose.

On commence par le début, la rédaction de l’appel d’offres.

Un appel d’offres, c’est un truc qui est pas toujours super formalisé. J’ai déjà vu un appel d’offres de plusieurs dizaines de milliers d’euros tenir sur quatre lignes par exemple (je veux 8 photocopieurs, merci).

Mais pour prendre le cas général, tu as quand même une approche globalement similaire :

L’administration concernée écrit un cahier des charges des besoins. L’administration générale standardise le document en mode « appel d’offres » et pose la demande.

La rédaction du cahier des charges est une définition des besoins. Et la on rentre déjà dans un premier problème : Rédiger un cahier des charges, c’est un métier, ce n’est pas simple. Il arrive donc que l’on demande à des consultants externes de l’aide (au mieux) ou au prestataire qui a gagné le précédent appel d’offres (au pire).

La doctrine veut que si en tant qu’entreprise tu rédiges le cahier des charges, tu ne postules pas à l’appel d’offres. Mais bon, cela veut dire le faire officiellement, ce qui est rarement le cas.

Quel impact a ce niveau ?

Et bien avec cette approche, on peut se réserver un marché par des contraintes techniques. Un petit exemple, les photocopieurs que vous utilisez dans vos bureaux on une vitesse qui tourne entre 25 et 120 pages minutes. Donc quand vous rédigez votre appel d’offres, vous indiquez vouloir un multifonction 30 pages minutes ici et 50 pages minutes la.
Je suis votre fournisseur actuel, je vais vous dire : « Moi, mes photocopieurs vont a 26 pages minutes et 51 pages minutes, donc demandez cela ! ».
Du coup si je suis un concurrent, je vais devoir proposer une machine 30 pages minutes et 55 pages minutes (donc plus chère) et je vais perdre l’appel d’offres.
À noter que si c’est trop flagrant (comme ce cas-là) il est possible de contester voir d’annuler l’appel d’offres, ou, plus probablement, de pouvoir proposer suite à un échange des photocopieurs correspondant à l’idée du marché.

=> Pendant la rédaction, le risque c’est la manipulation de l’appel d’offres, il faudrait donc rendre obligatoire la déclaration du ou des entreprises ayant participer à sa rédaction.

Une fois l’appel d’offres déposé

On peut à ce moment-là échanger, en tant que fournisseur, avec le déposant. L’ensemble des échanges se font par la plateforme jusqu’à 48H avant le dépôt en général, tous les échanges sont rendus publics (mais anonymiser, histoire de ne pas connaitre les autres concurrents).

Cette approche est globalement propre, on est sur des principes de libre concurrence de base, j’ai toujours eu l’impression que c’était propre. Par exemple, lors d’appel d’offres, quand je passais un coup de téléphone au lieu d’envoyer un mail, soit on me redirigeait vers la plateforme de mail, soit on me répondait en transcrivant cette réponse par écrit. Jamais vu de raté.

Le dépôt - Ouverture - Résultat

Le dépôt doit se faire avant une heure précise, que ce soit en ligne ou en format papier. Le respect strict des dépôts a toujours été appliqué (l’administration française :wink: ).

Les plis sont ouverts en même temps, par le service administratif qui vérifie d’abord si l’ensemble des formulaires déclaratifs demandé est présent (ses formulaires permettent de savoir qui dépose et s’il propose les garanties financières et professionnelles nécessaires au marché. Un fournisseur en redressement judiciaire avec un CA de un million d’euros sera écarté d’office d’un appel d’offres sur 3 ans de 50 millions d’euros.

Il faut aussi préciser si une partie du contrat sera sous traité et laquelle. Il n’est donc pas possible d’avoir une surprise de ce côté-là. La sous-traitante peut être refusée dans un appel d’offres.

Ensuite les appels d’offres sont évalués sur la base de critère défini par avance et inscrit dans l’appel d’offres. Les critères peuvent être plus ou moins détaillés, cela va de :

Critère Valeur
technique 25 %
Prix 75 %

à cela :

Critère Valeur
Technique Section 1 10 %
Technique Section 2 25 %
Technique Section 3 12.5 %
Prix 1 10 %
Prix 2 25 %
Prix 3 12.5 %
Qualité de l’appel d’offres 5 %

Je ne suis pas assez expert pour savoir si ce genre de chose devrait être plus détaillé ou pas, dans certains appels d’offres on explique clairement ce qui est impératif (ce qui, si on ne répond pas, vaudra une note technique de 0) des options (ce qui permettra d’atteindre la meilleure note), mais cela reste le plus flou.
Concernant le prix, l’évaluation semble plus évidente.

Transparence une fois le choix fait

Pour le fournisseur, la réponse arrive par mail : AO gagné ou pas. Si l’AO est perdant, il est possible de demander le tableau des résultats (les notes du gagnant, nos notes et notre place). Les résultats nous sont envoyés avec plus ou moins de réticence.

=> Pour ma part, le vainqueur ainsi que les résultats des évaluations devraient être publics, sans forcément connaitre les fournisseurs perdants (sauf pour le fournisseur lui-même en ce qui le concerne).

Voilà pour ce que je connais des Appels d’offres donc :wink:

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Tu le connais bien, et je connais le même. La seule chose qui manque ce sont les montants seuils qui demandent un appel d’offre.