Démocratie liquide, Education Nationale et action directe par la petite porte

Bonjour à toutes et à tous.
Je rédige ce post dans l’espoir d’avoir un conseil technique en ce qui concerne la démocratie liquide dans le domaine du service public de l’Éducation Nationale. Une forme d’action directe, donc.

contexte
Pour celles et ceux qui ne me connaissent pas : je suis, en dehors de mes heures militantes, directeur d’école maternelle à Paris dans un Réseau d’Éducation Prioritaire (REP, successeur des ZEP que vous connaissez peut-être). Un REP est constitué d’un collège et des écoles qui sont dans son secteur (ici sept écoles primaires). Ce réseau est important sur le plan administratif, mais assez poussif dans la réalité du terrain.
Nous avons accès à des budgets de formation (environs 3000€) pour ce qui concerne les écoles. La décision doit être finalisée fin mai. Pour des raison de budget comme de cohérence d’action, il faudra ne sélectionner qu’un seul axe de formation. J’ai poussé l’idée de faire participer l’ensemble des profs à la construction du plan de formation. Je suis missionné pour proposer le protocole de consultation.

J’imaginais l’organisation suivante :
Une phase de proposition relativement étendue où chacun.e propose ce qui lui semble intéressant.
Une synthèse par l’équipe de pilotage (avec filtre de la hiérarchie, nous ne sommes pas dans un cadre purement démocratique, évidemment)
une mise au vote sur une semaine, avec éventuellement transition du vote, notamment auprès des directeurs et directrices de chaque école pour les cas où les enseignants ne voudraient pas s’en occuper.

Ceci peut se faire « à la main ». Mais j’aimerais en profiter pour introduire les outils techniques pertinents dans le domaine. Il est à noter que nous sommes en présence d’un public (les enseignants) qui ont un rapport très contrasté avec les outils numériques. En revanche les directeurs sont globalement plus facilement mobilisables.

Ce que j’attends de ce fil de discussion
une amélioration du protocole que j’ai exposé
des suggestions quant aux outils techniques à employer.

Dans l’attente de vous lire.

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Bonjour Thomas,
la difficulté que je vois, c’est la tension entre des propositions étendues et le choix d’un seul axe : c’est certainement fabriquer de la frustration inutile.
Je verrai bien un outil et un processus comme celui mis en place pour les consultations sur les lois (du style Loi numérique en 2015) : la phase de proposition (par des like avant des votes) est déjà une phase de fabrication de consensus, avec une hiérarchisation plus douce des idées.
Bonne réussite !
yvpic

(Attention, je suis de mauvaise humeur contre l’école, ce qui suit n’a rien de personnel…)

“(avec filtre de la hiérarchie, nous ne sommes pas dans un cadre purement démocratique, évidemment)”
Effectivement l’école n’a rien d’un lieu démocratique, ce n’est pas assez dit, surtout par des membres de direction, mais c’est tout à fait juste: les futurs citoyens sont formés dans une institution par des adultes qui évoquent parfois, et tardivement, la démocratie, sans jamais la mettre en pratique à aucun niveau, et cela produit des individus qui pensent que la citoyenneté, en démocratie, c’est voter une fois de temps en temps, alors qu’à l’origine la citoyenneté en démocratie c’est s’impliquer dans la vie de la cité, et pour ce faire disposer de la possibilité de se saisir de la tribune.
L’esprit démocratique est même antagoniste à l’école, dont l’utilité sociale se résume à ses tout premiers apprentissages, relayés rituellement pendant au moins quinze ans d’école obligatoire où l’on apprend par le matraquage cognitif aux individus à: Se taire (pour écouter l’adulte), obéir aux autorités (adultes), et répéter (ce que dit l’adulte). Des bacs à sable au bac à lauréats, durant des milliers d’heure l’institution use de ses “programmes”, qui servent bien à programmer les enfants obligés de subir l’école pour devenir des adultes obligés de subir leur travail où ils devront: Se taire (quand il le faut), obéir (aux supérieurs) et répéter des tâches plus ou moins répétitives et prévues par la fonction qui les précède.

Je n’ai pas tellement de choses à dire sur votre processus, qui semble tout de même comporter des points de friction et des objectifs multiples plus ou moins clairs. Les enseignants vivent-ils bien le “filtrage par la hiérarchie”? Comment procédez-vous? J’imagine qu’ils doivent: se taire (pour laisser parler le supérieur), obéir (parce que vous êtes leur supérieur), puis répéter (ce que vous avez dit qu’ils diront à leur tour). C’est en tout cas ainsi que j’ai vu faire pour laisser les gens penser qu’ils ont participé à la décision qui a aboutit à une conclusion décidée au préalable de manière indépendante.

Et si vous organisiez une formation créative qui repense l’école en s’interdisant d’ordonner de: se taire, obéir et répéter? Peut être que vous assisteriez au miracle de voir des enfants qui se mettent à penser à l’école…
Ceci étant dit, cela n’a rien de personnel, il se trouve que j’écris une analyse très sévère de l’école en générale et telle qu’elle existe depuis 1905 sans s’être réinventée. A l’époque c’était un progrès évident pour sauver les enfants du travail quelques années de plus, aujourd’hui l’apprentissage revient en force pour ramener au billot plus tôt, et l’école est un archaisme qui prévoit toujours en premier lieu d’inculquer la soumission aux autorités, en banalisant l’inégalité de droit entre soi et l’autorité reconnaissable, ce qui fait de l’école un lieu de privation de liberté par définition.
C’est surtout une institution qui engendre la violence de par sa structure dont les niveaux hiérarchiques définissent des statuts ayant toujours pour attributs de définition: des pairs, un supérieur direct et des subordonnés contre lesquels l’autorité se fonde sur des moyens de coercitions à des fins de régulation et d’adaptation, moyens qui doivent nécessairement être pénibles pour inciter la suppression ou la correction d’un comportement. Le châtiment classique du système carcéral scolaire étant les heures de colles qui révèlent bien que la punition consiste à…être à l’école…
En posant comme norme des rapports sociaux l’usage de formes de violences de l’autorité sur ses subordonnés, l’enfant l’intègre et conçoit ensuite lui-même les rapports sociaux sous l’angle du rapport de force.

Que mes mots durs n’occultent pas la respectabilité du travail que je suppose à un membre d’une structure éducative en REP. Je suis par ailleurs fils de profs dont l’un des deux est même devenu proviseur à roubaix, zone quasi-sinistrée socialement, d’où me vient sans doute ma dent dure contre ce système où tout est à revoir pour bien faire, mais tel qu’il est il convient bien à ceux qui savent comment en tirer parti :wink:

Bon courage, je ne me permettrai sûrement pas de douter de vos bonnes intentions dans votre tentative de démarche de “consultation filtrée” qui agit comme l’élection des délégués à partir du collège: ça leur laisse penser qu’ils sont en droit de s’exprimer mais, au final, ils feront comme on leur dira… essayez, si possible, de trouver comment moins donner d’ordres à ces enfants à l’aube d’une vie de contingences et de servitudes. Pensez donc qu’'on les confie à un “maître” (pendant du serf, de l’esclave faisant preuve de déférence en réaffirmant sa soumission par l’emploi de ce titre) ou à une “maîtresse”, terme plus ambigu qui limite la femme à sa fonction sexuelle, en tant que compagne adultère (synonyme de “salope” pour beaucoup), ou en tant que partenaire dominatrice dans des rapports sadomasochistes qui ramènent l’élève à la posture de soumission douloureuse qu’on exige de lui.

Salutations sans rancunes et bonne continuation!

Hihihi.
Tu es rigolo. Hors sujet mais rigolo.

LoL, je prévenais que je n’avais pas de réponse à tes questions mais j’ai de quoi parler de l’école en mode angryi. Tout est emphatique et je n’ai pas dis que j’ai été asistant péda et maître d’internat en REP+, et donc maton du système carcéral à temps partiel qui nous accueille dans la société par une condamnation d’office de 15 ans avec immobilisation des membres et du cou jusqu’à huit heures par jour avec retour au domicile le soir pour des raisons de budget.

En tout cas ton titre aussi est drôle et m’a donné envie de lâcher les chevaux quand on voit dans une même phrase l’Éducation Nationale strictement pyramidale et aussi hierarchique que la tour de Babel à côté de la Démocratie (liquide ou gazeuse ça fait plus de différence), mais tu le soulevais fort a propos en affichant une forme de paternalisme assumé qui a suffisamment l’expérience des profs pour “filtrer leurs choix”, car effectivement il faut rectifier ce qu’ils se disent entre eux qui ne se compare à rien d’autre chez les adultes, car il s’agit d’un microcosme ô combien singulier, qui a traversé l’école de part en part pour…y revenir et y rester en vieillissant toujours plus sans changer d’endroit et de discours en trouvant toujours les élèves “moins bons qu’avant”, maxime sempiternelle des profs depuis 1915 qui reviendrait à soutenir que les écoles étaient pleines de génies en 1905… C’est qu’il ne se rendent même pas compte qu’ils récitent plus vite qu’au début, trop vite, à force de recommencer tout les ans. Ce n’est pas un hasard que les profs soient un groupe social endogame qui fréquente peu les autres professions: C’est qu’ils sont plutôt perchés, à s’engueuler pour un casier en salle des profs, tantôt pervers de s’amuser des difficultés embarrassés d’un élève au tableau, tantôt précocement sénile à force de répéter pendant trente ans des tables de multiplication et des tableaux de conjugaison.

Une formation fort bénéfique pour ton équipe pourrait porter sur la pharmacologie adaptée à la carrière de profs: amphetamines le matin, antidepresseurs le midi, anxyolitique le soir, et THC les week-end pour tenir le temps d’une carrière. Dans le temps les doses ne font qu’augmenter. Faute de ça, vers 50/55 ans on les voit tourner de l’oeil et pâlir tandis que leurs joues se creusent et que les ailes de chauve-souris commencent à apparaître sous les bras des femmes qui ne seront plus jamais attrayantes tant qu’elles laisseront voir ces bouts de chairs flasques qui battent au rythme où la craie crisse…Ils n’ont plus que deux modes ON et OFF à force de répéter: en cours ils récitent en mode automatique et en dehors ils se retiennent de ne pas le faire… Tu parles d’une vie…

Aucune reconversion n’est prévu pour eux à part chef d’établissement ou inspecteur pour rester encore à l’école mais tout seul, sans plus de potes comme quand ils étaient profs, car tout les profs savent que les chefs sont des cons et les chefs tiennent pour acquis que les profs sont tous ridicules, mon père a switché d’opinions prof/chef en une nuit, quand il a passé le concours, c’est un genre de loi cosmique qui les fait se renier sans s’en rendre compte. L’ Educ Nat devrait assumer qu’il n’y a que ceux qui se droguent ou qui picolent qui tiennent jusqu’au bout avec le sourire (et les dents noires)…
J’ai eu un prof d’éco que j’aimais bien qui est revenu bourré du repas de noel, les dents bleuies par le vin et ouvrant sa sacoche à l’envers pour qu’elle se déverse au sol, il était trop chauvin pour être marxiste mais il traitait quand même thatcher de salope en cours . Ça s’est quelqu’un qui est fait pour le métier, qui réservait les salles avec la télé l’été pour pas rater rolland-garros. Par contre, ceux qui ont des ambitions d’épanouissement professionnel se préparent une belle dépression boulimique à 40 ans.
Le fait d’avoir été fils de prof et délégué chaque année m’a permis d’assister, pantois, à la récré des profs: le conseil de classe… Le proviseur doit tout le temps leur demander de se taire pendant qu’ils parlent à leurs voisins alors qu’ils vous regarderait avec les yeux révulsés si vous faisiez ce qu’ils font dans leur cour… Et qu’est-ce qu’ils mettent aux élèves… emballé c’est pesé, leur sort se règle parfois en trois vannes avant de griffonner une ligne standard sur le bulletin pour lequel ils ont sués et tremblés pendant 4 mois…

Bon courage encore pour la concertation, tu pourras me faire un best-off des idées de formations des profs stp? (je m’attend à des idées audacieuses qui changent en profondeur leur pédagogie genre fabrication d’origamis en soie ou construction d’objets décoratifs en pomme de pin etc…)

Sur les outils techniques, je vais avoir un peu de mal à t’orienter.

Sur le protocole : éventuellement dans la phase de collecte, tu peux tenter aussi de chercher non seulement les “désirs” (ce qui est intéressant) mais aussi les “besoins” (où est-ce que ça fait mal). Cela permettrait de simplifier le travail de synthèse ensuite et de voir l’axe qui permet le meilleur croisement des deux problématiques.

Mais c’est peut-être ce que tu avais déjà en tête.