Aussi à court terme, comme à long terme je soutiens le projet Tor. Je suis opposé à la criminalisation de cet outil chez nous.
Moi aussi, au moins parce que la consultation de contenu sur le web devrait toujours pouvoir être réalisée de façon complètement anonyme (utilisation de Tor ou pas).
Ma position ne concerne que la création de contenu, et se limite aussi à la France.
Si on n’a pas de critère objectif, ça revient à laisser l’auteur choisir, et donc faire de l’anonymat / pseudonymat un droit général.
Ce n’est pas à l’auteur de choisir.
En France, le pseudonymat est la règle (sauf volonté de publicité), et l’anonymat est rendu presque impossible par le décret n° 2011-219 du 25 février 2011 relatif à la conservation des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne. Toutes les données de connexion, y compris les données personnelles, doivent être stockées pendant un an. Ces données sont communicables non seulement aux autorités judiciaires mais également à certaines administrations.
De mon point de vue, c’est excessif, et je vais même plus loin que mon précédent message : seuls les contenus susceptibles de contrevenir à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (cf. principalement son article 24 ci-dessous) devraient faire l’objet d’une conservation des données sur cette durée.
L’hébergeur, ou le “responsable de traitement”, me semble en mesure d’agir rapidement (en quelques jours) sur cette base, en anonymisant le contenu ne posant pas de problème, de sa propre initiative ou en l’absence de signalement par d’autres utilisateurs.
Sans compter que même celui qui fait quelque chose d’illégal a le droit de ne pas subir de harcèlement ou de violence physique en retour, donc a motif potentiel à ne pas être affiché.
“L’affichage” a justement pour but de dissuader le harcèlement et s’appliquerait aussi bien au harceleur qu’au harceleur du harceleur. Dans la “vraie vie” (désolé d’utiliser ce poncif), c’est tout de même ce principe qui régule nos interactions sociales, à un niveau infra-judiciaire.
Le billet ci-dessous m’avait marqué : où, ailleurs que sur Twitter, un agrégé de lettres anciennes se permettrait-il de dire d’une prof “Cette salope qui se fout des profs qui bossent, mais quand est-ce qu’on la gode au fer rouge ?”.
La prof en question raconte comment, au bout de 3 ans de procédure judiciaire, sa plainte s’est soldée par une absence de toute condamnation (“le tweet n’était pas assez précis” semble-t-il, et elle avait eu le malheur d’écrire un bouquin relatant sa mésaventure).
Après, comme dans la vraie vie aussi, cet “affichage” ne devrait pas être à durée illimitée et mis en pâture à la planète entière : pourquoi ne pas envisager un affichage limité à quelques jours et seulement aux participants d’une discussion, ou même à la seule personne mise en cause ?
Au risque d’être manichéen, beaucoup de gens seront d’accord avec toi pour dire : Il faut conserver l’anonymat pour les gentils et l’interdire aux méchants.
Je crois au contraire que ce qui est manichéen, c’est de dire l’anonymat (ou le pseudonymat) c’est bien, et pas d’anonymat (ou de pseudonymat), c’est pas bien. Comme dans beaucoup de domaines, j’ai envie de répondre : ça dépend, c’est plus compliqué que ça.
Le fait que les éditorialistes, journalistes, politiques et autres personnalités médiatiques soient globalement pour l’identification n’est pas un hasard. Ils se rangent quasi tous dans la catégorie des forts pour qui leur identité est un facteur de protection plutôt que de risque.
Tu fais peut-être référence aux multiples journalistes, femmes ou hommes politiques, écrivains, avocats, humoristes sous protection policière permanente en raison des risques d’attaques pesant sur eux ?
Désolé, mais tous ces gens, quel que soit leur bord politique, leur notoriété, ont ma plus profonde admiration.
Porter une parole publiquement est pour moi le plus bel acte de courage qui soit (… bon allez, un des plus beaux).
PS : en tout cas, même un mois après, merci à vous d’avoir poursuivi la conversation.
Article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (modifié à moult reprises depuis) :
Seront punis de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n’aurait pas été suivie d’effet, à commettre l’une des infractions suivantes :
1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;
2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal.
Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l’un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal, seront punis des mêmes peines.
Seront punis de la même peine ceux qui, par l’un des moyens énoncés en l’article 23, auront fait l’apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi, y compris si ces crimes n’ont pas donné lieu à la condamnation de leurs auteurs.
[…]
Ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.
Seront punis des peines prévues à l’alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap ou auront provoqué, à l’égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.
En cas de condamnation pour l’un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le tribunal pourra en outre ordonner :
1° Sauf lorsque la responsabilité de l’auteur de l’infraction est retenue sur le fondement de l’article 42 et du premier alinéa de l’article 43 de la présente loi ou des trois premiers alinéas de l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, la privation des droits énumérés aux 2° et 3° de l’article 131-26 du code pénal pour une durée de cinq ans au plus ;
2° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal.