(Attention, je suis de mauvaise humeur contre l’école, ce qui suit n’a rien de personnel…)
“(avec filtre de la hiérarchie, nous ne sommes pas dans un cadre purement démocratique, évidemment)”
Effectivement l’école n’a rien d’un lieu démocratique, ce n’est pas assez dit, surtout par des membres de direction, mais c’est tout à fait juste: les futurs citoyens sont formés dans une institution par des adultes qui évoquent parfois, et tardivement, la démocratie, sans jamais la mettre en pratique à aucun niveau, et cela produit des individus qui pensent que la citoyenneté, en démocratie, c’est voter une fois de temps en temps, alors qu’à l’origine la citoyenneté en démocratie c’est s’impliquer dans la vie de la cité, et pour ce faire disposer de la possibilité de se saisir de la tribune.
L’esprit démocratique est même antagoniste à l’école, dont l’utilité sociale se résume à ses tout premiers apprentissages, relayés rituellement pendant au moins quinze ans d’école obligatoire où l’on apprend par le matraquage cognitif aux individus à: Se taire (pour écouter l’adulte), obéir aux autorités (adultes), et répéter (ce que dit l’adulte). Des bacs à sable au bac à lauréats, durant des milliers d’heure l’institution use de ses “programmes”, qui servent bien à programmer les enfants obligés de subir l’école pour devenir des adultes obligés de subir leur travail où ils devront: Se taire (quand il le faut), obéir (aux supérieurs) et répéter des tâches plus ou moins répétitives et prévues par la fonction qui les précède.
Je n’ai pas tellement de choses à dire sur votre processus, qui semble tout de même comporter des points de friction et des objectifs multiples plus ou moins clairs. Les enseignants vivent-ils bien le “filtrage par la hiérarchie”? Comment procédez-vous? J’imagine qu’ils doivent: se taire (pour laisser parler le supérieur), obéir (parce que vous êtes leur supérieur), puis répéter (ce que vous avez dit qu’ils diront à leur tour). C’est en tout cas ainsi que j’ai vu faire pour laisser les gens penser qu’ils ont participé à la décision qui a aboutit à une conclusion décidée au préalable de manière indépendante.
Et si vous organisiez une formation créative qui repense l’école en s’interdisant d’ordonner de: se taire, obéir et répéter? Peut être que vous assisteriez au miracle de voir des enfants qui se mettent à penser à l’école…
Ceci étant dit, cela n’a rien de personnel, il se trouve que j’écris une analyse très sévère de l’école en générale et telle qu’elle existe depuis 1905 sans s’être réinventée. A l’époque c’était un progrès évident pour sauver les enfants du travail quelques années de plus, aujourd’hui l’apprentissage revient en force pour ramener au billot plus tôt, et l’école est un archaisme qui prévoit toujours en premier lieu d’inculquer la soumission aux autorités, en banalisant l’inégalité de droit entre soi et l’autorité reconnaissable, ce qui fait de l’école un lieu de privation de liberté par définition.
C’est surtout une institution qui engendre la violence de par sa structure dont les niveaux hiérarchiques définissent des statuts ayant toujours pour attributs de définition: des pairs, un supérieur direct et des subordonnés contre lesquels l’autorité se fonde sur des moyens de coercitions à des fins de régulation et d’adaptation, moyens qui doivent nécessairement être pénibles pour inciter la suppression ou la correction d’un comportement. Le châtiment classique du système carcéral scolaire étant les heures de colles qui révèlent bien que la punition consiste à…être à l’école…
En posant comme norme des rapports sociaux l’usage de formes de violences de l’autorité sur ses subordonnés, l’enfant l’intègre et conçoit ensuite lui-même les rapports sociaux sous l’angle du rapport de force.
Que mes mots durs n’occultent pas la respectabilité du travail que je suppose à un membre d’une structure éducative en REP. Je suis par ailleurs fils de profs dont l’un des deux est même devenu proviseur à roubaix, zone quasi-sinistrée socialement, d’où me vient sans doute ma dent dure contre ce système où tout est à revoir pour bien faire, mais tel qu’il est il convient bien à ceux qui savent comment en tirer parti
Bon courage, je ne me permettrai sûrement pas de douter de vos bonnes intentions dans votre tentative de démarche de “consultation filtrée” qui agit comme l’élection des délégués à partir du collège: ça leur laisse penser qu’ils sont en droit de s’exprimer mais, au final, ils feront comme on leur dira… essayez, si possible, de trouver comment moins donner d’ordres à ces enfants à l’aube d’une vie de contingences et de servitudes. Pensez donc qu’'on les confie à un “maître” (pendant du serf, de l’esclave faisant preuve de déférence en réaffirmant sa soumission par l’emploi de ce titre) ou à une “maîtresse”, terme plus ambigu qui limite la femme à sa fonction sexuelle, en tant que compagne adultère (synonyme de “salope” pour beaucoup), ou en tant que partenaire dominatrice dans des rapports sadomasochistes qui ramènent l’élève à la posture de soumission douloureuse qu’on exige de lui.
Salutations sans rancunes et bonne continuation!