De ce que j’en sais, je ne connais personne qui arrive à vivre avec un RSA, soit la moitié du seuil de pauvreté. Je veux dire à vivre, pas à survivre en ne vivant que d’une vie purement métabolique et à peine métabolique. Un revenu un minimum décent devrait être un droit aussi élémentaire que l’accès à la santé ; c’est un outil d’émancipation individuelle qui permet de libérer les talents, et qui atténue légèrement la reproduction du capital social (corrélation inter-générationnelle aujourd’hui : 77%) et permet aussi de valoriser le travail exercé en dehors du PIB. (Oserais-je rappeler que tondre la pelouse compte dans le PIB quand on recrute quelqu’un pour le faire mais pas quand on le fait alors que c’est exactement la même chose ? Un revenu de base valorise ces activités qui sont du travail (travail associatif par exemple, ou encore mon propre travail d’orchestrateur, suffisamment qualifié pour que des professionnels viennent régulièrement me demander conseil, alors que c’est un travail que je fais en dilettante). Qui sont du travail, du travail utile même, mais qui ne sont pas forcément rentables ou le choix des investisseurs.
Enfin, pour sortir du cliché anthropologique que je crois lire entre les lignes (contrepartie ? seriously ?) : les gens ont besoin d’une raison d’être, de se donner un sens, une dimension de projet, raison pour laquelle 80% des gagnants du LOTO gardent leur emploi. 86% des inscrits Pôle Emploi cherchent activement un emploi. Moins de 1% des inscrits CAF fraudent mais 30% des gens qui y ont le droit ne font même pas valoir leurs droits (craintes fondées sur la complexité bureaucratique et le risque d’avoir un trop-perçu, craintes fondées d’ailleurs : une fois j’ai passé un an à rembourser 3 000 euros à la CAF, me saignant pour ça, parce que je n’avais pas compris qu’ils avaient une case administrative “concubinage” qui n’existe d’ailleurs que chez eux mais pas aux impôts).
Les expériences de revenu de base menées à Londres en 2009 puis au Sierra Leone ainsi que celles historiques menées au Canada puis dans l’Utah dans les années 60 sont aussi précieuses pour se rendre compte que ça diminuait drastiquement les dépenses d’assistance sociale et maintien de l’ordre et au final coûtait moins cher, y compris quand (Sierra Leone) les récipiendaires étaient des drogués. La seule raison pour laquelle Nixon (!) avait renoncé au revenu de base c’est qu’il y avait peut-être une corrélation avec les divorces, je rappelle. En ce sens, Nixon était plus progressiste que le gros de la classe politique actuelle. On est dans une vaste régression idéologique.
Enfin, le scarcity effect (Costello, 1993) explique pourquoi plus on est pauvre plus on tend à manquer d’intelligence dans nos choix. Ne m’en voulez donc pas si je m’enflamme, puisque je suis pauvre, que j’ai eu faim parfois (quand il fallait rembourser la CAF), exerçant pourtant un métier niveau bac+5, un autre qui n’a rien à voir niveau bac+3, et enfin, les autres activités qui n’ont encore rien à voir, qui sont qualifiées, et que je mets sous licence libre. Ce genre de situation socioprofessionnelle ne devrait pas exister.
Ça me prend aux tripes de parler de ce sujet, ayant vraiment cumulé trop de souffrances personnelles liées à mon niveau de vie. Je vais arrêter de participer à cette discussion, qui me fait vraiment mal en fait (ce n’est la faute de personne : aucune insulte, aucune attaque à signaler, juste un propos qui m’a un peu trop rappelé mon histoire personnelle), et vous prie de m’en excuser.