Débats 2022-01 : Du développement public des Organismes de Foncier Solidaire

Exposé des motifs

L’habitat est désigné depuis la loi Quillot de 1982 comme un droit fondamental.
La loi Besson de 1990 affirme que garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation.
Enfin, en 1995, le Conseil Constitutionnel considère que la possibilité de disposer d’un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle.
De manière générale, le droit français considère le droit au logement comme inclus dans les 10ème et 11ème alinéas du [préambule de la Constitution du 27 octobre 1946](PR — Wikipédia PourcentsC3 PourcentsA9ambule_de_la_Constitution_du_27_octobre_1946).

Par sa valeur solidaire et non spéculative, le dispositif d’Organisme de Foncier Solidaire (OFS) est un outil permettant le développement d’habitations privées ou collectives accessibles. Il a pour vertus principales de favoriser l’accès à la propriété pour les foyers les plus précaires, et d’autre part de limiter la spéculation sur le sol et le foncier.

A ce jour, les collectivités locales n’ont que les HLM comme outil de développement du logement social, outil qui leur fut imposé par la loi (à différents moments, par exemple avec la loi SRU pour le quotat de 20 Pourcents du parc résidentiel en 2000).

La présente motion a pour motif de faire valoir les vertus solidaires et non spéculative du dispositif OFS, en proposant d’imposer et d’accompagner le développement des OFS par les municipalités, sur le modèle et en complément des HLM.

Contenu de la proposition

Le Parti Pirate souhaite la création de régies municipales d’Organismes de Foncier Solidaire, pour favoriser le développement de l’accès à la propriété et limiter la spéculation sur le sol et ses effets sur le logement.

Chaque municipalité devant se conformer aux dispositions en vigueur relatives à la création et au développement d’un parc HLM sur son territoire devra également se doter d’une régie d’Organisme de Foncier Solidaire sous 2ans après passation de la loi.
Cet organisme public devra créer un parc de foncier solidaire par construction ou achat, en administration publique ou déléguée/privée.
Il devra à terme proposer un quota de logements au moins équivalent à son parc HLM.

Les municipalités disposeront au titre du développement de leur Organisme de Foncier Solidaire d’aides proportionnelles à celles dont elles disposent pour la construction de leur parc HLM, avec pour objectif national 10 Pourcents du parc total de logements sous Organisme Foncier Solidaire dans les 10ans.


Lien vers Congressus : Congressus : Session Février 2022 - Assemblée Permanente - Du développement public des Organismes de Foncier Solidaire

    Rapporteur : @gregoiremarty

Est-ce qu’on peut dans ce projet rajouter des clauses environnementales pour limiter l’étalement urbain et exclure certains type de constructions ?

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Ça peut faire l’objet d’un amendement de complément ici ou d’un point de programme séparé mais complémentaire, vu que l’OFS n’est pas nécessairement lié à la construction. Comme tu le souhaites.

Je suis plus que dubitatif sur ce dispositif.
Côté institutions, il s’agit de créer un organisme supplémentaire structurellement déficitaire sur le long-terme. Schématiquement, l’OFS va acquérir un bâtiment et le terrain sur lequel il est construit puis revendre les bâtiments (maisons, appartements, etc.) à prix attractifs à des ménages remplissant les conditions de ressources en conservant la propriété du terrain. Si la vente du bâti permettra de rembourser une partie de la transaction, l’OFS se retrouvera propriétaire à long-terme de terrains onéreux mais générant peu ou pas de revenus sauf à augmenter les loyers des baux emphytéotiques ce qui est contradictoire avec la vocation sociale du dispositif. Cela signifie également que le dispositif ne pourra pas être financé par emprunt, faute de revenus une fois le bâti vendu. Les collectivités locales et/ou l’état seront donc tenus d’immobiliser à long-terme des capitaux importants dans ces structures, ce qui limitera rapidement leur capacité à étendre de nouvelles opérations. A l’heure où les collectivités peinent à atteindre leurs objectifs de HLM dans les zones tendus, la mise en place d’une obligation supplémentaire avec des conditions financières aussi défavorables va surtout aboutir à une explosion des impôts locaux.
Les ménages accédant de leurs côtés, se retrouvent non pas propriétaires mais titulaires d’un bail emphytéotique cessible. Ils sont certes plus libres concernant l’aménagement du bien mais doivent aussi supporter les charges (ravalement, travaux lourds, etc.). Ils n’ont pas de possibilité de plus-value à la revente ce qui est pénalisant s’ils souhaitent repartir en secteur libre et signifie que tous les travaux d’aménagement faits sont à fonds perdus. Ils font également face à des délais de vente plus long, leur bien étant peu liquide (puisque les potentiels acheteurs doivent remplir les conditions de ressources). Par ailleurs, sauf mécanisme public additionnel (PTZ++), l’accès au crédit leur sera également plus difficile vu qu’il n’est pas possible de faire d’hypothèque ou de promesse d’hypothèque (parce que pas de terrain).
Enfin, côté marché immobilier, la mise en place de ce dispositif obligatoire aura pour effet direct de faire augmenter les prix pour les ménages des classes moyennes et aisés par raréfaction de l’offre libre disponible. (corner immobilier)

Côté pratique, je note que le dispositif a été créé par la loi ALUR de 2014 mais qu’apparemment aucune opération n’a encore été réalisée. Cela pose quand même question quant à l’intérêt du dispositif et à la pertinence du délai de 10 ans proposé.

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A la lecture, je ne vois que des oppositions théoriques qui ne s’appuient pas sur des expériences dudit dispositif.
Peut-être faut-il adapter différemment le modèle aglo-saxon qui semble avoir des conséquences positives :

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Au temps pour moi concernant le problème de garantie, le droit français permet bien d’hypothéquer un bail emphytéotique (mais l’expiration du bail éteint la sûreté). Dont acte.

Merci pour cet apport technique :slight_smile:

Tu avances deux points sur lesquels j’aimerais te répondre.
D’abord celui qui concerne la pratique. Tu dis qu’il n’y a pas d’opération réalisée à ce jour. Je veux bien la source stp, parce que de mon coté, j’ai une carte officielle des OFS en activité ou en cours de création, qui vient du ministère en charge du dispositif, et que j’avais référencé dans le thread initial sur les OFS ici : [WIP] Organisme de Foncier Solidaire et Logement - #3 par gregoiremarty


Ensuite celui-ci, concernant la valeur à la revente, où tu dis :

En fait non.
C’est stipulé dans cette FAQ, page 11 :

Je cite :
L’encadrement des prix de cession est un des principes fondateurs du BRS. Le dispositif des OFS/
BRS limite la spéculation foncière en comportant une dimension anti-spéculative perpétuelle. Le
prix à la revente est égal à la valeur initiale du BRS (Article L.255-5 du CCH), mais le BRS peut
prévoir une actualisation de la valeur de revente selon des critères pré-définis. Les modalités de
calcul du prix de vente peuvent ainsi prendre en compte l’évolution du marché immobilier (Exemple
de l’indice de référence des loyers (IRL) ou de l’indice du coût de la construction (ICC)) ou une
éventuelle dégradation/amélioration du logement.

@Bibo. Merci pour les liens. Les études indiquées ne portent pas forcément sur mes réserves et ne sont pas toujours conclusives.
L’étude « Can community land trusts slow gentrification? » (https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/07352166.2017.1362318?needAccess=true) indique un effet de stabilisation de la mixité sociale mais sans accès à l’article difficile de savoir s’il s’agit d’une véritable boucle positive (et de quelle ampleur) ou juste d’un effet mécanique (si on impose x Pourcents de personnes à revenus bas ou moyens, il est attendu d’en trouver a minima x Pourcents).
L’étude « Transitioning to Homeownership: Asset Building for Low- and Moderate-Income Households » (https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10511482.2021.1949372?src=recsys) relaie pour le coup, mais sans approfondir, mes interrogations quant à la difficulté de financement du dispositif pour la collectivité comme pour les ménages participants : « There are different types of shared-equity models, the most common of which are CLTs (…) it can be difficult for a community to establish a CLT and start acquiring properties, because it requires the organization to have enough capital to acquire and maintain ownership of the land, widespread support of surrounding neighbors and public officials, private lenders that are open to providing mortgages for homes on leased land, and subsidies that remain with the home and cannot be recaptured (Davis, 2017; Thaden, 2012). As of 2018, it was estimated that there were about 225 CLTs nationwide, providing more than 12,000 units, and this number has been growing in recent decades (Thaden, 2018). » Il ne s’agit pas uniquement d’une difficulté théorique.

J’ai effectivement surinterprété l’article Wikipédia qui n’est pas à jour. Mea culpa. Ceci étant, la carte pointe juste le nombre de structures créées pas le nombre de biens et de m² concernés. C’est surtout sur cette base là qu’on va pouvoir juger de la capacité de mise à l’échelle.
Point glané dans les ressources, l’OFS apparait comme une option plutôt pertinente dans le cadre de la mise en vente de logements HLM pour garantir leur caractère abordable.

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C’est entre autre ça qui est déterminant selon moi. (HLM ou pas)
L’intention et la motivation derrière cette motion c’est principalement d’en proposer une alternative à la propriété spéculative, et de limiter les effets de cette dernière sur les conditions de logement, parfois indignes.

Je trouve qu’elle a aussi le mérite de bien se greffer au point de programme sur le Revenu de Base, notamment pour les personnes qui deviennent majeures et qui voudraient investir le RDB touché depuis la naissance pour accéder à la propriété.

Pour ma part, je retiens le problème de capacité de mise à l’échelle du fait de l’immobilisation de capital. Pour donner un ordre de grandeur, il y a 1,39 millions de logements à Paris (données Insee 2018) avec une surface moyenne qu’on peut estimer autour de 48-49 m² (estimation faite sur la base du nombre de pièces en prenant 20m² pour un studio jusqu’à 105m² pour un 5 pièces et plus). A date, le prix moyen au m² est de 10 670 € (source notaires Ile-de-France). Si on retient l’objectif de 10 Pourcents de logements en OFS, ça fait un montant global de plus de 72 G€. En prenant une quote-part de 50 Pourcents pour la valeur du terrain, ça fait 36 G€ de capital à immobiliser sur le très long-terme soit un coût de 450 M€/an si on refinance à 30 ans aujourd’hui rien que pour le coût du capital et rien que pour Paris. Par ailleurs, 139 000 logements à Paris acquis à Paris en 10 ans, ça représenterait plus de 10 fois plus que ce que les CLTs américains ont acquis en près de 50 ans.

Hello @anonyme_du_92 ,

Pour te répondre sur le point du capital qu’un tel plan requiert, je dirais que la motion stipule déjà ceci :

Ensuite, si on suit ton propos, le seul problème finalement c’est le délai octroyé aux municipalités. Pour toi et selon tes calculs, quel devrait être ce délai ?