Débats 2022-02 : Pouvoir vivre en ville sans voitures individuelles

Exposé des motifs

Nous Pirates, militons pour le partage équitable et raisonné des voies urbaines. Ce partage est actuellement inéquitable, en raison de la place déraisonnable laissée aux voitures individuelles, jusque dans l’hypercentre des villes. En effet, la voiture occupe aujourd’hui 50 Pourcents des zones urbaines (lorsqu’elle y est autorisée), ainsi que de vastes espaces de parkings, pour seulement 1,2 personnes transportées en moyenne, et une utilisation très partielle lorsqu’elle n’est pas un outil de travail.

Cette situation est l’héritage d’une époque où la voiture individuelle était la norme, et un acquis social pour la mobilité de toutes et tous. Elle reste souvent indispensable dans les zones peu desservies par les transports publics, à faible densité de population.

Cependant, dans le cœur des villes les plus denses, l’accumulation des véhicules individuels est devenue source d’embouteillages, de pollutions, de bruits, au détriment des usagers eux-mêmes, et de la collectivité dans son ensemble. Face aux enjeux environnementaux, la surconsommation des ressources pour la construction et l’utilisation des voitures (quelles que soient les sources d’énergie), doit inciter à agir rapidement pour changer de modèle de transport en ville, à l’image des politiques menées dans plusieurs capitales européennes (Oslo, Madrid, Londres, …)

L’interdiction progressive et planifiée des véhicules individuels dans les centres-villes permettra de limiter toutes ces nuisances, mais aussi de réaliser des économies (moins de voies à entretenir, gain d’espace, …), d’améliorer les transports doux et collectifs, et faciliter l’action des véhicules d’urgence. Le calendrier doit permettre aux habitantes, aux habitants, et aux collectivités de s’adapter à ce nouveau modèle. Les récents progrès techniques en matière de transport et de communication, offrent une grande diversité de solutions pour parvenir à cet objectif.

Contenu de la proposition

Le Parti Pirate propose la mise en place d’un calendrier progressif pour l’interdiction des voitures individuelles dans les centres-villes : 5 années pour la mise en place des services, 10 années pour le déploiement progressif des restrictions

Le Parti Pirate propose la création d’un plan de financement de services alternatifs : renforcement des transports doux et collectifs, parking-relais (gratuits pour les résidents et travailleurs), flotte de véhicules partagés à tarifs réduits (de préférence autonomes).

Le Parti Pirate propose l’interdiction des voitures individuelles prioritairement dans les plus grands centres urbains (Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Toulouse), puis dans les autres grandes villes. A défaut, le Parti Pirate propose la mise en place de péages urbains. Le Parti Pirate propose également la mise en place de permis d’accès pour les usages professionnels, déménagements, et autres raisons exceptionnelles ainsi qu’une limitation à 30km/h pour toutes les voies.


Lien vers Congressus : Congressus : Session Février 2022 - Assemblée Permanente - Pouvoir vivre en ville sans voitures individuelles

    Rapporteur : @Florie

Personnellement, je suis en forte opposition avec la proposition dans sa philosophie, dans ses modalités et dans sa formulation.

Sur la philosophie d’abord, les problèmes de mobilité sont des problèmes complexes, locaux et à fort enjeu pour les citoyens qui mettent en prise les problèmes d’accès à l’emploi et aux services publics, le développement commercial, touristique et culturel, les habitudes et préférences individuelles, … Pour ces raisons, la décision doit se prendre au niveau local et en concertation avec les habitants et les usagers de la ville. A l’inverse, une décision globale au niveau national sera par nature inadaptée, arbitraire et illégitime. Les raisons de recourir à l’automobile pour les particuliers sont nombreuses (distance importante à couvrir, horaires décalées, multiplicité d’étapes, réseau de transport en commun inadapté, sale, peu fiable, …) ce qui explique qu’il y ait encore beaucoup de gens qui choisissent en connaissance de cause de perdre plusieurs dizaines de minutes chaque jour dans les embouteillages. La proposition revient quand même à considérer qu’ils ont tort et n’ont qu’à s’adapter.

Sur les modalités, le délai proposé est extrêmement court et ne permet pas aux collectivités d’engager la concertation nécessaire ainsi que le parcours juridique nécessaire (enquêtes publiques, etc.), encore moins d’engager la mise en place de réseaux de transports lourds (métro, train, tramway). La limitation d’office de la circulation à 30km/h et la fin des grands axes va se traduire par un trafic moins fluide et plus d’embouteillages (et donc plus de pollution jusqu’au passage au tout électrique). Elle rendra également le réseau de bus moins attirant tout en nécessitant plus de bus pour maintenir la cadence (Les 30 km/h sont un casse-tête pour les bus publics - Le Temps), ce qui en compliquera l’équation économique. Quid également de l’accompagnement des commerces spécialisés et des grands équipements culturels dont la clientèle actuelle ne se limite pas à la population habitant l’hypercentre.

Sur la formulation, je trouve l’exposé des motifs largement insuffisant :
Les problématiques de pollution sonore et chimique vont se résorber progressivement avec l’électrification du parc. La solution serait plutôt de parvenir à accélérer ce mouvement. Du reste, la pollution de l’air sur les villes du nord de la France est aujourd’hui plus due aux centrales thermiques allemandes et du Bénélux, au chauffage individuel au bois et à l’agriculture qu’à l’utilisation de l’automobile en ville ;
la question de l’espace public alloué est un indicateur biaisé s’il n’est pas mis en regard de la fréquentation. J’ai ainsi pas mal d’exemples de pistes cyclables complètement vides à côté de voies carrossables surutilisées. La D1 dans le bois de Boulogne ou la rue de Rivoli sont des cas caricaturaux. L’indicateur ne tient par ailleurs pas compte du fait que les voies sont souvent partagées : la chaussée accueille aussi les bus, les trottinettes électriques empruntent les pistes cyclables.

Enfin, mais c’est sans doute personnel, je trouve l’emploi du terme transport doux pour désigner la trottinette et le vélo mensonger quand on voit l’accidentologie induite, les conflits d’usage vélos/piétons, vélos/automobiles et vélos/vélos.

Je serais pour limiter la proposition au deuxième point à savoir un accompagnement des collectivités dans le développement de services alternatifs adaptés (parking pour covoitureurs, réseau d’autopartage, création de réseaux de pistes cyclables et de transports en commun). On pourrait également proposer de revoir le cadre juridique pour la mise en place des ZFE, ZTL et des péages urbains (mais est-ce nécessaire compte tenu des dernières lois sur le sujet). Enfin sur le plan de la sécurité, il me parait intéressant de mettre en place une réglementation imposant une couleur spécifique (et voyante) pour les pistes cyclables ainsi qu’une certification de la sécurité des pistes (à Paris et sans doute ailleurs, certains équipements sont extrêmement dangereux)

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Je répondrai sûrement de manière plus complète dès que je peux, mais je voulais juste préciser que « transport doux » est une expression répandue pour désigner des transports non-motorisés, et ne préjuge rien du reste (accidents, conflits, etc.). Si on admet que ce sont plutôt des modes de transport à promouvoir, ça semble plutôt bon de garder ce terme positif, à défaut de mieux.

Pour le reste, j’aurais bien sûr des désaccords, mais je suis plutôt d’accord avec la philosophie générale. Même si j’assume le texte en tant que co-rédacteur, j’ai plutôt tiré le texte dans ce sens, et ta contribution me conforte dans cette direction.

Question complémentaire en vue du vote : est-il encore possible de déposer des amendements à ce stade ? Je crains qu’avec la proposition d’amendement de Bibo et un vote Borda, la proposition de Florie soit mécaniquement adoptée sans que le débat ait vraiment eu lieu car les Borda ont tendance à avantager fortement les positions médianes.

Oui, c’est possible.

A ma connaissance la diminution de la vitesse a l’effet inverse.

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Merci @anonyme_du_92 pour ta réponse.

Je voulais réagir à certains points dedans. Il y en a d’autres où je ne suis pas compétent (les délais de parcours juridiques par exemple).

Prise de décision

Pour ces raisons, la décision doit se prendre au niveau local et en concertation avec les habitants et les usagers de la ville

Entièrement d’accord que ces décisions doivent impliquer les habitants, par contre je ne pense pas qu’ils mènent à la conclusion que la décision doit être prise entièrement au niveau local dans le sens des institutions locales (j’insiste sur entièrement).

Responsabilité

La proposition revient quand même à considérer qu’ils ont tort et n’ont qu’à s’adapter

Je ne suis pas d’accord sur cette projection d’intention sur la proposition, personne ne dit que les automobilistes ont tord dans le système actuel, ils et ellent n’ont souvent simplement pas le choix, comme ça a été relevé dans plusieurs expériences individuelles ici.

Comme pour beaucoup de problèmes de société, ce sont les règles en place et les comportements collectifs dans lesquels nous sommes coincés qui sont remises en cause.

Donc sur la philosophie : c’est d’abord changer la structure globale des possibilités de mobilité en commençant à créer les incitations nécessaires, et avant de commencer à mettre en place les restrictions.

Mise en place de systèmes de tranport

encore moins d’engager la mise en place de réseaux de transports lourds (métro, train, tramway)

Les transports lourds sont effectivement à mettre en place sur des échelles de temps supérieures, par contre un réseau de bus bien cadencé est déjà largement suffisant en première instance, surtout que les villes qui n’ont pas déjà un système lourd établi sont plus petites et plus adaptées à un réseau de bus.

Intox sur la circulation

La limitation d’office de la circulation à 30km/h et la fin des grands axes va se traduire par un trafic moins fluide et plus d’embouteillages

C’est mon plus gros point de critique sur l’argumentation. Je t’invite à faire attention à séparer les débats d’opinions de faits établis, étudiés, sinon tu peux accidentellement propager de fausses information. Je vais donner des axes d’information sur deux points, le développement d’axes et la limite de vitesse.

Le développement des grands axes a été et est un problème pour la structure urbaine, la dépendance à la voiture et même pour le trafic. Les réseaux routiers ne sont pas des systèmes « linéaires », c’est à dire des systèmes où doubler le nombre de voies = doubler le débit de véhicules, ou encore où doubler la vitesse = doubler le débit de véhicules (ce qui serait intuitif pour quelque chose comme de l’eau qui circule).

Pire encore, ils ont eu l’effet inverse, on a multiplié les grands axes depuis l’après-guerre, ça a créé de la « demande induite », donc en gros plus de voies = plus de traffic et niveau de congestion égal ou qui empire.

Les intéressés peuvent aller lire sur le Paradoxe de Braess pour les aspects plus théoriques.

Des chercheurs l’avaient nommé ici la loi fondamentale de congestion routière : c’est la création de route, et quasi uniquement ça, qui crée l’utilisation, donc l’addition de trafic.

Un exemple d’études ici Milam, Ronald T., et al. « Closing the induced vehicle travel gap between research and practice. » Transportation research record 2653.1 (2017).
Les auteurs soulignent ce qui est déjà un concensus (+ de voies = plus de trafic) mais donnent aussi d’autres résultats sur leurs modèles, par exemple le fait que la pollution augmente.

Et empiriquement, la loi semble aller dans les deux sens, si on enlève des voies automobiles, on réduit le nombre de trajets à congestion équivalente, d’autres trajets ne se feront pas en véhicule ou se feront en transports en commun.

Et c’est pas juste le trafic, puisqu’on reste à congestion équivalente, ça veut dire qu’on augmente les niveaux de pollution de l’air en local, en plus des émissions globales catastrophiques. On rappelle que le transport c’est la part du lion à tailler pour une transition énergétique.

Donc vraiment sur ce point je pense qu’il faut faire attention à vérifer et croiser quelques sources primaires d’études pour des faits qui ne peuvent pas être des opinions.

Sur les limites de vitesse, j’ai trouvé des articles qui parlent de sa relation à la congestion sur les voies rapides (vitesse plus rapide commence à entraîner de la congestion à un niveau de traffic moindre) mais pas dans les villes directement. Par contre l’argument de la vitesse réduite c’est surtout celui de la consommation et de la pollution réduites à trajet équivalent (par exemple cette simulation). Si je trouve d’autres sources d’intérêt complémentaires je les ajouterai.

Pénalisation des tranports en commun

Elle rendra également le réseau de bus moins attirant tout en nécessitant plus de bus pour maintenir la cadence

Merci pour l’article du Temps il est intéressant ! Pour moi il montre surtout que la limitation seulement est une mesure insuffisante pour rendre les transports en commun attractifs. Attention, celle-ci a quand même des externalités positives (voir au-dessus), mais elle risque de bloquer les bus si ils n’ont pas de voies dédiées, soit une seule soit toute une rue qui soit bus seulement.
Et dans beaucoup de cas oui il faudra augmenter la cadence, ne serait-ce que pour la qualité de service. Si il n’y a plus de voitures dans les centres, les bus ont toute la possibilité de circuler dans le centre, entre les périphéries en passant ou non par le centre etc.

Sur la formulation

Les problématiques de pollution sonore et chimique vont se résorber progressivement avec l’électrification du parc. La solution serait plutôt de parvenir à accélérer ce mouvement. Du reste, la pollution de l’air sur les villes du nord de la France est aujourd’hui plus due aux centrales thermiques allemandes et du Bénélux, au chauffage individuel au bois et à l’agriculture qu’à l’utilisation de l’automobile en ville

Je ne comprends pas où tu veux en venir sur la pollution, le fait qu’il y aie des sources graves externes dans le Nord ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’occuper de celle-ci aussi. Et c’est un peu agiter un autre problème non relié à celui-ci, l’automobile pollue, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’autres sources.
L’électrification du parc ne changera pas les autres problèmes causés par la voiture dont l’occupation massif d’espace urbain, l’éclatement des villes, soulignés dans la motion.

L’espace urbain alloué pour la voiture ça n’est pas que la voirie, c’est aussi les stationnements qui sont énormes dans l’abolus, absurde quand ramenés au nombre d’usagers.

Utilisation des infrastructures

J’ai ainsi pas mal d’exemples de pistes cyclables complètement vides à côté de voies carrossables surutilisées

J’habite dans une ville où le vélo est massivement utilisé mais les pistes cyclables ont toujours l’air vide parce qu’il faut beaucoup plus de vélos roulant en groupe pour arriver à faire du vrai traffic. Les pistes ont l’air vide parce que ça circule, là où le même nombre de personnes en voitures bloqueraient une rue.

Par contre je comprends le propos des pistes vides quand il n’y a pas une infrastructure complète. Je me souviens d’une ville où j’ai vécu où il y avait une piste cyclable sur une rue isolée, c’est intéressant pour sécuriser une voie où la cohabitation est dangereuse mais ça n’est pas une incitation pour plus de cyclistes.

Pour les voies partagées, ça revient à mon point sur les voies de bus sans voiture. Les bus doivent avoir la priorité. Pour les trotinettes sur les pistes cyclables je vois pas en quoi elles dérangent, elles sont mieux là que sur l’espace piéton. Encore une fois, enlever la voiture des espaces urbains denses libère l’espace.

Je comprends ton point sur l’accidentologie, il est à nuancer avec celui de la voiture, il y a des accidents mais même par usager on atteint pas le même genre d’accidentologie ni de mortalité. Mais oui les cyclistes ne sont pas aujourd’hui sans accident, d’où l’importance de développer les voies dédiées séparées des autres usagers (et ce, pas seulement en centre-ville mais partout). Il faut aussi se rappeler qu’en France on a beaucoup de nouveaux cyclistes en ce moment en circulation et que les pratiques s’améliorent avec le temps. Et une fois qu’on aura mis en place l’infrastructure dédiée, ça veut aussi dire s’assurer que les cyclistes respectent la réglementation (code de la route).

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Pour information et aide au débat :

D’une manière ou d’une autre ça va dans le sens de la présente proposition

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La réponse de la Préfecture de Paris

La réponse de la Préfecture de Paris

Les arguments (autre que ils doivent être consultés) se limitent à :

  • ça risque de créer des bouchons en périphéries, or moins de possibilité d’aller au centre en voiture limite de fait l’utilité de prendre la voiture pour y aller (même si on est d’accord le périphérique ne sert pas qu’à ça), et ça facilitera de fait la circulation des services de secours et de police au centre (limitant le fait de devoir passer par la périphérie)
  • ça risque d’impacter négativement l’activité économique, alors qu’on connait les impacts positifs notamment sur les commerces de la piétonisation

Forcément, pondre un communiqué ça va plus vite que d’aller chercher des données permettant de supporter son hypothèse.

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Pour moi ça va avec le problème de considérer que c’est un rôle et une charge (exclusives) du local de mettre ce genre de choses en place, aussi parce que l’État peut bloquer, comme ici (potentiellement) par un appareil non élu (la préfecture). C’est à l’échelle du national que la décision et les fonds doivent être engagés