La PAC et l'avenir de la PAC

Je me suis penché sur la PAC ces derniers temps.
C’est un très gros sujet et je ne pense pas avoir fait le tour mais j’ai compris trois points majeurs :

  • la PAC est en cours de réforme
  • la PAC actuelle souffre de nombreux défauts d’orientations et doit rectifier le tir
  • la PAC doit s’engager sur un plan de 10ans, jusqu’à 2030

Je fais un petit point route du fonctionnement de la PAC, et ensuite je pose les potentielles grandes lignes d’un groupe de motions orientées vers une réforme pirate de la PAC.


SYNTHÈSE RAPIDE DU FONCTIONNEMENT DE LA PAC

La PAC est en place depuis 1962. Son objectif à l’époque était de développer la production agricole afin de nourrir les européens (sortie de la WWII, etc). Elle est à ce jour le projet le plus abouti de l’UE en terme de fonctionnement, et de « résultat » : c’est en tout cas celle qui est le plus décidée de manière commune par les membres de l’UE.
Elle représente d’ailleurs 40% du budget total de l’UE, ce qui est clairement colossal.
Depuis sa création, elle a évidemment subit de très nombreuses réformes, notamment pour des mises en conformité avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce. la prochaine réforme doit entrer en vigueur courant 2021.

FONCTIONNEMENT :

La PAC repose sur 3 piliers fonctionnels :

  • LES AIDES DIRECTES : elles concentrent 70% du budget total de la PAC et sont destinées aux agriculteurs et agricultrices, comme une sorte de revenu de base sans lien avec ce qui est produit, mais proportionnel à la surface exploitée et au potentiel de productivité.
  • LE DÉVELOPPEMENT RURAL : c’est un cofinancement entre l’UE et des instances nationales / locales, pour apporter un complément aux agriculteurs et agricultrices qui sont dans des zones géographiques sources de désavantage compétitif, ou bien qui seraient en démarrage d’activité. On a aussi une partie de ce budget alloué à l’accompagnement des fermes vers plus de compétitivité et de prise en compte de l’environnement.
  • L’ORGANISATION COMMUNE DES MARCHES : en cas de crise, c’est un organe qui permet à l’UE d’intervenir sur les marchés de produits agricoles. C’est également un organe qui accompagne la structuration des filières, et qui régule l’import/export. Aucune aide touchée par les agriculteurs et agricultrices en provenance de ce troisième et dernier pilier.

En France, le relai de la PAC est bien entendu ministériel, bien qu’une partie des décisions puissent également émaner directement des régions (sur le second pilier, le Dev Rural).
Nous sommes l’état membre de l’UE qui reçoit le plus d’aides, avec 9 Milliards d’€ /an. Et il convient de clarifier que pour le coup, ce n’est pas l’Etat qui reçoit les aides, mais bien les agriculteurs et agricultrices (et quelques autres organismes, mais dans une bien moindre mesure).


DE LA VISION PIRATE DE LA PAC :

Rentrons donc dans le vif du sujet. On va avoir besoin de discuter de cela.
La Politique Agricole Commune est la mise en commun par les états membres de l’Union Européenne de leurs savoir-faire et de le force de production agricoles avec pour objectif premiers de nourrir les citoyens européens. A ce titre, elle est un accord commun, évolutif et sensible à son époque et aux autres éléments de société, orienté naturellement vers la souveraineté alimentaire.
Il y a du commun, de l’universalisme, du droit de l’humain, de la coopération, du partage et de la résilience dans l’ADN de la PAC, et je trouve qu’à ce titre c’est un sujet hyper intéressant à aborder avec la perspective du Code des Pirates.

Les défauts majeurs de la PAC semblent être son orientation industrielle actuelle, qui nuit aux agriculteurs et agricultrices, aux territoires et à l’environnement, ainsi qu’aux produits : accords de libre-échange en tout genre, indemnités versées à la surface plutôt qu’à l’actif, on est sur un marché extrêmement violent, avec énormément de prédation.

Pour ma part, je dirais que l’agriculture, c’est le début de l’alimentation, et que se nourrir, c’est comme se soigner, on ne devrait pas voir un marché violent s’installer dans ces endroits là de la société.

Et si nous devions penser une réforme de la PAC, alors pourquoi ne pas la réorienter vers ses objectifs initiaux, en insufflant à nouveau un peu de commun dans sa structuration ?

LES ENJEUX DE LA PAC DE DEMAIN

LA PAC ET LA DÉMOCRATIE

La PAC porte bien son nom : c’est avant tout une Politique. Elle ne devrait pas déroger à la règle de se vouloir le plus démocratique possible, en étant l’outil de celles et ceux qui produisent et qui consomment.
A ce titre, nous pourrions imaginer des réformes pour :

  • structurer sa gouvernance autour des citoyens, ceux qui produisent et ceux qui consomment pour créer une démocratie alimentaire à horizon 2030 (en s’appuyant sur les Régions par exemple)
  • transparence totale sur les décisions prises à propos de la définition ou de la mise en œuvre de la PAC
  • orienter les aides directes non pas à la surface mais à la force de travail active (avec un maximum de salariés par chef d’exploitation, pour encourager à la fois l’emploi et les petites exploitations)
  • n’octroyer les aides directes qu’aux travailleurs agricoles (limitant la spéculation des grands propriétaires terriens et des sociétés d’investissements)
  • fondre la PAC dans le reste des décisions de société (en la liant plus profondément à la santé et l’éducation par exemple, pour rendre son statut d’intérêt général plus préhensible)
  • création d’un Fond de Mutualisation Européen Agricole, géré par l’UE et cofinancé par tous les acteurs des filières agricoles, favorisant l’autonomie de l’Agriculture Européenne en terme d’assurance

LA PAC ET LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE MONDIALE

Recentrer la PAC sur son objectif initial est important pour deux raisons. D’abord, protéger les productions locales et les producteurs européens, tout en garantissant des aliments de bonne qualité aux consommateurs dans l’UE. Ensuite, limiter la prédation de l’UE sur d’autres continents, en limitant les aides à la production de produits exportés qui vont aller se mettre en concurrence déloyale (avec des effets très négatifs sur les paysanneries des pays du Sud).
Nous pourrions donc réfléchir sur les points suivants :

  • dans les aides directes, orientation d’un budget incitatif vers la production des denrées saines aujourd’hui déficitaires (par exemple : légumineuses, fruits frais, légumes frais)
  • création de barême(s) d’accès aux aides avec des objectifs intégrant l’équilibre nutritionnel et le goût des aliments produits (cahiers des charges)
  • éligibilité des PAT (Projets Alimentaires Territoriaux, qui s’appuient sur un diagnostic territorial des besoins alimentaires) aux aides de la PAC, pour accélérer leur développement et répondre aux besoins locaux avec fluidité et efficacité
  • structuration des filières territorialisées, avec des aides à l’autonomie alimentaire des collectivités (par exemple sur la restauration collective municipale)
  • renoncement à la ratification de tout accord de libre-échange
  • remboursement des aides de la PAC percues dans l’UE pour des matières agricoles exportées hors UE (lorsqu’on produit pour exporter hors UE, on rembourse ses aides touchées)

LA PAC ET L’ENVIRONNEMENT :

Pour fermement inscrire la PAC dans l’idée d’une société qui comprends pourquoi et comment elle produit des choses, il est nécessaire de la rendre cohérente vis à vis des enjeux environnementaux nationaux, européens et mondiaux. Les aides versées par la PAC doivent donc avoir en elles des objectifs équilibrés autour de l’environnement, de l’humain, et des animaux agricoles. Un vrai triangle vertueux à assainir, dynamiser et pérenniser, avec quelques idées :

  • valoriser les mesures des agriculteurs et agricultrices à effets positifs sur la biodiversité, les sols, l’eau, l’air (par exemple : des primes pour « services environnementaux » à définir)
  • nouvelle conditionnalité des primes, comprenant le bien-être animal, la cohérence agro-environnementale des fermes ainsi que les conditions de travail des salariés agricoles.
  • inciter à la diversification et l’autonomie (notamment par l’échange / coopération p2p de semences, savoir-faire, employés) des exploitations agricoles pour augmenter leur capacité de résilience
  • inciter à la gestion en amont des risques sanitaires

Voilà, en quelques points, les grandes lignes de ce sur quoi on pourrait bosser à propos de la PAC.
La Politique Agricole Commune structure énormément la façon dont notre agriculture nationale fonctionne. Je pense que commencer ici c’est se garantir de passer par la bonne porte d’entrée, et bien cadrer ce que nous serons amener à proposer à une échelle plus nationale. :slight_smile:

Bonne lecture ! :slight_smile:


sources :
Guide de la Pac - pouruneautrepac.eu
La PAAC post 2020 - pouruneautrepac.eu
Vers la PAC de l’après 2020 - europarl.europa.eu
Pour une PAC post-2020 - confédération paysanne
Propositions et Réactions pour la future PAC - supagro.fr
Pour une réforme en profondeur… - agriculture-strategies.eu
PAC 2020, une réponse au défi européen - agridees.com
et le site imPACtons - debatpublic.fr

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Pour info, j’ai lancé la traduction de ce post sur ce pad : https://cryptpad.fr/pad/#/2/pad/edit/WFl7HqGlyYb6KusDZxiKvB3G/

l’objectif est de le transmettre ensuite aux autres membres du PPEU.
Si quelqu’un veut aider à l’avancement de cette traduction, ou trouver des sources anglophones, ce serait trop chouette !

Mercé !

J’ai commencé le premier paragraphe.
Je vais tenté de continuer un peu encore.

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JE me permet un petit post ici suite à une discussion sur Discord, sur le thème d’un outil possible dans la PAC, les quotas.

L’exemple qui a été souvent mis en avant c’est les quotas laitiers, voir ici un petit résumé (merci @Macavity ) :

Cet outil permet, s’il est bien utilisé, une augmentation de la qualité du produit et donc du prix payé à l’agriculteur. Il n’est pas parfait mais n’est pas a ignorer sur le sujet :slight_smile:

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(pour un gain de temps en traduction deepl est très bien, il suffit ensuite de relire et de corriger deux trois mots)

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(désolé pour le hors sujet, mais je valide a mort Deepl, vraiment un truc magique :wink: )

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Fini 50% de la trad.

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Merci !
Tu utilises deepl du coup ?

Non je suis resté sur le cryptopad, mais j’ai jeté un coup d’oeil a deepl :
En effet c’est pas mal. Il faut relire et corriger certaines expressions idiomatiques mais ça fait pas mal le taf.
Le gros avantage pour moi c’est les 2 textes l’un à côté de l’autre.

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Terminé.
https://cryptpad.fr/pad/#/3/pad/edit/ff2e5922cb9b30ffa185ccf95f9dd9d6/
:kissing_heart: :kiss:

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Ca devrait devenir un point de programme ou article de blog (ou les 2) non du coup ?

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Je pense que ça devrait faire l’objet de plusieurs points de programme.
Il y a un travail de fond à faire, tout de même.

Il y a au minimum 3 axes programmatiques, qui correspondent aux titres la Pac et la Démocratie, la Pac et la Souveraineté Alimentaire Mondiale, et la Pac et l’Environnement.
Je pense que chacun de ces axes pourrait faire l’objet de plusieurs points de programme.

et je pense que les listes comme ci dessous seront amenées à être modifiées / complétées.

Comme déjà mentionné sur Discord, j’ai eu un petit retour sur les NiN:

C’est très bien documenté. Le grand problème c’est que ces champs sont des grands espaces désert de monoculture sans haie sans arbre avec un sol sans vie et donc quand une maladie ou un nuisible s’installe, il n’y a pas de régulation naturelle par des insectes auxiliaires car ils n’existent plus… il faut remettre de la biodiversité partout: plusieurs cultures, plusieurs variété de betteraves, des haies… Il y a du boulot !

Je pense ça se cale sur la partie PAC et environement.

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Pour avoir une vision d’ensemble, je pense qu’il faut parler de ce que verse la France à l’UE.

Aurais-tu quelques sources pour étayer ce propos?
Je pense que c’est l’un des points les plus importants, et qu’il faut donc le développer et l’étayer.

Précisemment :

  • orientation industrielle
  • nuit aux agriculteurs
  • nuit aux territoires
  • nuit à l’environnement
  • lien entre PAC actuelle et accords de libre-échange
  • défaut de indemnité versée à la surface plutôt qu’à l’actif
  • lien entre PAC actuelle et marché violent avec énormément de prédation

A +

Actuellement, si mes connaissances sont toujours d’actualité, on est d’accord que les aides sont versées, au moins pour une partie à l’Hectare, quelque soit la taille de l’exploitation, c’est bien ça ? C’est le paiement base.

Est-ce qu’il n’y aurait pas une problématique de justice sociale à régler, entre petit exploitant et exploitations à plusieurs centaines d’hectares ?
image

Source : Exploitations agricoles − Tableaux de l'économie française | Insee

Est-ce qu’on aurait pas intérêt par exemple à redimensionner l’aide de manière à mieux soutenir les petits exploitants et à moins subventionner les gros exploitants avec une PAC dégressive au delà d’un certains montant d’Hectare exploités ? Au délà de 100ha par exemple ?

Bref c’est une idée que j’ai eu en allant au boulot ce matin, dites moi si ça vaut quelque chose :sweat_smile:

Oui, ça rejoint différents éléments que je mentionne dans mon post initial.

Et panachées dans les autres grandes lignes de propositions, tu trouveras aussi des éléments intégrables à la conditionnalité / au cadrage de ces aides : le bien être animal / la dimension environnementale, etc etc

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Pourquoi ce critère?

(… pour encourager à la fois l’emploi et les petites exploitations.)

Je ne vois pas de lien direct…
Et pourquoi il faut encourager les petites exploitations + que les autres?

comme il ne s’agissait pas d’une proposition de motion(s) mais un travail de déminage / repérage initial, le reste des explications se trouve / trouvait dans les sources.
je te laisse chercher et fouiller le sujet si cela te pose question.

mais les revendications des syndicats les plus proches de ma vision politique travaillent beaucoup sur l’idée d’une réducation des échelles en agriculture, et particulièrement sur la taille des exploitations. Revenir à un modèle paysan, qui fut abandonné au profit du modèle industriel (dont les objectifs ne sont clairement pas de nourrir).